CORONAVIRUS AU CAMEROUN : À l’épreuve du mentir-vrai
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CORONAVIRUS AU CAMEROUN : À l’épreuve du mentir-vrai :: CAMEROON

Autour des aides, manipulations et contrevérités structurent le discours public ; loin, très loin de l’union sacrée.

Esplanade de l’Hôtel de ville de Yaoundé, le 28 avril 2020. Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), se montre soucieux du moindre détail sur l’important package prêt à prendre la route des quatre coins du Cameroun. «Ce don gracieux du chef de l’État camerounais envers les communautés des 360 arrondissements du pays est constitué de kits de tests rapides de dépistage destinés aux établissements sanitaires, des gels hydroalcooliques, de plusieurs appareils d’assistance respiratoire, de 500 000 cartons de savons destinés à la lessive, près de 1,5 million de masques de protection, près de 75 000 seaux destinés au ménage et pas moins de 40 000 bidons de lave-mains d’une capacité de 30 litres chacun», expose le Minat devant la presse. Sur le propos du membre du gouvernement, Denis Émilien Atangana veut faire la nuance.

«Il est urgent d’écarter le Minat de la gestion du budget réservé à la Protection civile, afin d’éviter les confusions entre les dons du président de la République et les dotations spéciales », écrit le président du Front des démocrates camerounais (FDC), dans un communiqué publié le 29 avril 2020. Dans le même document, l’homme politique persiste:

«Les 2 milliards débloqués par le ministre de l’Administration territoriale pour soutenir les 360 arrondissements dans le cadre de la lutte contre le coronavirus ne sont en rien un don personnel du président de la République. Il s’agit bel et bien d’une dotation spéciale débloquée dans le budget réservé à la protection civile». Approchée, cette direction agissant pour le compte du Minat à diverses occasions, ne nie rien de la critique. Elle n’est non plus globalement affirmative.

Regards

Sur cette estrade du «recadrage », Dr Fridolin Nke monte lui aussi. Dans une tribune libre, l’enseignant de philosophie élargit la critique. «En philosophie, avance-t-il, il y a ce qu’on appelle pratico-inerte, c’est-à-dire, selon Jean-Paul Sartre, ce que la société (les autres) décide de faire de nous et qu’on assume malgré nous. C’est ce qui se passe avec les annonces des dons présidentiels».

À défaut de les mettre à nu, la suite alerte sur des manipulations et des contrevérités insidieusement inoculées à l’opinion publique. «On remarque au passage que Paul Biya lui-même n’a jamais dit: “je vous donne tant de milliards en cadeau!” Il est conscient que la fortune publique c’est l’argent des autres. «Il sait qu’on ne lui a pas dit de dépenser à sa guise, mais d’arrêter, au sens de tenir provisoirement; qu’il doit penser les stratégies de multiplication de cette richesse nationale et de pourvoir aux besoins du peuple dont il a la charge», écrit Dr Fridolin Nke.

Leurre de vérité

À croire qu’autour des dons émanant des pouvoirs publics, des esprits filoutent pour garder la main sur l’affaire. «Aussi, n’est-il pas rare que les fonds destinés à financer la couverture médiatique et l’impression des supports tels que les banderoles soient de très loin supérieurs à la valeur des dons eux-mêmes. C’est notamment ce qui a été donné d’observer dans les différentes localités du Cameroun, lors de la remise des matériels achetés par le Minat» signale Moussa Njoya, politologue.

«En cela, ils sont d’autant plus confortés qu’ils sont servis par un contexte plus ou moins ouvert à la variété des initiatives», fait constater Robert Ekale. Selon l’économiste, tout y passe: statistiques tronquées, citations faussées, références inventées, raisonnements approximatifs, évocation rituelle des grands idéaux, recherche d’un bouc émissaire, omniprésence dans les médias. L’exemple que cite Robert Ekale vient de l’initiative promue et baptisée «Survie-Cameroon-Survival Initiative» par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).

«Par-là, le leader du MRC veut non seulement démontrer toute son humanité, mais surtout se positionner comme le principal alter ego du président Paul Biya. Le tout en vue d’en récolter les lauriers en termes de suffrages lors des prochaines élections, notamment la présidentielle», soutient Moussa Njoya.

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