Le procès de Maurice Kamto piétine à la Cour d’appel du Centre
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Le collège des magistrats présidé par le célèbre juge Gilbert Schlick a été obligé de renvoyer pour la seconde fois l’examen du recours introduit par les avocats de l’opposant et de ses coaccusés à cause de l’absence de ce dernier à l’audience.

Maurice Kamto et ses principaux lieutenants sont-ils désormais interdits de séjour au Palais de justice du centre-administratif de la ville de Yaoundé ? L’opposant camerounais, qui était attendu à la Cour d’appel du Centre jeudi dernier, 22 août 2019, a répondu absent comme il y a deux semaines déjà. Lui comme Christian Penda Ekoka, Paul Eric Kingué, Abe Abe alias Valsero, Albert Ndzongang, mais aussi Alain Fogue Tedom, ont été attendus en vain pour l’examen du recours introduit par leurs avocats contre l’ordonnance du juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé (TMY) les ayant renvoyés en jugement, notamment pour insurrection et hostilité envers la patrie. Ils sont poursuivis en même temps qu’une centaine de leurs partisans.

Le trio des juges commis pour revoir éventuellement la copie du magistrat-militaire a été contraint de renvoyer l’exercice à ce lundi (26 août) pour la comparution des leaders du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et leurs alliés. L’examen de ce recours avait été programmé pour la première fois le 26 juillet 2019. Et pour la même raison, à savoir la non comparution des principaux accusés, la Cour d’appel de Yaoundé avait décidé de renvoyer l’ouverture du dossier. La centaine des coaccusés de l’opposant s’étaient inutilement présentés au tribunal, comme jeudi dernier. Mais ils avaient été rapidement retournés dans leurs cellules respectives à la prison centrale de Kondengui et à la prison principale de Ngoumou, pour les deux qui y sont détenus. Comme pour la première fois, ce second report est officiellement imputé à un «dysfonctionnement à la prison principale de Yaoundé», selon l’information donnée aux mis en cause présents. M. Tankoua, avocat-général près la Cour d’appel, leur a expliqué que les formalités ont été faites pour que les accusés absents comparaissent normalement, mais un «problème de logistique» a perturbé le transfert des opposants pour le Palais de justice, provoquant un second renvoi.

En fait, jeudi dernier, le trio des juges a essayé d’ouvrir le dossier en dépit de l’absence de M. Kamto et de ses principaux alliés. Selon des sources dignes de foi, l’initiative a provoqué la désapprobation immédiate des avocats de la défense. Ces derniers ont exigé le respect de la loi pénale, qui subordonne la conduite du procès à la présence des mis en cause, sauf lorsque leur absence leur est imputable. Ce n’est pas le cas de leurs clients, ont clamé les avocats, qui ont demandé aux juges d’attendre qu’ils comparaissent avant l’ouverture de toute discussion concernant la saisine de la Cour d’appel du Centre. Un premier débat avait déjà été soulevé sur la salle devant abriter l’audience. En général, l’information judiciaire étant secrète, elle se déroule dans le bureau du magistrat instructeur. C’est donc le bureau du chef de la collégialité qui devait accueillir la centaine des justiciables et leurs avocats. Une éventualité improbable devant cette situation inédite.

Ordonnance hybride

Dans cette affaire, la Cour d’appel du Centre est appelée à se prononcer sur l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé, qui décide que les opposants et leurs partisans doivent passer en jugement public devant cette même juridiction. Les avocats de la défense estiment que le juge d’instruction avait violé la loi en se prononçant dans le même document (ordonnance) aussi bien sur les griefs retenus contre leurs clients, mais surtout sur l’exception soulevée au sujet de la propre compétence de ce juge militaire à connaître de ce dossier. C’est cette nature hybride de l’ordonnance de règlement qui est attaquée. L’article 7(1) de la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples, visé par les avocats pour obtenir l’annulation de l’ordonnance querellée, stipule en substance que les civils ne sont pas justiciables des tribunaux militaires.

L’appréciation de la Cour d’appel du Centre est attendue par rapport au respect ou non de cette disposition légale par le juge militaire. Au Tribunal militaire de Yaoundé, pourtant, la présidente de la juridiction semble décidée à passer outre cette appréciation de la Cour d’appel du Centre. Sans attendre le retour de ce dossier en principe transféré au juge d’appel pour qu’il vide sa saisine, elle a programmé au vendredi 6 septembre 2019, la première audience du procès public de Maurice Kamto et de ses co-accusés. Mardi dernier, 20 août 2019 en effet, les leaders, alliés et certains des militants du MRC ont été reçus au bureau de la présidente dans le cadre de ce qu’on appelle l’audience du dernier interrogatoire. C’est une audience qui précède l’ouverture du procès.

Ce jour-là, au moins, la prison principale n’a pas connu de couac pour le transport des principaux leaders et alliés du MRC. Ces derniers ont été reçus en audience alors qu’une première vague de 26 accusés, arrivée plus tôt de la prison centrale voisine, était repartie sans faire la formalité, les avocats ayant réussi à convaincre, momentanément, la présidente du caractère précipité de son action. Les événements à l’origine des atermoiements de la justice ces derniers jours s’étaient déroulés le 26 janvier 2019 et les jours suivants. Le portail des camerounais de Belgique. A la suite des marches pacifiques organisées dans diverses localités du pays par le MRC et certaines formations alliées, les forces de l’ordre avaient interpellé des centaines de manifestants. La plupart des personnes arrêtées ailleurs, notamment dans les régions du Littoral et de l’Ouest, avaient été déportées à Yaoundé dans des conditions inhumaines, puis détenues sur la base d’une décision administrative du préfet du Mfoundi, avant d’être présentées à la justice. Si certains avaient été orientés vers le juge correctionnel, d’autres étaient dirigés vers le tribunal militaire. C’est cette dernière vague, qui compte Maurice Kamto, Christian Penda Ekoka et Albert Ndzongang, arrêtés au domicile du dernier cité à Douala, qui conteste l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction du TMY.

Rappelons, sur la foi de l’ordonnance de renvoi querellée, que pour toute audition, au cours de la prétendue instruction judiciaire menée par le colonel Jacques Baudoin Missé Njone, tous les mis en cause avaient contesté la compétence du juge militaire à juger des civils. Leurs avocats s’appuyaient alors sur des conventions internationales signées par l’Etat du Cameroun (lire en encadré) et des décisions déjà rendues par la Cour suprême du pays (jurisprudence). Le juge d’instruction avait réfuté les contestations soulevées. Et il avait imputé aux accusés, sans les auditionner, les actes de vandalisme opérés le 22 janvier dans les représentations diplomatiques du Cameroun en France et en Allemagne. Des destructions revendiquées par des émigrés camerounais se réclamant d’un mouvement d’opposants dénommé «Brigade antisardinards » (BAS). Les autorités politiques suivies par le juge d’instruction considèrent que la BAS obéissait aux ordres donnés par le parti de M. Kamto.

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