L’étrange Macron
CAMEROUN :: POINT DE VUE

Cameroun :: L’étrange Macron :: Cameroon

On a cru entendre Valery Giscard d’Estaing parler de Jean-Bedel Bokassa au plus fort de leur brouille dans les années 70 ou alors Nicolas Sarkozy s’exprimer sur l’affaire des Français de l’Arche de Zoé, retenus au Tchad en 2007. Tellement le paternalisme le dispute à l’arrogance et la condescendance dans l’entretien surréaliste entre le président français Emmanuel Macron et le leader de la Brigade anti-sardinards (Bas), samedi au Salon de l’agriculture, à Paris.

Enjambant la courtoisie diplomatique, dans une cynique décontraction, le locataire de l’Elysée se pose en « donneur d’ordres » au président de la République du Cameroun sur des dossiers d’Etat, suite à l’interpellation d’un « résistant » dont la seule évocation des (mé)faits d’armes irrite Yaoundé. L’échange entre Macron et son interlocuteur n’a rien à envier à un scénario hollywoodien. Bien léché, le « jeu de rôles » des deux principaux acteurs illusionne, mais questionne davantage. Interpellé sur la tuerie de Ngarbuh, Emmanuel Macron se paie même le luxe d’une digression assassine, en embrayant sur la libération de Maurice Kamto, fruit de sa « pression », et en faisant noter les noms d’autres « prisonniers politiques », comme pour rappeler à son auditoire que son homologue (subordonné ?) lui obéit au doigt et à l’oeil.

Lorsqu’on est citoyen d’un pays, voir le chef d’un Etat, quelle que soit sa puissance alléguée, essuyer crânement ses crampons sur son chef d’Etat a quelque de chose de gênant, voire d’affligeant. En fonction du bord politique, la scène de samedi a plu ou déplu, mais il reste que la trame du scénario portait sur le Cameroun, notre dénominateur commun. Dans un accès de lucidité, Emmanuel Macron a d’ailleurs indiqué que « ce n’est pas la France qui va faire la démocratie au Cameroun à la place des Camerounais ».

Une manière de renvoyer dos à dos les gladiateurs engagés dans une interminable foire d’empoignes depuis l’élection présidentielle de 2018. Comment Paul Biya a-t-il accueilli le coup de massue de Macron ? Lui qui croyait avoir réchauffé sa relation avec l’Elysée au lendemain du sommet de Lyon. On doit à la vérité de dire qu’en politique comme dans d’autres domaines, lorsqu’on se fait miel, on s’expose à l'appétit des abeilles. « Le président Macron m’a demandé comment s’est déroulé le grand débat [grand dialogue national, ndlr]. Je lui ai fait un compte-rendu ». Par cette seule déclaration, le chef de l’Etat camerounais s’était déjà placé dans une position d’infériorité et d’inconfort vis-à-vis de son pair français. Cette gaffe que des souverainistes avaient balayé, à l’époque, du revers de la main, ne justifie pas la bavure de Macron, mais peut en constituer une clé d’explication.

Sous François Mitterand, Paul Biya avait déjà déclaré sur le perron de l’Elysée, au terme d’une audience avec le maître des céans : « Je ne crois pas démentir la pensée du président [français] qui pense que je suis le meilleur élève » de la France en matière de démocratie. De Mitterand à Macron, le logiciel du pouvoir de Yaoundé n’a pas vraiment changé. La réalité du rapport de forces aussi. Seul hic, l’actuel président français semble moins rodé aux usages diplomatiques.

Cela pourrait bien lui coûter, face au sphinx camerounais qui en a vu d’autres et qui sait faire le mort pour mieux cracher son venin au moment fatidique. Autrement dit, conscient des intérêts de la France au Cameroun, le phoenix Biya, dont l’extraordinaire capacité à renaître de ses cendres est connue, n’a certainement pas dit son dernier mot.

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

canal de vie

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo