L’UNIVERSITÉ CAMEROUNAISE, SES ÉTUDIANTS ET SES PROFESSEURS
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L’UNIVERSITÉ CAMEROUNAISE, SES ÉTUDIANTS ET SES PROFESSEURS :: CAMEROON

L’empire de l’indignité, les lois de l’imposture et les ressources d’une refondation critique des savoirs et des valeurs.

Paul Biya est rentré de Paris avant-hier soir. Moi-même je rentrais aussi à la maison au même moment, exténué, après une journée harassante de cours. Sauf que lui, il m’a bloqué. La circulation a été coupée à la poste centrale. Impossible d’avancer. J’ai choisi de me garer à la trésorerie et d’attendre. Assis dans la voiture, je me suis mis à faire le point de mes énervements de la journée (car enseigner au Cameroun, c’est s’énerver !). Je suis vraiment courroucé parce que la situation dans nos universités empire d’années en années. Et depuis ce début d’annéeacadémique en cours, l’atmosphère est invivable dans les amphithéâtres, à l’université de Yaoundé I où j’enseigne notamment. En guise d’illustration de mes frustrations, tenez : en première année, nous avons plus de quatre cents étudiants et je fais cours avec environs cent cinquante étudiants debout ou assis à même le sol. Il faut les voir lorsqu’ils courent pour occuper une place. Il faut voir les plus frêles créatures dans cette foule bigarrée lorsque les plus costauds décident de faire la loi du muscle : elles sont piétinées, les sacs à mains sont arrachées des épaules, les mains des plus pervers palpe l’interdit ; certaines étudiantes tombent et s’évanouissent ; d’autres enfin renoncent tout simplement à poursuivre leurs études et désertent les amphis. Comment peut-on m’expliquer cela ? Pourquoi depuis plusieurs années on n’a pas construit un seul amphithéâtre dans cette université ? Ne peut-on pas demander au génie militaire de faire des hangars modernes et demander aux parents d’apporter du bois pour faire des tables-bancs ? Où sont les budgets qu’on vote pompeusement à l’Assemblée nationale pour équiper les universités d’État ? Toutes les universités sont-elles traitées avec équité ? Les étudiants des universités de Yaoundé II, Dschang, Douala, Ngaoundéré, Maroua, Buéa, Bamenda, etc. font-ils aussi cours étant debout ou assis à même le sol, comme cela est de rigueur dans la mère des universités, à Ngoa-Ekellé, à un jet de pierre de la Présidence de la République du Cameroun ? Les universités bénéficient-elles du même traitement ?Que fait le MINESUP pour pallier ce manque chronique d’amphithéâtres et de tables-bancs dans une université qui est située à côté du bureau de « Son Excellence » qu’il idolâtre ? Qui est vraiment responsable de cette ignominie ? Attend-on une nouvelle grève générale des étudiants pour agir ? Est-ce que Paul Biya sait que les étudiants font cours étant assis à même le sol dans la chambre d’à côté ?

Je sais que si je parle tout haut, cette fois « On » va me suspendre quatre ans, comme mon ami le Professeur Jean Bahébeck, pour atteinte impertinence aux lois sacrées du régime tribal de l’imposture et du cynisme en vigueur dans l’enseignement hautpérieur (je crée souvent ma part de français lorsque je veux me dissimuler à la vue de tout puissants imposteurs, des fanatiques et des exaltés qui bénéficient de puissance neutralisante du décret présidentiel). Je ferme donc mon bec, d’autant plus que l’Assemblée et le sénat n’ont pas encore adopté la loi contre le tribalisme qui pourrait me sauver. Pour le moment, je suis en insécurité. De plus, la loi n’est pas rétroactive, elle ne peut donc frapper les tribalistes haut placés. La crapule pourrait me frapper avant le temps... Autant mieux ne prendre aucun risque devant la force usurpée de l’expérience. La sagesse m’oblige à quitter mes pensées mortifères et je commence à m’ennuyer. Mais ça dure ! Ce type passe même à quelle heure ? Instinctivement, je descends de la voiture et je décide de marcher en direction de la cible de ma révolte intérieure. Au niveau des feux de signalisation situés devant le bureau de la poste centrale, un policier s’élance vers moi pour me dissuader de traverser, mais c’est trop tard. En deux minutes, j’ai contourné ; je suis déjà en face, sous la véranda de la Pharmacie de la moisson. Je m’assoie à côté du vigile de service. Alors que je commence à méditer sur le concept de moisson pour une Chancellerie des ordres académiques, en m’imaginant des fruits juteux que donneraient une formation, une recherche et un service

