Délestages : Yaoundé broie du noir
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L’incendie produit dans la nuit du 7 août 2019 sur le réseau électrique contraint les populations de la cité capitale à recourir aux groupes électrogènes et autres moyens alternatifs.

Depuis mercredi 07 août dernier, les coupures intempestives d’énergie électriques sont redevenues régulières dans la ville de Yaoundé. Au lieudit « Province », dans le 1er arrondissement de Yaoundé, les usagers en font les frais. Le 9 août dernier vers 15h, un bruit aigu de ronflement de moteur rompt avec le calme qui règne tout juste à quelques mètres du ministère des Relations extérieures (Minrex). Il ne s’agit pas du vrombissement d’un véhicule. C’est un groupe électrogène. Il alimente une pharmacie située en face de la délégation régionale de la Santé publique du Centre. Placé contre le mur de la clôture qui jouxte ladite pharmacie, le groupe électrogène est couvert d’une tôle. Cette dernière le protège contre la pluie qui s’abat sur la ville.

« En matinée, il y avait l’énergie, c’est à partir de 11h qu’il y a eu délestage », renseigne Takaw Akam Djoko, employé dans un secrétariat, basé à quelques mètres de la sous-préfecture de Yaoundé 1er, sis à la Province. Assis sur un tabouret, il se tourne les pouces. « Nous vendons uniquement les chemises et formats, en attendant le rétablissement de l’électricité. Hier (jeudi Ndlr) déjà c’était le même scénario. On a coupé le courant et nous avons passé presque toute la journée dans le noir. Je n’ai pas pu travailler 2000 Fcfa », pourtant d’habitude, selon les déclarations du jeune homme, sa recette quotidienne dépasse parfois 10000 Fcfa. A la sous-préfecture de Yaoundé 1er, le service est presque paralysé. Impossible de se procurer le moindre timbre, étant donné que seul le compostage y est fait. Par conséquent les candidats aux différents concours administratifs sont aux abois. Comme plusieurs autres candidats, Mariam, candidate au concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure de Yaoundé est adossée contre le mur, attendant désespérément le retour de l’énergie. Elle est subitement accostée par un photographe qui lui propose ses services.

« Photo ? », l’interroge celui-ci. « Non j’attends le retour de l’électricité pour acheter les timbres. Je veux faire légaliser mon acte de naissance », déclare-t-elle. « Vas aux services du gouverneur, tu y achètes les timbres et reviens ici (souspréfecture) pour faire signer ton document ». A l’instant un groupe de personnes se dirigent vers les services du gouverneur du Centre.

Ligne coupée

Ici, les timbres sont en vente. Une ampoule y brille et un téléviseur y est également en marche. Selon une source, deux lignes d’électricité alimentent les habitations de la Province, celle qui dessert les services du gouverneur et une autre qui ravitaille la sous-préfecture. Il est difficile que les deux soient simultanément coupées. Pour jouer le jeu, certains tenanciers de débits de boissons se branchent sur les deux lignes. « Lorsqu’une ligne est coupée, il y a un basculement automatique que nous avons installé », déclare un gérant de buvette. Dans la clinique d’à côté le divorce avec la société de distribution d’électricité est consommé. « Nous fonctionnons avec le groupe électrogène depuis longtemps donc nous ne sommes pas au courant des délestages », renseigne une dame assise au service d’accueil. Au quartier Ngoa-Ekelle, précisément à l’entrée de l’université de Yaoundé I, lieudit « château », les activités sont quasiment à l’arrêt. Simplice N. est assis dans son secrétariat. Toutes ses machines sont éteintes. « C’est depuis mercredi soir que nous n’avons pas d’énergie. Je sors uniquement pour faire des reliures », explique-t-il. Comme lui, la plupart de photocopieurs se contentent de la vente des formats, chemises, entre autres. Tout juste en face d’eux, de l’autre côté de la route, Achille a de quoi se réjouir. Il est miraculeusement connecté à une ligne dont on ignore la provenance.

Dans son box, les clients font la queue. Non loin de ce secrétariat, le salon de coiffure de Jules P. fonctionne à l’aide d’un groupe électrogène. « C’est vraiment pénible pour nous. Le carburant coûte cher, mais quand tu veux augmenter le prix de la coiffure, les clients s’en vont », se lamente le propriétaire dudit salon.

Ministères

Des ministères ne sont pas épargnés pas les coupures d’électricité. Curieusement, dans certains bâtiments, aucune méthode palliative n’a été prévue. Assis dans un restaurant de fortune situé au bord du lac municipal, un fonctionnaire appelle de temps à autre son collègue, certainement au bureau, pour savoir si l’électricité est rétablie. « Le courant est revenu là-bas ? », entend-on demander au téléphone l’homme qui savoure sa boisson, tout en discutant avec d’autres collègues.

Les coupures intempestives d’électricité ont aussi modifié les comportements de certains habitants de Yaoundé. « J’évite de me connecter en plein temps pour économiser la batterie de mon téléphone. Chez-moi à Biyem-Assi, on a coupé l’énergie depuis mercredi, jusqu’à présent ce n’est plus revenu », déclare un jeune homme qui trimbale son chargeur de téléphone. Les femmes, adeptes de séries télévisées ne savent plus à quel saint se vouer. Assise dans la cour Justine R. et sa voisine se contentent de refaire le film de l’épisode précédent de leur série préférée. Il est environ 17h. Le portail des camerounais de la diaspora. « Je ne peux pas manquer la rediffusion demain en matinée », déclare-t-elle. A condition que l’énergie soit rétablie, elles l’espèrent bien. Pour l’instant, Justine se contente d’acheter des bougies. A défaut du cheval, on se contente de l’âne, la sagesse est connue. A la brigade de gendarmerie de Melen en face du Collège d’enseignement technique, industriel et commercial (Cetic), apprend-on, c’est avec les lampes torches qu’on s’éclairait dans la soirée de mercredi dernier. Les moments du jour les plus redoutés ce dernier temps à Yaoundé, sont les nuits. « C’est avec la torche de mon téléphone portable que j’éclairais le chemin en rentrant chez moi hier (samedi 10 août Ndlr) dans la nuit », renseigne Gaston, un habitant du quartier Emana. Dans ce quartier de Yaoundé 1er, les coupures nocturnes de l’électricité sont monnaie courante depuis mercredi. Dans une buvette située non loin du lieudit « Borne fontaine », les consommateurs sont assis dans le noir. Une seule ampoule, rechargeable, est posée sur le comptoir. Pas de bière glacée, cela n’est écrit nulle part, mais tous les clients le savent bien.

Communiqué

Joint au téléphone, une source à la société en charge de la production d’énergie électrique au Cameroun (Eneo-Cameroon) fait savoir qu’il effectue des travaux pour remédier à la situation. « Les travaux vont durer entre 3 et 6 mois. L’élément endommagé se situe au bout de la chaîne de transport de l’électricité. Donc c’est la Sonatrel qui doit s’occuper de cette panne », informe une source. Dans un communiqué de presse signé le 10 août, Eneo-Cameroon indique : « après l’incident grave au poste électrique Brgm à Yaoundé le 07 août dernier, les efforts engagés pour minimiser les désagréments n’ont permis de ne reprendre, à ce jour, que 70% des clients impactés. Plusieurs travaux de construction, d’extension et de reconfiguration du réseau sont en cours, et permettront de reprendre les 30% restants dans les meilleurs délais ».

Une note d’information signée le 11 août dernier par le ministre de l’Eau et de l’Energie, Gaston Eloundou Essomba revient sur l’incident qui s’est produit dans la nuit du 7 août 2019 sur le réseau électrique de la ville de Yaoundé, précisément au poste source électrique du Brgm situé au quartier Melen. Le communiqué précise que les équipes d’experts des sociétés en charge du transport de l’énergie (Sonatrel) et de la production(Eneo) sont à pied d’oeuvre. Les clients des postes victimes de l’incident sont pris en charge par les postes de Kondengui et de Ngousso. L’alimentation prioritaire étant dédiée aux zones sensibles telles que les hôpitaux et les infrastructures de distribution de l’eau située dans le périmètre du sinistre. Un service de rationnement est d’ores et déjà mis sur pied pour éviter d’abandonner certains quartiers à leur sort.

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