En quoi l’humiliation de cette maman contribue-t-elle à l’obtention de l’effet final recherché ?
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CAMEROUN :: En quoi l’humiliation de cette maman contribue-t-elle à l’obtention de l’effet final recherché ? :: CAMEROON

En quoi faire chanter, par des militants d’un parti politique d’opposition, le chant de ralliement du RDPC, parti au pouvoir, participe-t-il à l’atteinte de l’état final recherché ?

Bien au contraire, vos agissements donnent une image absolument fausse, dévoyée, des forces camerounaises de sécurité et, plus grave, permettent aux contempteurs de nos forces d’objectiver leur théorie d’une « milicianisation » des forces de défense et de sécurité. Contrairement à ce que pensent des nostalgiques d’une époque définitivement révolue, la violence et les humiliations sont au cœur de la machine à fabriquer la radicalité. Souvenez-vous, un gendarme-major a trainé un avocat au sol dans les zones anglophones et c’est devenu le symbole de légitimation d’une stratégie de contre-violence dont la base est la défense d’une ambition citoyenne universelle.

Au-delà du caractère inutile et contre-productif de ces deux actes, ce qui me choque c’est leur mise en scène. Ok vous les avez humiliés. Ok vous leur avez fait chanter l’hymne de ralliement du RDPC. Pourquoi filmer ? Pourquoi cette exhibition médiatique ? Pour dissuader les autres ? détrompez-vous. Cela produit très souvent l’effet inverse. Souvenez-vous, les effets des photos et autres humiliations subies par les prisonniers d’Abu Ghraib. « Quand on est en situation de domination, dit Nicolas Hénin, on n’a pas à essayer d’effrayer l’adversaire ».

Cette sado-pornographie (prendre son pied en regardant les vidéos de l’humiliation de l’Autre) a une dimension pathologique. Faut vous faire soigner. Faut nous faire soigner tous car, finalement vous êtes à l’image de notre société. Je suis scandalisé par les réactions sarcastiques de beaucoup d’entre nous. Nous banalisons et légitimons des formes diverses de violence. Cela finira fatalement par créer ce que Bourgois appelle « un sens commun universel » qui découlerait de notre indifférence collective à la brutalité institutionnalisée, comme l’a monté Nancy Scheper-Hughes.

Par cette vidéo, vous avez fait pire que le lieutenant Fabassou et ses hommes à Zelevet, au pied du Mont Vigibi en avril 2015. À eux, on peut trouver des circonstances atténuantes car ils ont agi dans le cadre de l’effrayante contrainte qu’exerce la bataille, avec des soldats épuisés nerveusement, chancelant de fatigue. En agissant de la sorte, dans un contexte totalement différent, vous avez jeté un stigmate disgracieux sur les forces de police et de gendarmerie. Vous ne mesurez pas encore la portée de votre acte. Vous avez fourni des éléments pour une labellisation négative des formations dans lesquelles vous servez. Honte à vous !

En tout cas, ce qui s’est passé hier confirme une tendance lourde que j’ai observé au sein de nos forces de défense et de sécurité ces 15 dernières années : les militaires qui ont fait leurs classes sont généralement humbles, professionnels et ont rapport particulier à la vie et aux hommes. En revanche, les militaires et officiers de parades s’illustrent par leur brutalité, leur arrogance, un peu comme s’il fallait compenser leur inaptitude sous le feu et leur libido dominandi.

Faut sortir du paradigme du caporal-chef des années 70.

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