conséquent d’appui au développement de nos universités, voilà que le bonhomme est annoncé, toutes carènes hurlantes. C’est le silence absolu dans une poste centrale noire de monde. Il est 19H 52 minutes 43 secondes lorsque, tout triomphal, le vert-rouge-jaune récompense la longue et monotone attente de ces milliers de regards sans repères. Tout le monde est debout. Comme poussé par une énergie irrépressible, je me mets à applaudir instantanément. Et comme si mes mains avaient donné un signal d’alarme, toutes ces âmes tétanisées par les lustres de la fonction présidentielle se mettent à applaudirà leur tour avec une cadence rythmée, au fur et à mesure que le très long cortège bafoue l’incertitude. Et l’écho de ces honneurs que je rends au Souverain finit par posséder toute la poste centrale qui finit par acclamer en cœur l’illustre passant. Malheureusement, le type que vous connaissez là est parti comme ça, me laissant inconsolable dans mes tourments, sans qu’il n’ait même imaginé que j’étais là par hasard dans la foule avec des demandes vitales. Pourquoi ai-je même applaudi ? D’ailleurs étais-ce moi ? Moi qui suis si fâché contre lui, je peux l’applaudir ? Et alors que je méditais, mes mains refusaient de se calmer… Je compris alors que ce n’est pas moi qui applaudissais : c’étaient les centaines d’étudiants que je venais de terroriserpendant des heures, assis par terre pendant que je tambourinais leur tympan comme à l’école coranique, qui l’interpellaient : « Papa Paul Biya, nous sommes des milliers de tes fils à l’université de Yaoundé I qui faisons court assis à même le sol ! Aie pitié de nous, pardon !!! »Oui, applaudir, c’est approuver, certes ; mais applaudir, c’est aussi et surtout interpeller, réquisitionner l’attention d’un passant…

Après cet accès d’émotions vives et lugubres qui m’ont arraché des larmes, je suis rentré à la maison, plus troublé que jamais par la situation dramatique dans nos universités.Je ruminais ces interrogations traumatisantes : ceux qui sont chargés de coordonner ou de mettre en place les réformes présidentielles du système de formation universitaire sont-ils moralement, intellectuellement, humainement stables et sont-ils outillés pour relever cet immense défi de la formation dans le tertiaire ? Ont-ils même le niveau de comprendre les instructions présidentielles ? Peuvent-ils anticiper sur les désirs du Prince ? Quelle est leur référence : le normal ou le pathologique ? Sont-ce des prototypes ou des phénotypes d’universitaires ? Comment nos universités peuvent-elles impacter la société, impulser les mutations économiques et culturelles qui conditionnent la prospérité des nations modernes si elles dépendent du pouvoir aussi discriminatoire que clanique de personnes sans repères éthiques, sans convictions idéologiques, sans principes scientifiques et sans vision, bref des gens qui ne croient pas en leur dignité propre, qui savent que si on leur enlève la référence tribale elles ne sont rien ? Et ceux qui sont en charge de s’occuper au quotidien de nos enfants dans les amphithéâtres sont-ils capables d’impulser cette dynamique ou sont-ils de simples parvenus de l’académie ? Ces figures avenantes et éminentes qu’on appelle « Grands Profs » sont-elles la face visibledu graal ou manifestent-elles au contraire la rugosité des traits difformes des forces démoniaques qui maintiennent cyniquement captif notre pays ? Comment un système universitaire peut-il être compétitif si les enseignants et les chercheurs qui y évoluent sont recrutés non pas sur la compétence et les états de services des postulants, mais plutôt sur la base de la cooptation et de la préséance administrative des esprits vicieux et improductifs ? C’est autour de ces préoccupations que je vais bâtir ma réflexion. Je présenterai tout d’abord l’empire de l’indignité dans les universités camerounaises (I) ; j’exposerai ensuite les lois de l’imposture dans nos facultés et la responsabilité managériale dont la coordination de la gouvernance universitaire est assortie(II) ; j’examinerai enfin les voies ouvertes à la refonde des savoirs et des valeurs républicaines (III).

I/ LES UNIVERSITÉS CAMEROUNAISES OU L’EMPIRE DE L’INDIGNITÉ

L’université demeure le socle originel pour la construction de profils et de ressources humaines capables de coordonner et de mettre en œuvre des politiques publiques compétitives. L’université doit pouvoir produire un certain type d’hommes, forger des caractères et des personnalités capables de soutenir un ethos noble, des personnes laborieuses et dignes de respect parce qu’elles incarnent la détermination à la tâche, la rectitude morale, la lucidité exercée, bref,

des visionnaires et non des intrigants malfaisants. Depuis le 20e siècle, l’université est devenue le creuset de la formation, de la recherche-innovation et le lieu où les peuples ambitieux imposent leur rythme au monde. Elle définit l’esprit, les objectifs et les grandes réalisations exigibles pour la prospérité économique, le progrès social, politique et culturel des nations policées. Dans tous les pays avancés, les réformes les plus déterminantes y ont lieu ; l’avenir de la nation y est conçu par les scientifiques, les philosophes et divers experts ; les politiques publiques sont systématisées pour traduire en résultats sociaux et économiques quantifiables les délibérations intellectuelles de ces esprits ; surtout, les plus grandes inventions y prennent corps pour améliorer la vie des citoyens. Pour que le système fonctionne et donne ces résultats, il faut une visibilité claire dans la vision de l’enseignement supérieur, les statuts, les postures et les responsabilités des différents acteurs. Autrement dit, il faut que chacun sache ce qu’est un enseignant d’université (1), un étudiant (2) et l’éthique qui doit gouverner leurs rapports (3).

2/ QU’EST-CE QU’UN ENSEIGNANT D’UNIVERSITÉS ET QUELLES SONT SES RESPONSABILITÉS AUJOURD’HUI ?

Dans ce récit de la passion des enseignants et des turpitudes propres au monde universitaire, je vous propose de revenir un peu en arrière et de s’arrêter au dimanche 10 novembre 2019. Il est 12h 09 ms. Jereçois un message via WhatsApp. C’est une étudiante ; elle est déléguée de niveau. Je constate qu’elle m’envoie un texte numérique. Cette jeune fille m’aime beaucoup : elle m’a confié, en présentiel, qu’elle veut que je sois le meilleur Prof du département. Je ne sais pas pourquoi. Ma bienfaitrice est d’expression anglaise. L’ouvrage en question a pour titreL’Art d’enseigner et son auteur est Nathalie Anton. J’ouvre donc le fichier ; je le parcours et je tombe surcette phrase qui attire mon attention : « Un bon professeur est celui qui intéresse les élèves et leur permet d’apprendre en leur transmettant la matière et du plaisir » (p. 52). Je suis confus.Je sais la richesse de l’imagination du lecteur. Mais je lui conseille de quitter les lieux communs et les fantasmes vénériens qui y dictent leur emprise ; qu’il réfléchisse avec moi au contenu de cette missive, à la portée de cet énoncé. Je m’interroge à l’instant : se pourrait-il que je ne sois pas un bon professeur ? La « matière » et le « plaisir » manquent-ils dans mes cours? Mais c’est mal poser la question en se demandant si nos universités ont des matières et des « plaisirs », car on sait la réponse à une telle préoccupation : des programmes désuets y sont en vigueur et les étudiants font cours à même le sol, sans plaisir donc ! Le problème estplutôt celui-ci : quels types de contenus et de bonheurs l’université doit-elle procurerpour un développement éprouvé de la nation ?

Pour y répondre, il faut adopter pour principe heuristique (d’analyse ou de recherche) de base que tout raisonnement doit être situé. Il faut partir des expériences les plus radicales pour espérer clarifier une situation intellectuelle ou existentielle trouble. Pour comprendre, j’interroge les « vrais » Professeurs qu’on appelle « Agrégés ». Et ma mémoire me ramène trois ans en arrière, en juin 2016. Je viens d’être chassé de l’Université de Yaoundé I et je veux comprendre. C’est un matin doux. Je bouillonne d’incompréhension. Je décide donc d’en avoir le cœur net au Ministère de l’enseignement supérieur (MINESUP). Il faut que je rencontre son représentant au Conseil de discipline qui vient de me suspendre pour une période de deux ans. C’est un certain Pr AbanaEngolo Patrick, un agrégé de droit, Directeur des Affaires juridiques de ce ministère. Je remplis fébrilement la demande d’audience qu’on me tend au 10e étage, dans un bureau qui jouxte celui du demi-dieu qui y juge les âmes en pleine en les destinant systématiquement à la géhenne (en ce temps lointain, c’est comme s’il y avait la sorcellerie en ce lieu. Je n’y ai plus mis les pieds et je ne sais pas si l’exorciste est passé entre-temps). La secrétaire m’annonce la grande nouvelle quelques minutes plus tard : je serai reçu. Quel soulagement ! Lorsque j’entre dans le bureau du jeune cardinal des théories juridiques, je suis impressionné par sa courtoisie. Il me parle avec condescendance certes, mais le timbre de sa voix est posé. Je lui explique mon incompréhension et mon écœurementdevant la sévérité de leur sanction et je le supplie d’intercéder auprès du Dieu tout puissant. Je soumets aussi à mon interlocuteur mon intention de saisir le juge administratif

advenant le silence du Ciel sombre. À ma grande surprise, notre Agrégé se lève et, avec le pas lent et lourd qui caractérise la démarche des autorités qui décident du sort des damnés, il se dirige vers une armoire de bureau et sort un très volumineux document. Il me regarde avec un cynisme à peine contenu dans ses yeux vitreux. Avec la voix ankylosée des sacristains impénitents de l’enfer etle goût du soufre dans la bouche, il me confiesa sérénité : « Petit frère, c’est peine perdue. Aller au Tribunal administratif ne changera rien. Voici une thèse de doctorat Ph. D. que je dirige. Dans ce travail, nous (il s’associait à l’étudiant, comme à leur habitude) démontrons qu’ici au Cameroun, l’administration n’applique pas les décisions de justice ! » Je suis interdit et intrigué de savoir la nature de la matière et du plaisir que cet agrégé communique à ses étudiants.J’avais quitté les lieux désabusé, mais déterminé plus que jamais.

