….Encore la lenteur judicaire au Cameroun !!!
CAMEROUN :: POINT DE VUE

….Encore la lenteur judicaire au Cameroun !!! :: CAMEROON

Un juge qui prononce une décision de justice et ne la rédige pas dans les délais viole la loi.

Dans un article publié dans l’hebdomadaire du monde juridico-judiciaire, journal KALARA N°223 du 23 décembre 2017, article repris dans le Rapport 2017 de l’Ordre des Avocats au Barreau du Cameroun sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun, nous décrions les lenteurs judicaires.

A cette époque nous décrions uniquement lenteurs au cours de la phase du jugement, c'est-à-dire avant le prononcé du jugement, et nous exclamions de ce que le délai moyen d’une instance au fond set de 2 à 3 ans quelque soit la matière.

Aujourd’hui à ces 2 à 3 années, il faut encore ajouter une ou deux autres années, le temps que prendra le juge pour rédiger sa décision.

Au bout du compte 5 ans pour obtenir une expédition. Attention il ne s’agit pas d’une Grosse, c'est-à-dire une décision définitive, il s’agit tout simplement d’un jugement en premier ressort, il restera d’aller en Cour d’Appel subir le meme scénario (ici on dit d’ailleurs que la Cour ne court pas), et suivra la Cour suprême.

Ainsi, C’est 13 années après et notamment le 10 juin 2020 dernier que la Chambre Administrative de la Cour Suprême vient de rendre une décision dans l’affaire Maître contre l’administration fiscale, dans une procédure introduite en 2007, alors que ce dernier est déjà décédé.

Pourtant, en règle générale, l’Article 6.4 de la loi 2006/015 du 14 décembre 2006 modifiée et complétée par la loi n°2011/027 du 14 décembre 2011 a pris soin d’indiquer que « Toute décision est rédigée avant son prononcé ».

Cette disposition d’ordre générale est davantage renforcée par des dispositions spécifiques en chaque matière.

Ainsi, au pénal

L’article 388 (1) Code de procédure pénale précise que « Le jugement est rendu, soit immédiatement, soit dans un délai de (15) quinze jours après clôture des débats. En cas de mise en délibéré de l’affaire, le Président informe les parties de la date à laquelle le jugement sera prononcé »

Au social

L’article 145 du code du travail stipule péremptoirement que « - 1) Le tribunal procède immédiatement à l’examen de l’affaire. D’accord parties ou sur l’initiative du président, renvoi peut être prononcé à quinzaine maximum. Le tribunal peut également, par jugement motivé, prescrire toutes enquêtes, descentes sur les lieux et toutes mesures d’information qu’il juge utiles. 2) Les débats clos, le tribunal délibère immédiatement en secret. Sauf mise en délibéré dont le délai maximum est de huit jours, le jugement est rendu sur le siège et doit être motivé. 3) La minute du jugement est signée par le président et par le greffier du tribunal. »

Au civile et commercial

L’article 42 du Code de procédure civile et commercial

« Le Président ou le juge de paix et les greffiers signeront chaque jugement dans un » ;

Au regard des dispositions péremptoires énoncées ci-dessus, qu’est-ce qui peut justifier d’abord qu’un juge prononce sa décision sans la rédiger, ou la rédige six mois, un an, voire deux ans après le prononcé alors que la loi lui imparti 8 jour, 15 jours pour le faire? Le laxisme, trop de dossier, le manque de motivation, le trafic d’influence, l’impunité …SI NON, QUOI DONC ?

Même en l’absence de la loi, la notion de délais raisonnables théorisée ailleurs ne constitue-t-elle pas un levain pour l’équité pour peu qu’elle est considérée ?

A la vérité, que peut-il bien être au-dessus de la satisfaction personnelle d’avoir accompli son devoir conformément à la loi lorsqu’on a juré devant Dieu et devant les hommes de servir honnêtement le peuple de la République du Cameroun ?? Que peut-il être au-dessus de l’imperium du juge, lequel impose respect, dignité et puissance ?

Précipitons-nous- de relever tout de même que malgré cette lenteur décriée, bien de juges incarnent la volonté du législateur. Ils sont là, ponctuels, respectueux, loyaux mais rigoureux. Vous allez nous dire qu’il s’agit d’un grain de sable dans la mer, mais ils sont là.

Tenez ! Dans une affaire civile, la Présidente du Tribunal de Première Instance de Mbanga tenant elle-même la plume, en chambre civile en matière de référé d’heure à heure a fixé l’audience le 07 janvier 2020 à 10H00. Advenue le 07 janvier à 10H00 elle est bien installée magistralement sur son siège, l’affaire est appelée et les parties présentes. Elle ouvre le dossier, vérifie l’identité des parties et la conformité des pièces, faits quelques observations et donne la parole aux parties. Le demandeur présente les faits et les moyens de preuve. Elle donne la parole au défendeur qui sollicite être assisté de son conseil. L’affaire est renvoyée à 12h00. Heure à laquelle l’audience est effectivement reprise. Le débat est re-ouvert et le défendeur présente les moyens de sa défense. Les parties n’ayant plus rien à dire, elle met l’affaire en délibéré pour décision être rendue à 14h00. A 14h00, les parties sont devant elle, elle prononce sa décision qu’elle a rédigée.

Qui peut ne pas s’incliner devant un tel imperium emprunt de légalité, de désintérêt, et d’abnégation.

Il y’a bien d’autres magistrats ca et là qui portent très haut le flambeau du respect de la loi, malheureusement, une hirondelle ne fait pas le printemps.

Il s’ensuit malheureusement que de la lenteur dans la rédaction des décisions est la prépondérance avec des conséquences bien connues et mêmes prévisibles :

- l’Avocat est fragilisé et mise en doute par rapport à sont client, puisque qu’il est incapable de produire une décision de justice, de convaincre son client pour l’absence d’une décision dans une cause supposée être achevée ;

- le manque de confiance du justiciable envers la Justice

- le prolongement de la charge émotionnelle inhérente aux procès, surtout pour le suspect en matière pénale

- les parties sont dans l’impossibilité d’exercer librement et à temps leurs voies de recours (Opposition, Appel, Pourvoi etc.), puisque pour le faire dans certains cas il faut au préalable obtenir une expédition et la signifier à la partie adverse pour faire courir les délais

- La décision devient finalement inutile et inexécutable puis que les parties sont décédées entre temps, ou que l’objet du litige a disparu par l’effet du temps ou par la fraude d’une des parties

- le découragement des investisseurs étrangers. Ceux-ci ont d’autres choix que le camerounais qui vit uniquement sur le territoire camerounais ;

OR, le Préambule de la Constitution stipule que « La loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice ». C’est pour cela qu’en cas d’injustice le citoyen est obligé de saisir les juridictions qui doivent exercer leurs missions essentiellement régaliennes conformément à la loi. C'est-à-dire conforment aux dispositions légales citées plus haut. De ce point de vue, il ne s’agit point d’une faveur mais d’une obligation. Obligation de rendre justice au nom du PEUPLE Camerounais.

D’ailleurs tout magistrat avant de commencer son ministère, s’engage à rendre cette justice à travers son serment prévu à l’Article 23 du Décret n°95/048 du 08 mars 1995 portant statut de la magistrature dont la teneur suit à titre de rappel :

« Moi .................., je jure devant Dieu et devant les hommes de servir honnêtement le peuple de la République du Cameroun en ma qualité de magistrat, de rendre justice avec impartialité à toute personne, conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout, partout et toujours en digne et loyal magistrat. ».

Relisons encore « … je jure en ma qualité de magistrat,…. de rendre justice avec impartialité à toute personne, conformément aux lois, règlements et coutumes du peuple camerounais, sans crainte ni faveur, ni rancune ».

Cette phrase à elle seule n’est-t-elle pas source d’élévation, d’illumination voire d’accomplissement ? A notre avis, cela l’est ! C’est ce qui justifie d’ailleurs les révérences « divines » dues aux tribunaux et Cours : Monsieur le Président, Votre honneur, My Lordship.

Votre honneur, comme dit une maxime anglosaxon, Justice delay, is Justice denie.

Pour conclure, disons tout simplement que dans les prochains jours nous allons une fois de plus célébrer avec vous encore votre élévation. A l’occasion souhaitons ne pas célébrer que cela. Qu’il nous plaise de célébrer aussi la promesse renouvelée de respecter nous-mêmes les lois et les libertés fondamentaux du citoyen. Célébrons davantage le justiciable qui est la raison d’être de la Justice, votre raison d’être en tant que institution et pilier du développement économique, social, le tout en respect au contrat social que le peuple camerounais s’est convenu depuis le 26 janvier 1996.

C’est justement au nom de la justice et la protection des droits et libertés fondamentaux du citoyen que l’Avocat a toujours défendu tout le monde y compris le magistrat, le défendre partout y compris devant le Conseil Supérieur de la magistrature.

Me FOHOM Serge

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