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© rolandtsapi.com : Roland TSAPI
- 27 Aug 2020 17:00:00
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CAMEROUN :: Ahmadou Ahidjo, l’illustre prédécesseur :: CAMEROON
« Après près de 40 années de séparation, nous reformons aujourd’hui une même famille, une même nation, un même Etat. Que ce jour heureux soit un jour d’allégresse pour tous les camerounais qui croient en leur pays, qui aiment leur patrie. En moins de deux ans, ils auront atteint les deux objectifs essentiels qu’ils s’étaient fixées, l’indépendance et la réunification. Que cette réunification du territoire national soit le gage et le symbole de l’unité des esprits et des cœurs, tel est le vœu que je forme aujourd’hui devant tous les Camerounais.
Cette unité qui désormais ne dépend plus des forces étrangères, il nous appartient de la forger nous même, dans un même élan patriotique. Il ne s’agit plus là d’une rubrique inscrite dans un programme de partie, mais d’une volonté profonde qui doit rester sans cesse présente dans les cœurs de chacun des hommes de notre pays, quels que soient leurs idéologie, leurs religions, leurs groupes ethniques. Réunissant aujourd’hui les populations d’expression anglaise et d’expression française, le Cameroun sera un véritable laboratoire d’une union africaine qui doit rassembler les Etats parlant ces deux langues. Il formera un pont entre les deux Afriques, et son rôle ne pourra qu’être accru dans les prochaines assemblées africaines. »
C’est ainsi que s’était exprimé à la nation camerounaise le président Ahmadou Ahidjo le 30 septembre 1961, après avoir réussi par la force de la persuasion, à faire des deux Cameroun une seule fédération, le Cameroun anglophone et le Cameroun francophone ne formant plus un pays chacun de son côté, mais deux Etats fédérés de la République Fédérale du Cameroun. Pour un homme de qui l’on ne connaissait pas beaucoup de connaissances livresques, son parcours aura été en fin de compte atypique et particulier, en comparaison à bien de chefs d’Etat aujourd’hui qui bénéficient bien mieux pour ce qui concerne au moins le confort intellectuel.
L’inattendu
Ahmadou Ahidjo, de son nom complet Ahmadou Babatoura Ahidjo est né le 24 août 1924 à Nassarao, un village non loin de Garoua, chef-lieu de la région du Nord. Il mène des études primaires à Garoua avant d’entrer à l’Ecole supérieure d’administration de Yaoundé, dont le but était de former en trois ans les agents pour les différents postes dans l’administration. Après cette formation il intègre l’administration française comme télégraphiste puis opérateur radio. Entre 1942 et 1946 donc, il est fonctionnaire des Postes et télécommunications. C’est dans cette fonction qu’il est repéré par l’administrateur colonial Guy Georgy, qui organise son entrée en politique, en pesant d’un poids important dans son élection l’assemblée territoriale du Cameroun en 1947. Dans l’hémicycle, il suit le chemin tracé par ses mentors et devient conseiller de l’Assemblée de l’Union française de 1953 à 1958 et président de celle-ci en 1957, sous la protection de Louis-Paul Aujoulat, alors secrétaire d’État à la France d’outre-mer. Il se montre rassurant envers l’Église et les aristocraties musulmanes du nord du pays et parvient à incarner l’union des courants conservateurs inquiets face aux mouvements contestataires qui se multiplient dans les années 1950.
D’abord membre du Bloc démocratique camerounais, le parti d’Aujoulat jusqu’à sa chute, il constitue ensuite l’Union camerounaise avec le soutien des chefs nordistes. Il devient par la suite vice-Premier ministre chargé de l’intérieur après l’octroi de l’autonomie interne au Cameroun, puis ministre de l’Intérieur en mai 1957. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les positions trop indépendantistes du Premier ministre André Marie Mbida lui attirent toute la haine de l’administration coloniale qui tirait les ficelles. Grâce à un passage en force sagement orchestré par Jean Ramadier, haut-commissaire français de l’État du Cameroun, Ahidjo fait tomber le gouvernement André-Marie Mbida en démissionnant avec la totalité des ministres du Nord qui lui sont fidèles.
L’héritage non conservé
Naturellement, l’administration française le repositionne et il remplace ainsi André-Marie Mbida à la tête du gouvernement en février 1958. Il est pourtant, à ce moment, encore un quasi-inconnu pour les Camerounais, d’après les récits d’archives. Il en est conscient, mais reste confiant car bénéficiant de l’assurance de ses mentors. Sur le plan politique, il a face à lui les nationalistes modérés réunis autour de Paul Soppo Priso, les conservateurs modérés fidèles à André Marie Mbida, et surtout l’Union des populations du Cameroun, qui quoiqu’interdite depuis 1955 n’entendait pas laisser le pays entre les mains de ceux que ses ténors qualifiaient de suppôts du colon. Ahmadou Ahidjo sera pourtant celui qui prononcera le discours d’indépendance du Cameroun français le 1er janvier 1960. Avec habileté, il franchi des étapes, avec des méthodes discutables, mais en droite ligne avec la pratique politique qui justifie la fin par les moyens. Après son élection officielle comme Président de la République en mai 1960, l’une des fins à laquelle il était parvenu avec ses moyens, c’était la réunification des deux Cameroun sous l’Etat fédéral, pour lequel il appelait à une unité des esprits et des cœurs, cette unité qui désormais ne dépendait plus des forces étrangères, et dont il appartenait aux Camerounais de forger eux- mêmes, dans un même élan patriotique.
La trajectoire complète de l’homme ne peut être retracée ici, tant elle est longue, faite de velours tout comme semé d’embuches. Le 4 novembre 1982, après 22 ans d’exercice du pouvoir, Ahidjo âgé de 58 ans, annonce contre toute attente sa démission pour raison de santé. Suivant les dispositions constitutionnelles, le Premier ministre Paul Biya, âgé de 49 ans, lui succède. Il part finalement en exil en 1983 en France. Il sera par la suite condamné à mort par contumace, c’est-à-dire en son absence, reconnu coupable d’atteinte à la sûreté de l’État après le coup d’état d’avril 1984. Mort d’une crise cardiaque, le 30 novembre 1989 au Sénégal, il est inhumé au cimetière Bakhiya de Yoff. Son corps n’est jamais rentré au pays, malgré la réhabilitation dont il a fait l’objet par la loi 91/022 du 16 décembre 1991.
Aujourd’hui tous les analystes sont unanimes qu’il a laissé un pays prospère et en voie de développement, unis et pacifié. Mais qui à ce jour est devenu pauvre et très endetté, déchiré par une guerre civile interne, un champ d’horreur et un laboratoire de tribalisme, l’unité a volé en éclat en somme. Dans l’ensemble, la situation politico économique du Cameroun est devenue telle qu’on en vient à regretter celui que le président Paul Biya lui-même, après avoir promis de ne jamais le trahir, avait baptisé son « illustre prédécesseur. »
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