Cette aventure livresque avec mon interlocutrice WhatsApp et ces lointaines mésaventures ministérielles me poussent à m’interroger à présent sur le statut de l’enseignant et les enjeux de la pédagogie universitaire. Ce qui consiste à s’interroger surla place et la contribution de l’enseignant d’université dans le développement de son pays. En principe lorsqu’on exerce un métier, il est impératif de s’arrêter par moments et de s’interroger sur les fondements, les contenus et les enjeux des pratiques professionnelles qui le sous-tendent. En d’autres termes, il faut se remettre en cause en permanence pour éviter la routine qui sclérose l’intelligence et mine la créativité : il faut, en tout temps, maintenir une attitude critique à l’égard des idées reçues, des opinions dominantes et des habitudes pédagogiques consacrées. En un mot il faut, ainsi que le recommande Nietzsche, se palper sans cesse. En tant qu’enseignant-chercheur, je me dois donc de renouveler mon regard non seulement sur ma praxis quotidienne et ses enjeux, mais également sur les acteurs et l’environnement général dans lequel j’évolue. Enseigner, c’est former et faire la recherche. Dans tous les cas, c'est travailler des capacités intellectuelles afin de se disposer à affronter victorieusement l’ignorance, la vanité, l’automystification, le stupre. Revendiquer le statut d’universitaire ne revient donc pas à s'amuser avec les étudiantes ou à entretenir la polémique et les intrigues dans l’académie. Notre rôle, nous les Anciens écoliers diplômés, ce n’est pas de prétendre défendre la masse en stigmatisant les penseurs ; c’est d’apprendre tous les langages des secrets d'État, de la mystification et des virus qu'ils transportent pour prévenir la société à laquelle nous appartenons des maladies de la déraison et des dysfonctionnement de la nature. Donc, il faut aider la société en comprenant plus que d’ordinaire, en forçant l'entrée dans les interstices de l'aliénation, en apprenant à foudroyer les esprits retors par les scintillements lumineux du bon sens, du bon goût, le goût de ça...

Un enseignant d’université ne peut défendre l’immoralité, l’aveuglement et l’ensauvagement des citoyens. Quand il ne dit mot lorsque des minables et des misérables individus allument le feu de la destruction aux quatre coins du pays pour faire fonctionner l’économie de la décapitation et l’industrie des cadavres, si d’aventure il renonce à faire valoir son jugement, à maintenir la distance épistémologique critique entre la certitude du doute et le mensonge des dogmes, pour embrasser le parti de la torture, de l’assassinat, du pillage et du crime sous-traités comme prétextes de La Défense de la nation, s’il veut absolument vendre une guerre dont on voit qu’elle nous apporte ni cohésion ni supériorité et qu’elle ne féconde pas même notre orgueil en tant que peuple, s’il veut absolument noircir et vouer aux gémonies une partie du peuple par aveuglement pour sa tribu, s’il renonce à convoquer l’empathie et l’éthique pour faire prévaloir une rhétorique insensée de la loi du plus fort, lorsqu’enfin il refuse d’entretenir l’espoir et la lucidité, alors LA COURTOISIE, LA FRATERNITÉ et tous les petits mots doux qui caressent le tympan ne sont plus les bienvenus. Il faut penser, voir et parler différemment. Dans un tel contexte donc, où les sacrifices les plus poignants sont exigés des pédagogues, l’enseignant d’université doit pouvoir réaffirmer des convictions fortes et soutenir avec emphase : « Moi je m’en fous de moi ! Vous comprenez ça ? Je m’en fous et des postes et des grades et de toutes les choses vaines qu’on miroite là pour nous empêcher de penser. J’ai un devoir à assumer, et je boirai ma coupe jusqu’à la lie ! »

2/ QU’EST-CE QU’UN ÉTUDIANT ? (À L’INTENTION DES ÉTUDIANTS)

À l’école primaire et au secondaire, vous aviez pris l’habitude de répéter et de retenir les connaissances « par cœur ». C’est que vous étiez en plein processus de croissance physiologique et de développement de vos facultés mentales. Entre-temps votre intelligence s’est affinée et affermie. L’école vous a appris à comprendre que vous grandissez ; que vous devenez des humains. Or,l’humanité se mérite aux prix d’efforts soutenus : il faut « apprendre » à lire, à s’exprimer, à écouter, à apprécier, à contester ... Maintenant que vous avez mûri, faites le chemin inverse : à l’université vous devez comprendre la vie ; vous devez apprendre à réfléchir au-delà des apparences. Un étudiant qui ne réfléchit pas sur ce qu’il apprend est un danger pour ses proches et pour la société. On s’inscrit à l’université pour approfondissement notre charge d’homme et de femme, pour acquérir les connaissances et les savoir-faire, s’adapter à son environnement et, surtout, impulser le changement par notre exemplarité. L’étudiant qui développe la vanité qui remonte à la gorge lorsqu’on a terminé l’inscription à l’université court le risque de sortir de l’université vide de contenus et de goûts. Si d’aventure un tel individu rempli d’expériences à la guimauve réussit, par le force du piston, à obtenir son parchemin et à accéder à un poste de responsabilité à l’université, dans la police, l’armée ou dans la haute administration, il se distingue par un rendement exécrable. Il pollue toute l’institution avec le marchandage des services, le favoritisme, le tribalisme, en un mot la bêtise.En ce sens, les mauvais ministres sont d’anciens mauvais étudiants ; ils sont leurs démons intérieurs, c’est-à-dire de mauvais Professeurs des universités et d’anciens universitaires parvenus « aux affaires » grâce aux intrigues, à la proximité de sang, à la cooptation ésotérique ou à tout autre forfait, mais jamais suivant les critères de mérité ou le parcours de l’intéressé.L’étudiant qui est occupé à autre chose que le travail de la pensée, celui qui participe aux coups-bas et aux intrigues de ses enseignants sort de l’université vide, vidé de la petite fumée cognitive emmagasinée à l’école primaire et au secondaire.

En revanche, lorsqu’on a véritablement fait ses classes à l’université, on apprend à lire la vie à rebrousse-poil, c’est-à-dire en développant la capacité de démystifier le monde qui s’impose à vous et à se soustraire à l’aliénation en maintenant la tension de goût qui sauve du naufrage du cynisme. S’inscrire à l’université, c’est acquérir l'art de la lucidité. En ce sens un étudiant, c’est d’abord un certain esprit (une érudition dans le domaine d’étude et des domaines connexes) ; c’est aussi une sensibilité spécifique (la curiosité des choses du monde et la maîtrise des outils de la culture) ; par ailleurs, c’est une personnalité à nourrir depuis la prime enfance et à affermir à l’âge adulte. Autrement dit les études dans les universités structurent un projet de vie où l’on entretient ses ambitions, la visualisation exercée de l’avenir. L’esprit de l’étudiant le conduit non seulement à tout connaître, dans les limites du possible, mais aussi à conquérir le monde de ses ambitions. Le développement de la sensibilité quant à lui est destiné à entretenir des convictions fermes et des préférences esthétiques nobles. Le renforcement de la personnalité permet d’exercer pleinement sa liberté. Or, l’on ne peut faire valoir véritablement sa liberté que lorsqu’on a acquis les outils du discernement et l’expérience des périls de la vie qu’illustrent les livres, les manuels scolaires et la maîtrise des leçons de l’actualité nationale et internationale. Au terme de la formation universitaire, on comprend que la vie n’est pas une affaire de chance, encore moins exclusivement une affaire de tempérament : c’est surtout une histoire de principes de vie.

Être étudiant, c’est doncfaire exister et éclore son projet de vie. Lefacaire exerce systématiquement ses facultés et investit son temps dans la science, la technologie, les arts et les Lettres et les loisirs sains. Étudier à l’université c’est, comme le disait le philosophe Antoine Guillaume Amo, se constituer en « forçat des études ». Vous embrassez une nouvelle vie de la science, qui va s’articuler avec votre vie civile.Ne pas prendre la pleine mesure de vos responsabilités plongerait le pays, les cent prochaines années, dans d’irréductibles et meurtrières contradictions. Considérons par hypothèse que l’instruction et l’éducation des jeunes écoliers et des étudiants soient expurgées du substrat éthique et patriotique qui sous-tend les principes fondamentaux de la vie humaine. À quoi sert-il de former des chimistes qui vont se consacrer à la

fabrication des bombes destinées à alimenter le terrorisme ? À quoi servirait-il de dépenser des milliards pour produire des hauts fonctionnaires corrompus dont le rêve est d’édifier des châteaux privés en l’honneur de leur cupidité ? Si la prévarication, le favoritisme et le népotisme doivent être la règle dans les recrutements des policiers, des médecins, des ingénieurs, etc. de quel secours seraient-ils si leur rendement ne se chiffrequ’en termes de milliers de bandits dans les quartiers et en autant d’hécatombes dans les routes, les hôpitaux et les usines ?

3/ ÉTHIQUE DES RAPPORTS ENTRE ÉTUDIANTS ET ENSEIGNANTS À L’UNIVERSITE

En ce 21e siècle, l’école ne peut plus se faire comme dans le passé. Les profils, les comportements et les rôles ont considérablement évolué. Avec les révolutions technologiques dans le domaine éducatif et de la formation, ainsi que l’expertise requise dans l’utilisation de celles-ci, étudiants et enseignants doivent se serrer les coudes ; ils doivent s’entraider pour faciliter leur compréhension du nouveau monde qui s’impose à eux et pour redéfinir leurs priorités etleurs responsabilités en vue d’une plus grande rentabilité scientifique de leurs interactions. Blogs, comptes WhatsApp, sites internet spécialisés, profils Facebook, etc., rien ne doit échapper à ce rééquilibre des statuts, des approches et des postures. L’enseignant n’est plus cette puissance céleste qui vient illuminer les brebis ineptes et égarées dans l’ignorance crasse. Parfois même il est plus ignorant que les étudiants, mais ceux-ci ont besoin de son expertise méthodologique, de sa densité discursive et de ses contacts avec les autres spécialistes de son domaine à travers le monde (il doit en avoir !). À cet égard, toutes les étudiantes et tous les étudiants doivent être d’une façon ou d’une autre en contact avec leur enseignant. Quel qu’il soit, téléphone, e-mail ou Facebook, etc., ils doivent interagir en permanence afin de professionnaliser les curricula et de faire découvrir et amplifier les compétences qui y sont attachées. Le paternalisme ne fonctionne pas à l'université. Les préjugés sociaux et tous les fantasmes sur les rapports entre étudiantes et enseignantes par exemple ne se justifient pas en science. Si un parent a peur d’acheter un téléphone androïde à sa progéniture pour la sécurité de sa fille, il fait comme les autres: il la garde à la maison, recluse et voilée ! C'est plus sécurisant … Si donc vous choisissez de l'envoyer étudier en Fac, apprenez-lui à se mettre elle-même en sécurité. Si par ailleurs vous passez le temps à suspecter les profs sans enseigner à vos enfants que le harcèlement existe et qu’il faut le dénoncer systématiquement, c'est de vous-mêmes dont vous devriez avoir peur. Peut-être vous transférez aux enseignants l'attrait du vice qui vous taquine de l'intérieur...

D’un autre côté, si un enseignant est incapable de tenir le coup des présences ensorcelantes, s’il est émotionnellement inapte à se retenir devant le péché et la prison, qu’il choisisse de s’exorciser au préalable. Car, la charge d’enseignant est sacrée. Ce magistère est incompatible avec la confusion des sentiments ! L'enseignant d’université est un instructeur-éducateur. C’est un carnivore et un messie. C’est un carnivore parce qu’il consume et consomme les personnalités soumises, tièdes ou vaniteuses des étudiants pour les transfigurer. Il doit parvenir à forger des caractères intrépides, des regards critiques et des âmes impénétrables par les fourbes, des imposteurs, des violeurs, des mystificateurs et autres usurpateurs politiques criminels. Il est une sorte de messie parce que, ce faisant, il inspire en eux une détermination, un engagement, une imagination à toutes épreuves, un goût unique pour sonder l'avenir et les grandes opportunités de la vie.

À SUIVRE :

II/ LES LOIS DE L’IMPOSTURE DANS LES FACULTÉS ET LA RESPONSABILITÉ MANAGERIALE DU CHANCELIER DES ORDRES ACADEMIQUES.

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