Sismondi Barlev Bidjoka, vous avez du potentiel. Ne le vendez pas à la sauvette d’un régime qui périt, même quand il fait de vous son nourrisson, et par effet conséquence, sa caisse à dissonance. [Propos intentionnel.] Le monde de la communication peut être vicieux – surtout pour des accros du cirque de prince. Le métier de journaliste est valorisé partout ailleurs ; prends-en bon soin.

Bien entendu, nous comprenons le contexte dans lequel vous pataugez avec autant d’énergie bovine. Pour survivre au micro aujourd’hui au Cameroun, (micro et plume) il faut, à défaut de se forcer d’être ami de l’indécence, tromper l’opinion que l’on est ennemi des dénonciateurs de la dictature. Pendant que nous pouvons comprendre avec le cœur abattu ce phénomène heureusement éphémère et pourtant virulent, encore une fois, que le journaliste qui est sage se livre aux faits divers, s’il ne veut pas mouiller le maillot, pour éviter l’effet d’étincèles qui ne manqueront guère d’éblouir les acolytes de cet édifice planté sur du sable mouvant.

Avec une pseudo-information comme celle que vous avez rapportée dans le cadre de votre sous-tendue chronique où vous critiquiez la supposée inertie de la diaspora camerounaise, le monde est scandalisé, pour ne pas dire plus. Soit.

Cher bonhomme, comment pourrait un homme comme vous, avec votre tête sur les épaules, comparer des diasporas sur un rapport dont vous n’avez pas la moindre idée du contexte ? En journalisme vous dites que les commentaires sont aisés et les faits sacrés. J’ai provoqué cette syntaxe. Alors tenons-nous aux faits.

Pour ce qui est du Nigéria, bien sûr que sa diaspora contribuera beaucoup dans la vie financière de son pays. Et vous savez pourquoi ?

1. Sur trois africains que vous rencontrez à l’étranger, un est nigérian. Qu’est-ce que cela signifie ? Le tiers de la diaspora africaine est nigériane. En d’autres termes, il y a plus de nigérians à l’étranger qu’il n’y a de camerounais sur la planète. Pour faire plus simple, il y a plus de 30 millions de nigérians à l’étranger. S’il y a donc 50 millions de nigérians à l’étranger (par exemple) qui envoient 100 dollars chacun au pays par an, cela donne cinq milliards de dollars.

2. Les transactions vers le Nigéria, sur tous les plans de la circulation des personnes, biens, devises et information, sont moins chères que celles effectuées vers le Cameroun. Le jeu est donc carrément biaisé dès le départ.

3. Ceci transparait au point ci-dessus mais ça vaut la peine de le préciser. Les nigérians ont toutes les facilités de voyager au pays à volonté parce qu’ils ont la double nationalité. Ils peuvent gérer facilement des affaires au pays avec aisance. Ils ont la possibilité de voyager aller et retour en Europe en un jour alors que le camerounais venu de l’Asie ou de l’Amérique du nord est obligé d’attendre toute une journée en Europe pour prendre un vol qui vient au Cameroun.

Mais pour ce qui est de la contribution financière de la diaspora camerounaise répertoriée par des sources crédibles, les derniers chiffres en date font état de ce nombre 345 412 561, 982. Voilà le nombre de millions de dollars transférés à titre personnel (pas des salaires transférés) au Cameroun par la diaspora en 2018 uniquement. Nous tenons ce rapport de la Banque Mondiale. Ce montant ne fait pas le décompte des envois informels.

Par ailleurs, vous vous basez sur des cas très isolés pour généraliser le cas du Cameroun à l’étranger. Au cas où vous oubliez, les personnalités publiques comme les footballeurs camerounais appartiennent aussi à la diaspora camerounaise. Sont-ils aussi des voyous que votre chronique désapprouve ? Ceux qui brillent par la délinquance ne sont pas représentatifs de la diaspora camerounaise. Avez-vous mentionné ceux qui font la fierté de la NASA, des grandes universités et le monde des affaires à l’échelle internationale ? Savez-vous combien de projets ont été virés aux portes de vos ministères parce que le quota (corruption) demandé par le ministre ne pouvait pas être versé au préalable ? Savez-vous combien de matériels de santé ont été retenus à la douane camerounaise ? Cette année, un groupe dont je fais partie a annulé un voyage au Cameroun anglophone à cause des insécurités alors que ledit voyage avait été planifié depuis des années et aurait pu bénéficier à des milliers de malades avec un coût qui totalisait des milliers de dollars. Le Kenya en a profité. Une poignée de délinquants – bien que cela soit regrettable – ne constitue pas la tendance générale en sciences sociales, ni même en science de l’information.

