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© rolandtsapi.com : Roland TSAPI
- 20 Apr 2020 13:52:00
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CAMEROUN :: Corona virus : le silence présidentiel :: CAMEROON
Pour la première fois depuis que le Cameroun s’est joint au reste du monde pour faire face à la pandémie du corona virus, le président de la république Paul Biya a été vu à la télévision nationale le 16 avril 2020. Longtemps réclamé par l’opinion nationale et internationale. Le 23 mars 2020 par exemple, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé, l’Erythréen Tedros Adanon Ghebreyesus lui avait personnellement adressé une lettre dans ce sens, dans laquelle on peut lire « Excellence, votre engagement personnel est nécessaire pour mobiliser les communautés et renforcer l’élan d’un mouvement social contre la Covid 19. Votre voix et votre présence par l’intermédiaire des principaux moyens de communication et l’orientation fondée sur des bases factuelles et une vision claire des mesures à apporter que vous pouvez donner en vous adressant régulièrement à la nation auront une valeur inestimable.»
Sur le plan local, le souhait de voir le président de la république s’exprimer au sujet de la pandémie a évolué progressivement au fils des semaines, et est passé d’un simple souhait à une exigence voire même un ultimatum, portée essentiellement par l’opposant politique Maurice Kamto. Jusqu’à son apparition à la télévision le 16 avril, il était resté indifférent à ces appels, renforçant ainsi une rumeur qui le donnait pour mort, rumeur alimentée par les réseaux sociaux, mais aussi fortement démentie par le ministre de la Communication et autres militants du parti. Il est finalement apparu à la télévision nationale, pas pour s’adresser à la nation au sujet de la pandémie. Il a plutôt été montré recevant en audience l’ambassadeur de la république française au Cameroun, un évènement tenant lieu d’une information que rien par ailleurs n’obligeait qu’elle soit rendue publique. C’est dire que l’appel à une adresse du président de la République reste jusque-là sans réponse. Mais pourquoi le président de la république doit-il absolument s’adresser à la nation ? D’abord parce qu’il y est tenu de par sa fonction, ensuite parce que le message d’un chef en pareille circonstance a une fonction sociale et joue un rôle primordial.
Exigence légale
S’agissant de l’obligation de s’adresser à la Nation, l’article 9 alinéa 2 de la Constitution dit « le président de la république peut, en cas de péril grave menaçant l’intégrité du territoire, la vie, l’indépendance ou les institutions de la République, proclamer par décret l’état d’exception et prendre toute les mesures qu’il juge nécessaire. Il informe la nation par voie de message. »
Les dictionnaires juridiques, politiques ou les concepts constitutionnels définissent l’état d’exception comme la situation dans laquelle se trouve un État qui, « en présence d’un péril grave, ne peut assurer sa sauvegarde qu’en méconnaissant les règles légales qui régissent normalement son activité. L’organisation de l’État, en période normale, est conçue de manière à réaliser un équilibre entre les exigences du pouvoir et celles de la liberté ; elle ne convient plus lorsqu’il s’agit de faire face à un danger exceptionnel et que le besoin d’efficacité et de rapidité passe au premier plan. »
Au regard de cette définition, il est évident que l’état d’exception a déjà été proclamé au Cameroun depuis le 17 mars 2020, quand il a été décidé de mettre entre parenthèse les règles de fonctionnement normal de la société, obligeant écoles et centres de formations à fermer, contraignant des commerces à limiter leurs activités et autres. Sauf que cet état d’exception n’a pas respecté les prescriptions légales. L’article de la Constitution sus-cité dit qu’il doit d’abord être proclamé par décret, et l’on a jamais vu un décret du président de la république dans ce sens, et ensuite que le président de la république informe la nation par voie de message.
Comme quoi, dans ce cas, signer un décret ne suffit pas, il doit également s’adresser à la nation. Il faut préciser que la Constitution parle de décret du président de la République, pas des arrêtés, des communiqués et autres lettres circulaires signés « sur très haute instruction du chef de l’Etat », car tous ces documents n’ont pas la même valeur juridique qu’un décret, et ne sauraient le remplacer. Les appels à une sortie du président de la république, qu’ils soient faites de l’intérieur ou de l’extérieur du pays, ne devraient donc en aucun cas faire polémiques, ils devraient plutôt émailler des conseillers et autres défenseurs qui entourent le président de la république eux-mêmes, étant une exigence légale.
Rôle apaisant
Ensuite l’adresse à la nation par le président de la République a une fonction sociale, un rôle d’apaisement que personne ne peut nier. Les populations ont besoins de se sentir rassurées, protégées. Elles ont envie d’entendre et d’être convaincues que celui qui les représente travaille à les défendre, elles n’ont pas besoin d’avoir l’impression d’être abandonnées. Au-delà de cette fonction, les théoriciens du management ont conceptualisé ce qu’ils appellent la communication de crise, qui se trouve être au cœur de la gestion d’une crise. Si cette communication ne passe pas, la crise a moins de chance d’être résolue, et l’un des éléments clés de cette communication, c’est le porteur du message, dont la capacité décisionnelle doit être établie.
Et il doit incarner l’assurance qu’il veut transmettre, cette assurance doit transparaitre dans sa posture, sa mise vestimentaire, le timbre de sa voix, la fluidité dans l’élocution. Autant de critères qu’un envoyé ne peut présenter, c’est un rôle qu’un envoyé ou un bénéficiaire d’une délégation de signature ou de pouvoir ne peut jouer.
Le Cameroun est habitué à une communication présidentielle par le silence. Mais le silence a beau être d’or, il finit parfois par devenir un danger, et comme le disait Martin Luther King dans un de ses discours en 1968, « A la fin, on ne se souviendra pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis.»
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