Lutte contre le Corona virus : la course tardive du gouvernement
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La pandémie du corona virus a révélé au Cameroun l’une de ses faces cachées, celle d’un pays presqu’inexistant sur le plan industriel. Dans deux domaines au moins. Dans la production des masques, le ministre des Mines, de l’industrie et du développement technologique Gabriel Dodo Docke, a effectué une descente à Douala le 8 avril 2020, où il a visité les installations de la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam) afin de s’assurer qu’elle était en mesure de satisfaire la demande. Il en est reparti avec une promesse de produire 15 millions de masques par mois dans les semaines à venir, et il en a fait l’annonce à la nation avant de quitter la capitale économique. Une annonce qui reste à être concrétisée, car l’on sait que la Cicam, fleuron de l’industrie textile au Cameroun créée en 1965, n’est plus aujourd’hui que l’ombre d’elle-même. Avec des installations vieillissantes, elle a été incapable depuis janvier 2020 de produire en quantité suffisante les pagnes destinés à la célébration de la journée internationale de la femme le 8 mars. Au mois de mai 2017 déjà, toujours face à des difficultés à satisfaire des commandes, le directeur général adjoint de l’entreprise Emmanuel Pohowe reconnaissait dans le journal économique le quotidien de l’économie qu’on ne peut pas être compétitif, avec des équipements vieux de 50 ans, face à la rude concurrence étrangère.

Perfusion inachevée

On apprenait alors que l’entreprise avait besoin d’un minimum de 15 milliards de Francs Cfa pour l’acquisition de 5 nouvelles machines qui pourront permettre à l’industrie textile de revivre. Le 26 octobre de la même année, dans une interview accordée au quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, Nicolas Njoh, le directeur commercial, annonçait que l’Etat venait d’injecter 5 milliards de FCFA pour la modernisation des équipements. Malgré cette annonce, il reste évident que la Cicam peine à satisfaire la clientèle la plus modeste, pourtant la seule industrie textile de la sous-région Afrique centrale. Le vaste marché qu’elle aurait dû occuper est aujourd’hui envahi par le pagne chinois ou nigérian, aux côtés des produits en provenance d’autre pays de l’Afrique de l’Ouest. Une bonne politique de développement du tissu industrielle aurait permis de maintenir cette entreprise debout, qu’elle serait aujourd’hui compétitive au point où la production des masques ne serait qu’un détail. Mais là encore le Cameroun s’est laissé dépasser.

Un laboratoire qu’on a laissé mourir

Dans le domaine des médicaments, le pays n’est pas mieux loti non plus. Le Corona virus a là aussi fait sortir des oubliettes le ministre de la recherche scientifique Madeleine Tchuenté, qui après les théories sur les chauves-souris et les serpents distributeurs du virus, s’est aussi découverte sur le tard des talents de fabricant de médicament, et a promis être en mesure de produire 6000 comprimés de chloroquine en une minute, et disait que pour cela, elle attendait juste le claquement des doigts de son collègue de la Santé publique. Même comme pour le démontrer, elle est allée dépoussiérer une presseuse qui crachait à peine quelques comprimés. Pourtant, le Cameroun aurait dû être prêt à inonder le marché national et sous régional des médicaments, s’il y avait une réelle vision.

Le 08 avril 2010 il y a 10 ans exactement, un laboratoire pharmaceutique de fabrication de médicaments génériques et d’anti-rétroviraux (ARV) contre le sida avait été inauguré dans le 5eme arrondissement de Douala, la Compagnie industrielle pharmaceutique (Cinpharm), qui naissait ainsi sur les cendres de la défunte Rhône Poulenc. «Nous voulons permettre aux populations d’accéder aux produits essentiels», disait le promoteur Célestin Tawamba, pour qui cette ambitieuse aventure, devait devenir un outil de souveraineté pour le Cameroun et ne devait pas s’arrêter à la simple fabrication des médicaments, mais s’orienter également dans la recherche, afin que les matières premières locales (notamment à base de plantes) puissent dans l’avenir produire près de 300 molécules « made in Cameroon ».

Ostracisme

Ses produits devaient être commercialisés à destination de l’Afrique centrale deux mois après, et constitués non seulement des antirétroviraux et des antituberculeux, mais aussi des génériques antalgiques, antiparasitaires, antipaludéens, anticonvulsivants, anti-inflammatoires, antibiotiques, tous correspondants aux pathologies les plus fréquentes de la région”. Mais cette initiative n’a pas été protégée par le gouvernement, toujours par manque de vision. 11 milliards de FCFA avaient été nécessaires au démarrage.

Trois ans après, le laboratoire tournait déjà au ralenti à cause des difficultés financières. D’après certaines sources non confirmés, Cinpharm vendait sa production plutôt dans les autres pays de la sous-région, en attendant que ses médicaments obtiennent l’autorisation de mise sur la marché camerounais. En 2015, il essaya de se recapitaliser en lançant une opération de souscription des parts du capital qui devait lui permettre de recapitaliser 3 milliards de francs cfa pour le redémarrage des activités.

L’opération ne connut curieusement pas le succès escompté. Après une première période de souscription ouverte du 20 janvier au 27 février 2015, Célestin Tawamba, annonçait l’ouverture d’une nouvelle période de souscription allant cette fois-ci du 3 au 30 avril 2015. Entretemps, l’entreprise pharmaceutique tunisienne Teriak avait aussi été annoncée dans le capital, et ses patrons avaient même été reçus en audience par le ministre de la Santé publique le 28 novembre 2015. Sans grand résultats non plus. Aujourd’hui l’usine est à l’arrêt.

Pourtant, pendant que le laboratoire pharmaceutique peinait à trouver trois milliards de francs cfa, le gouvernement engloutissait dans le même temps des milliards dans des entreprises budgétivores comme la Camair-Co ou Camtel, sans compter d’autres milliards détournés par les ministres et directeurs généraux aujourd’hui en prison. Pendant que l’Etat camerounais ne venait pas en aide à un laboratoire local engagé à produire des antirétroviraux pour les malades du Sida, il tendait en même temps la main à l’étranger pour demander justement ces antirétroviraux.

Dans d’autres pays qui se respectent, une initiative pareille est suivie de près par l’Etat qui en fait une affaire de souveraineté, et veille à ce qu’elle prospère et rayonne sur le plan international. Mais au Cameroun on les laisse mourir, pour se retrouver un matin comme en 2020 à se poser la question de savoir comment on fait pour avoir un comprimé de chloroquine, alors que ce devait être une occasion pour inonder la sous-région, l’Afrique et même l’occident. Ce devait être une occasion pour affirmer cette souveraineté que l’on clame chaque jour du bout des lèvres. Là aussi, on était passé à côté depuis longtemps. Par manque de vision, incapable de voir plus loin… que le bout nez !

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