L’évangile selon saint Paul
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Deux ans que la crise anglophone dure. Deux ans que les positions sont figées, que le débat ronronne, que les mots s’empilent, que les morts s’entassent, que le Cameroun pleure. Deux ans que l’escouade acquise servilement à l’image démiurgique d’un dirigeant sur les rotules répète les mêmes poncifs, décrètent les mêmes tabous en écho aux vœux d’un président de la République que certains tiennent pour Dieu sur terre. Arrêtons-nous un instant sur ces postures qui hantent la crise et que certains tiennent pour parole d’évangile.

Verset 1 : « On ne discute pas avec les terroristes »

De retour à Yaoundé le 30 novembre 2017 après avoir participé aux travaux du 5ème sommet Union Africaine- Union Européenne, Paul Biya a délivré l’une de ses rares déclarations sur la crise anglophone. « Notre pays fait face à une bande de terroristes se réclamant d’un mouvement sécessionniste ”, a-t-il dit, avant d’ajouter que « toutes les dispositions sont prises pour mettre cette bande de criminels hors d’état de nuire ». Le président assimile donc les sécessionnistes à Boko Haram qui continuent de perpétrer des actes horribles dans la partie septentrionale du pays. Il a ainsi entrepris de leur faire la guerre. C’est légitime d’autant plus que ces derniers ne montent pas au front pour manger des cacahuètes. Mais ce qui surprend c’est le fait de soutenir qu’aucun dialogue n’est possible avec ceux qui « prennent les armes contre la République ». Ceux qui ressassent cette rengaine oublient de dire que la crise anglophone couve depuis une trentaine d’années. Que l’extrémisme aujourd’hui observé n’est que la résultante d’une posture autiste du gouvernement qui n’a jamais voulu intégrer le besoin pressant d’autonomisation de la gestion des collectivités locales.

Certains évoquent même des cas pour dire combien il est impossible de dialoguer avec des groupes armés. Sans perdre de temps à cet exercice ridicule, rappelons juste que Guillaume Soro, ci-devant président de l’Assemblée nationale en Côte d’Ivoire (et que nous avons reçu en grandes pompes dans notre pays) était, il y a quelques années encore, un redoutable guerrier qui avait réussi à partitionner son pays avant se voir offrir un poste de premier ministre. Mais laissons le passé là où il est et faisons face à la sanglante réalité du présent. Comment sortir de l’impasse ? Au-delà de la bouillie froide et fade que nous servent les spécialistes du dimanche sur nos plateaux de télé, il est bien évident que la crise s’enlise. Comment donc faire taire les armes si on refuse de parler avec ceux qui les tiennent ? Comment obtenir un cessez le feu sans ceux qui font feu ? « On va les anéantir », fulmine en coulisse un intellectuel organique du régime qui a enfin tombé le masque. On attend de voir, sauf que dans l’intervalle il y a du sang qui coule. Il y a des familles éplorées, il y a des populations déplacées. Il y a ces groupes armés qui ont créé un rapport de force. A nous de voir si le dogme peut apporter la paix.

Verset 2 : « On ne négocie pas la forme de l’Etat. »

Ah bon ? Et Pourquoi ? « Parce que c’est inscrit dans la constitution, le Cameroun est un Etat unitaire décentralisé », répondent en cœur nos exégètes de la pensée juridique, reprenant en cela les propos de leur deus ex machina. Brillant comme démonstration. Sauf que la même constitution stipulait il n y a pas longtemps que le président de la République du Cameroun est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une fois. On l’a bien changé en 2008 sans que cela ne provoque de nouvelles déflagrations au Lac Nyos. Pourquoi n’est-on pas capables de revisiter notre sainte bible pour un problème aussi vital alors qu’on l’a allègrement torpillé pour maintenir un homme au pouvoir ? Où est donc ce fameux Etat décentralisé admirablement théorisé dans la constitution de 1996 ? Cet Etat unitaire que l’on agite comme un fétiche n’est-il pas simplement le moyen pour notre bureaucratie bourgeoise et gloutonne de maintenir ses privilèges ?

Verset 3 : « Le fédéralisme c’est pire que la peste »

D’accord mais pourquoi ne pas en parler ? « Mais on y est déjà, la décentralisation c’est une forme de fédéralisme », a tranquillement développé un journaliste de la Crtv dimanche dernier sur un plateau prisé de la chaine qui l’emploie. Avant de se faire amicalement reprendre par un enseignant de sciences politiques qui s’affichait pourtant comme son allié de circonstance. Le portail des camerounais de Belgique. Mais qui donc a peur du fédéralisme au point d’avoir des urticaires à la simple évocation de ce mot ? L’échec cuisant de la décentralisation de pacotille vendue par le pouvoir devrait pourtant inciter à plus d’humilité. A la place, on n’est encore obligé de subir la torture de perroquets programmés sur ordinateur pour créer la panique autour d’un concept qui n’a rien de diabolique. En démocratie, Dieu c’est le peuple et sa majorité. Ce n’est pas un homme, fut-il président de la République, qui s’arcboute sur des positions d’orgueil et regarde son peuple périr dans le sang. Il est grand temps de réhabiliter la fonction discursive de la démocratie pour exorciser les démons de la guerre. Seul un dialogue inclusif et sans tabous peut aujourd’hui dessiner l’horizon de la paix. Et si les gourous qui nous gouvernent pensaient enfin à servir le peuple…

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