Ali Bongo Biafrais : attention danger!
GABON :: POINT DE VUE

GABON :: Ali Bongo Biafrais : attention danger!

En se plaçant sur le terrain des origines du président Ali Bongo, l'opposition au régime fait fausse route et Pierre Péan, dans un livre récent, joue à l'apprenti sorcier. En Côte d'Ivoire, ce type de procès mena au fiasco politique.

Dans son dernier livre, "Nouvelles Affaires Africaines", l'essayiste français Pierre Péan affirme que le président gabonais Ali Bongo serait d'origine biafraise (c'est à dire nigériane) et qu'il aurait été adopté par Ali Bongo après l'issue tragique de la guerre du Biafra. Un conflit qui dura trente mois entre juillet 1967 et janvier 1970, fit environ 200000 tués, victimes des combats et deux millions de morts de faim, de soif et d'épidémies. La sécession de la province nigériane du Biafra avait été largement soutenue par le général de Gaulle qui voulait affaiblir la puissance britannique en Afrique de l'Ouest s'exprimant à travers un géant naissant, son ex-colonie le Nigeria. Pour parvenir à ses fins, il avait mobilisé tous les ténors africains de la Françafrique, en premier lieu l'Ivoirien Houphouët-Boigny, dont le pays servit de tête de pont à la rébellion biafraise.

"Les enfants biafrais, c’était un projet totalement politique, parce qu’on voulait impliquer davantage celui qui s’appelait encore Albert-Bernard Bongo  dans la guerre", explique Péan dans une interview à RFI le 11 novembre dernier. Que Bongo ait adopté un orphelin de ce qui, à l'époque, était présenté par les médias français comme un génocide, serait plutôt à porter à son crédit.

Crise, corruption, pauvreté

Maintenant, est-ce un scoop de révéler que cet enfant se prénommerait Ali (Alain à l'époque). Non, répond Péan: "C'est Noël en décembre. Je sais cela depuis longtemps." D'où cette question: Puisque que cette information  circulait au Gabon depuis plusieurs dizaines d'années, pourquoi l'opposition à Ali Bongo en fait t-elle son cheval de bataille aujourd'hui. Comme si elle n'avait pas d'autres chats à fouetter, la crise économique née de la baisse des cours de l'or noir, la corruption, la pauvreté etc...

Dans un pays qui compte plus de trente pour cent d'étrangers, où vingt pour cent des habitants sont nés, selon les dernières statistiques de la Banque Mondiale, hors des frontières, lancer une polémique sur la "gabonité" du président, c'est ouvrir la boîte de Pandore de toutes les dérives nationaliste. Et risquer de réveiller des revendications ethnicides.

L'anti modèle ivoirien

Allez demander aux Ivoiriens comment ce genre de débat se termine. Par la chasse aux étrangers et par la guerre civile. Là-bas, tout avait commencé au milieu des années 90 quand Henri Konan Bédié, le président de l'époque, aujourd'hui allié de Ouattara, lança le concept d'ivoirité sur fond de crise économique. Résultat, Alassane Ouattara, qui avait représenté la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) au Fonds Monétaire International avant de devenir le dernier Premier ministre d'Houphouët-Boigny, fut exclu de la compétition présidentielle de 2000 en raison de sa nationalité douteuse. Laurent Gbagbo, le vainqueur, reconnut lui même avoir été élu dans des "conditions calamiteuses". On connaît la suite: tentative de coup d'état manquée en 2002, partition du pays, tandis que les partisans de Gbagbo s'en prenaient aux Burkinabés, et que Ouattara ne cessait d'expliquer son exclusion par son origine nordique, pour agglutiner autour de sa personne les ethnies du nord du pays.. Un conflit qui dura dix ans et aboutit en avril 2011 à l'arrestation de Gbagbo par l'armée française.

A la lumière de ces événements ivoiriens, ceux qui au Gabon cherchent à instrumentaliser l'origine biafraise d'Ali Bongo devrait donc y réfléchir à deux fois. Car, avec la crise économique, les pires dérives sont aujourd'hui possibles.

© mondafrique.com : Philippe Duval

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo