Mort de Georges Ekane en détention, divisions au sommet du pouvoir Biya
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La disparition tragique de Georges Anicet Ekane, survenue le 1er décembre alors qu’il était incarcéré, a profondément ému l’opinion publique et déclenché une onde de choc politique au Cameroun. Cet activiste, président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem) et fervent soutien de l’opposant Issa Tchiroma Bakary, est décédé en détention dans des circonstances jugées suspectes. Au-delà du drame humain, cet événement a mis en lumière les profondes divisions au sein de l’appareil d’État, déjà fragilisé par les luttes de clans autour du président Paul Biya.

L’affaire a pris une tournure révélatrice suite à une déclaration du ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi. Interrogé sur l’arrestation d’Ekane, il a évoqué des « décisions prises (…) parfois sans consulter ceux qui pourraient avoir une autre approche », suggérant qu’il aurait « géré cette affaire autrement ». Cette prise de distance a été perçue comme une « faute politique » par ses rivaux, notamment le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. Deux heures plus tard, un communiqué officiel, au ton nettement plus prudent, tentait d’éteindre l’incendie, illustrant parfaitement la crise politique larvée au cœur du gouvernement.

Le ministère de la Défense a tenté de maîtriser le récit en annonçant l’ouverture d’une enquête, insistant sur les « pathologies chroniques » de Georges Anicet Ekane et sur une « surveillance médicale constante ». Cependant, la réalisation d’une autopsie le 3 décembre, malgré l’opposition catégorique des avocats dont Mmes Julie Jukic, Me Hippolyte Meli, Emmanuel Simh et William Bourdon n’a fait qu’alimenter les soupçons. L’absence des représentants de la famille lors de l’examen renforce la conviction des proches que le décès pourrait être prémédité, attribuable à un refus délibéré de soins vitaux. Les cadres du Manidem affirment notamment que l’extracteur d’oxygène d’Ekane lui aurait été retiré peu après son interpellation au Secrétariat d’État à la Défense (SED), une allégation que le colonel Jean Pierre Otoulou, commandant de la Légion de gendarmerie du Littoral, nie fermement.

La question centrale qui agite Yaoundé est celle de l’origine de l’ordre d’arrêter l’activiste. Si le ministre délégué à la Défense, Joseph Beti Assomo, a rapidement décliné toute responsabilité, plusieurs sources pointent du doigt le secrétaire d’État à la Défense, Galax Yves Landry Etoga, qui aurait agi sur instruction d’un comité ad hoc placé sous l’autorité du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. Ce comité aurait eu pour mission, depuis la présidentielle du 12 octobre, d’identifier et d’arrêter les opposants jugés « stratégiques ». Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale, a d’ailleurs défendu l’arrestation, rejetant l’idée qu’un malade ne puisse être interpellé et assurant qu’Ekane ne deviendra pas un martyr.

Cette version officielle est pourtant loin de faire l’unanimité. Au sein même du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir), des voix dissonantes se sont élevées. Michel Ange Angouing, ex-ministre, a qualifié la mort de « évitable ». Christophe Mien Zok, figure de la propagande du parti, a rendu un hommage inattendu, regrettant que le décès soit intervenu dans ces circonstances, malgré les alertes. Ces fissures au cœur de l’élite dirigeante témoignent d’une profonde instabilité. Face à la pression internationale, notamment celle de l’Union européenne, qui a dénoncé une « ingérence inadmissible » de la part du gouvernement, l’affaire Ekane cristallise les tensions et révèle les fragilités d’un système au bord de l’implosion. Le refus de la famille Ekane d’accepter l’aide financière envisagée par le pouvoir pour les obsèques souligne la défiance persistante.

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