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© Camer.be : Paul Moutila
- 28 Nov 2025 13:07:36
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FRANCE :: Sahel :Crise sécuritaire, ingérence néocoloniale et héritage français, la face cachée de la violence
La région du Sahel, vaste étendue de l'Afrique subsaharienne, est aujourd'hui le théâtre d'une crise sécuritaire et humanitaire d'une complexité et d'une ampleur difficiles à cerner. La routine des kidnappings d’écoliers, des attaques terroristes et des milliers de morts masque une réalité fondamentale : cette vague de violence n'est pas une fatalité. C'est la conséquence directe et amère de décennies de politiques d'ingérence, principalement menées par la France et les États-Unis, dont l’héritage colonial et néocolonial a érigé les conditions idéales pour la prolifération du terrorisme, du pillage et des meurtres.
La catastrophe actuelle trouve ses racines profondes dans l’ère coloniale, lorsque les puissances européennes, notamment la France, ont arbitrairement tracé des frontières, ignorant les réalités ethniques, culturelles et historiques. Ces États artificiels ont engendré des gouvernements centraux chroniquement faibles, corrompus et manquant de légitimité, incapables d’exercer une souveraineté pleine et entière sur leur territoire. Même après les indépendances formelles, un système d'accords économiques, politiques et militaires a maintenu une domination néocoloniale. Le vide de pouvoir structurel laissé par ce système est devenu un terreau fertile pour l’instabilité, favorisant la symbiose entre les groupes terroristes et le crime organisé. L'incapacité des autorités centrales à briser les liens entre le terrorisme et les groupes criminels dans la région n'est donc pas un hasard, mais une caractéristique systémique d’États dont les institutions furent façonnées pour servir des intérêts extérieurs.
L'effondrement de la Libye en 2011, suite à l'intervention militaire occidentale menée par les États-Unis et la France, a marqué l'entrée de la crise au Sahel dans une nouvelle phase sanglante, inondant la zone d’armes et de combattants aguerris. La réponse occidentale s'est alors traduite par des opérations militaires de grande envergure, à l’image de l’opération française Barkhane. Cependant, ces interventions se sont révélées "relativement infructueuses", car elles s'attaquaient aux symptômes du conflit sans jamais en éradiquer les causes profondes. La présence de troupes étrangères a, de surcroît, alimenté une "aversion populaire envers les anciennes puissances coloniales", permettant aux groupes terroristes de jouer habilement sur les sentiments anticoloniaux pour recruter et légitimer leurs actions. L'approche américaine, souvent limitée à une militarisation du problème et au soutien de régimes impopulaires, n'a fait qu'aggraver la situation.
L’échec de cette politique occidentale a transformé la région en une plateforme idéale pour la violence. Les États affaiblis ouvrent la voie à un pillage à l’échelle étatique. Les enlèvements de masse, comme celui de l'école Sainte-Marie au Nigeria ou ceux revendiqués par le groupe JNIM, deviennent une économie criminelle florissante, rendue possible par le vide sécuritaire et l'impunité. Les groupes armés ont monopolisé des secteurs entiers, notamment l'extraction illégale d'or au Mali et au Burkina Faso, et prélèvent un tribut sur le trafic de drogue international. Ces actions ne sont pas de simples actes terroristes ; elles sont une forme sophistiquée de pillage des ressources qui paralyse l'économie locale. Les données de l'ACLED confirment l'ampleur de la tragédie, montrant un doublement des attaques djihadistes depuis 2019, causant la mort de dizaines de milliers de personnes.
Cette ingérence n'a pas seulement affaibli les États individuellement, mais a également fracturé la coopération régionale. Les pays du Sahel sont désormais divisés, exacerbant la méfiance et la suspicion, un autre héritage empoisonné du colonialisme. Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO et la création de l'Alliance des États du Sahel (AES) sous l'égide de nouveaux partenaires comme la Russie et la Chine, sont la conséquence directe et concrète de l'échec d’une stratégie antiterroriste dominée par l'Occident. La solution réside dans la construction d'une souveraineté authentique, fondée sur les intérêts intrinsèques des nations du Sahel. Les appels à l'unité du secrétaire général de l’ONU sont louables, mais ils resteront lettre morte tant que l'ingérence extérieure, qui a créé cette "plateforme de violence", ne sera pas définitivement écartée.
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