Pour ce qui est des marches organisées par des camerounais de l’étranger, cela n’est pas l’apanage de la diaspora camerounaise et c’est surprenant qu’un journaliste le croit. Ces marches, même si nous ne les encourageons pas si elles ne respectent pas la loi des pays dans lesquels elles sont organisées, et jusqu’ici elles respectent les lois et régulations en vigueur, devraient vous faire honte. Les pays étrangers reconnaissent le droit le plus élémentaire aux étrangers alors que le Cameroun emprisonne même ceux qui marchent pacifiquement.

L’avocate Alice Kom a dit quelque chose de très pertinent dernièrement. Vous tous devez avoir peur de l’univers camerounais actuel. Si donc nous sommes déçus et dénonçons la dictature, c’est parce que nous estimons que nous vivons en 2019. Les nations reconnaissent le droit et la liberté d’expression à leurs citoyens, ce n’est pas nécessairement parce que nous n’aimons pas une personne ou une autorité. Si nous sommes déçus et dénonçons c’est parce que tout ce qui constitue la fierté humaine et camerounaise a été enlevé au camerounais. La CAN qui était si prenable vient encore de nous glisser des mains et vous vous hasardez à relativiser cela. C’est que vous sacrifiez votre statut d’homme de médias à l’autel des fins personnelles, à l’instar des soins de santé pourvus par des dictateurs qui partaient le chemin de la terre. La Camer co peine à décoller, les universités sont désuètes, les infrastructures datent de Mathusalem, votre système d’internet est à son enfance plus de 20 ans après les premières dessertes du réseau mondial au Cameroun. Et vous applaudissez cela. Une telle indolence n’a pas encore de pareille.

Et vous dénoncez ceux des camerounais qui dorment dans la rue ! Eux au moins ont du tendon. Vous pouvez vous plier en quatre et, comme disait le chanteur, vous agenouiller au point de croiser les coudes sur des genoux pour quémander la subsistance dans votre propre pays. Vous n’êtes donc pas différent des sans abris de Paris. Ou que dis-je ! […] En plus, ils ne dorment pas dehors parce qu’ils déméritent. Ils dorment à la belle étoile parce que la France (Grand Complice des dictatures) leur est méchante. Toutes les recherches prouvent que les immigrants produisent plus pour le pays hôte qu’ils n’en profitent. Mais par un populisme bigot et barbare, un petit nombre d’occidentaux ont trouvé une note qui harmonise leurs dissonances répétitives en des migrants africains. Cela ne donne néanmoins aucun grade à une telle réclamation.

Si nous avons objet à soulèvement, c’est parce que le Cameroun ne nous donne pas le choix. Le Nigéria – qui n’est pas sainte sous le soleil – connait ce que le mot alternance signifie. Nous y revenons tout-à-l’heure. Voulez-vous parler d’une diaspora disgracieuse ? Votre modèle du Nigéria a été interdit de concourir pour la loterie américaine sous le régime d’Obama. Savez-vous pourquoi ? A cause d’une fraude haut-de-gamme constatée dans ce pays. Le Cameroun est encore bien reçu par cette loterie. Revenons donc à l’alternance.

Le Nigéria connait l’alternance. L’Egypte la connait. La Côte d’Ivoire, le Congo Démocratique, l’Afrique du Sud, la Gambie, etc. etc.. Aucun de ces pays n’a jamais été aussi humilié par une instance internationale comme nous les camerounais l’avons été. En fait, pourquoi vous donner autant d’intérêt ! Non, j’aurais voulu avoir un vis-à-vis en face, mais hélas. L’on consacrerait du temps à une oreille qui discerne des signaux annonciateurs.

Alors, si vous le pouvez, ayez la décence de vous informer davantage, pour ne pas vous risquer à produire des bruits prématurés. En plus, gardez l’émotion hors de votre micro. Vous grandirez certainement.