Olusegun Obasanjo, l’ex-président du Nigéria devenu éleveur de poulets
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Après avoir dirigé deux fois le Nigeria, l’ex-général Olusegun Obasanjo coule une retraite heureuse en élevant des poulets pour 250000 dollars par mois. Une reconversion possible pour Sassou, Bongo et Biya?

De Olusegun Obasanjo, 78 ans, les Nigérians retiennent qu’il a été le premier  militaire de son pays à rendre en 1979 à un président civil démocratiquement élu le pouvoir qu’il a pris par la force  trois années plus tôt à la tête d’une junte. Mais cet ex-général, issu de l’ethnie yoruba, au physique de catcheur, aura, sans doute, été le premier chef d’Etat africain à penser à l’après-pouvoir alors même qu’il est en exercice. Une semaine seulement après avoir quitté ses fonctions, Obasanjo a inauguré le 8 octobre 1979 Otta Farm, à 40 kilomètres au sud-est de Lagos, la capitale économique du Nigeria.

L’exploitation commence modestement : 2 écloseries, 5 poulaillers et deux meuneries. Mettant à profit son temps de retraité et son solide carnet d’adresses, Obasanjo, toujours à l’aise dans son boubou traditionnel agbada et son bonnet yoruba, a transformé progressivement cette ferme en une véritable unité industrielle qui emploie désormais pas moins de 7000 personnes. L’ancien chef de l’Etat nigérian y produit de la semoule du manioc et développe un élevage industriel de poulets à Otta et dans ses succursales dans les Etats de Ibadan et Oyo. Les activités de fermier rapportent chaque mois au général à la retraite près de 250.000 dollars (34 millions de naira), soit plus que le salaire annuel du président français François Hollande (179.000 euros), de son homologue russe Vladimir Poutine (128.000 euros) ou même du Premier ministre japonais (191.000 euros).

Dans le business comme en politique, Obasanjo applique les mêmes recettes : le travail, les réseaux, les hommes de confiance. Lui, le yoruba baptiste a réussi à devenir un des chefs d’Etat nigérians le plus populaire dans les Etats du nord, majoritairement musulmans. Il s’est lié d’amitié avec l’Américain Bill Clinton, jouit de l’estime de la Reine Elisabeth et de Jacques Chirac ; du respect et de la considération de ses ex-pairs africains sénégalais Abdou Diouf, nigérien Mamadou Tandja. Obasanjo, c’est aussi le grand ami du milliardaire nigérian Aliko Dangote, l’Africain le plus riche.

Le divorce avec Jonathan

Réputé très accessible aux  gens ordinaires, il n’a eu aucune peine à revenir au pouvoir par les urnes en 1999, soit 20 ans après l’avoir quitté. Son élection unanimement saluée avait alors suscité au Nigeria et à l’étranger un énorme espoir. Pour son premier discours de nouveau chef de l’Etat, il dénonce la corruption des élites nigérianes qu’il qualifie de « cancer pour l’économie ». Deux événements politiques prouveront que l’ex-général, qui manie l’humour avec une très grande réussite, tient aux valeurs de fidélité en amitié et d’intransigeance sur les principes. Contre l’avis des barons de sa formation, le parti démocratique populaire (PDP), il prend en 1999 comme colistier Umaru Yar Adua,  militant peu connu mais frère cadet du général Shehu Musa Yar Adua, son compagnon de détention dans les prisons de Sani Abacha. Plus récemment, il claque la porte du PDP pour marquer son opposition à la gouvernance du président sortant Goodluck Jonathan. Obasanjo reprochait à celui qu’il avait pourtant aidé à accéder à la magistrature suprême en 2011, après le décès de Umaru Yar Adua,  sa gestion de la lutte contre la secte islamiste Boko Haram.

Mais derrière cette raison officielle, se cache un vrai calcul politique, un exercice avec lequel il est tout aussi à l’aise que la lecture d’une carte d’état-major. L’ancien chef de la junte a en effet compris que son ex-protégé a perdu l’estime et le soutien des Etats musulmans du nord et du nord-est de la fédération ; il en a profité  pour adopter la posture d’opposant le plus déterminé à son régime. Ce qui accroit son capital d’estime et de crédibilité dans les Etats haoussa.

Trois années en enfer

Fin connaisseur de la sociologie politique de son pays, Obasanjo sent très tôt venir  la victoire du général Muhamadu Buhari. Il lui apporte officiellement son soutien puis se rétracte quelques jours plus tard. Non qu’il ait renoncé mais  par simple tactique. C’est cette habilité à faire le bon choix au bon moment qui lui a permis de rester aux avant-postes de la vie publique nigériane, malgré les changements de régime.

Pour lui, la seule réelle  épreuve ne viendra qu’en 1995 lorsqu’il est arrêté et jeté en prison par le général  Sani Abacha qui l’accusait d’avoir trempé dans un complot visant à renverser son régime. Il passe alors trois longues années de prison dans des conditions épouvantables. Son co-détenu le général Musa Yar Adua y laisse la vie alors que Obasanjo acquiert  le statut de martyr de Abacha  dans l’opinion. La prison fut une expérience douloureuse qu’il raconte dans son autobiographie intitulée « My Watch » paru en trois volumes en 2015 aux Editions Kindle.

L’ex-président et fermier ne recouvre la liberté qu’en 1998, au moment de la mort de Sani Abacha. Fait rarissime chez un homme politique, les Nigérians ne retiennent  finalement que  les bonnes œuvres du successeur de Murtala Mohamed. Ils en arrivent à oublier que la junte qu’il a dirigée entre 1976 et 1979 a remis en cause la liberté de la presse et le droit syndical et qu’elle avait fait construire la redoutable prison politique de kiri-kiri aux larges de Lagos. Le pays n’avait pas non plus échappé à la prédation de ses ressources pétrolières pendant cette période.  Pour ses compatriotes, ce sombre bilan est imputable à la junte militaire mais pas à Obasanjo, lui qui a remis volontairement  le pouvoir aux civils et qui n’a pas tenté de modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir en 2007. Interpellé sur ses intentions, à l’issue de son second mandat, il répétait alors sa grande impatience de retourner s’occuper à plein temps de ses poulets dans sa ferme de Otta. C’est désormais le job de sa vie avec les différentes missions de paix que lui confient les Nations unies et l’Union africaine. Obasanjo a prouvé qu’il y a bien une vie heureuse après le pouvoir en Afrique. Un message de sagesse pour  ses pairs qui tentent coûte que coûte de recourir aux modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir.

© mondafrique.com : Francis Sahel

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