DYSFONCTIONNEMENT : Elle veut 500 millions à cause du meurtre de son fils à Kondengui
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Un prévenu âgé de 25 ans avait été assassiné à l’aide d’un poignard par un autre prisonnier au sein du pénitencier. Sa mère et ses frères ont saisi la justice pour se faire indemniser par l’Etat. Le ministère de la Justice et le ministère public veulent bloquer le procès. Mais les juges ont décidé de poursuivre l’examen de cette affaire.

L’affaire ayants-droit de feu Baye Samuel contre le ministère de la Justice (Minjustice) sera tranchée par le Tribunal administratif de Yaoundé. Ainsi en ont décidé les magistrats en charge du dossier le 15 janvier 2019 lors de l’audience liminaire consacrée au litige. Pour cette première sortie, la juridiction était appelée à statuer sur «l’exception de compétence » soulevée à la fois par le Minjustice, mis en cause, et le parquet général, qui estiment que les faits pour lesquels ce tribunal est saisi ne peuvent pas y être jugés. Au bout du débat, le collège des juges a plutôt pris le contrepied du Minjustice et du parquet. Il s’est déclaré apte à connaître de l’affaire. Le jugement au fond fera l’objet d’une audience ultérieure.

La requête est portée par une famille ayant à sa tête Mme Baye Alice Erim, génitrice de feu Baye Samuel, un homme de 25 ans froidement assassiné dans les locaux de la prison centrale de Yaoundé-Kondengui le 20 juin 2015. Le crime est attribué à un certain Noah Cyrille, condamné, qui purge sa peine dans le même cachot. D’après la dénonciation, Samuel Baye avait été placé en détention provisoire dans ce pénitencier le 18 mars 2015, trois mois avant sa soudaine disparition dans le cadre d'une procédure judiciaire mise en mouvement contre lui. Il y séjournait «paisiblement» aux dires des siens, en attendant de passer en jugement. Il n’a malheureusement jamais eu l’occasion de plaider sa cause.

Surprise par un coup de fil annonçant son décès, sa famille, qui lui avait rendu visite la veille du jour fatidique sans noter le moindre problème de santé, va s’organiser pour cerner les causes de la mort soudaine du jeune homme.

Dépouille scellée

En fait, le malheureux avait reçu de nombreux coups de poignard de la part d’un codétenu. A leur arrivée en prison, les proches de Samuel vont donc découvrir son corps gisant dans une mare de sang. Ils apprendront des responsables de l'administration pénitentiaire trouvés sur les lieux les circonstances du drame : suite à une dispute, un condamné dénommé Cyrille Noah venait de faire usage d'un couteau pour abréger les jours de son adversaire. «Le certificat de décès et de genre de mort» que va leur délivrer le médecin de la prison atteste que le décès est survenu des suites d'un «arrêt cardio-respiratoire» consécutif à une hémorragie interne due à des plaies thoraciques multiples faites par un couteau. camer.be. Un temps scellé à la morgue de la garnison militaire de Yaoundé par le procureur près le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi pour des besoins d’enquêtes, le corps sera finalement remis à la famille le 25 juin 2015 pour inhumation. Ce sera fait le 2 juillet 2015 au lieu-dit Ngoulmekong non loin de la bourgade de Soa.

Pour cette famille qui se dit depuis lors inconsolable et traumatisée par le «départ prématuré » de son fils promis à un «brillant avenir», «la responsabilité de l’administration pénitentiaire est engagée». D’après les ayants-droit de feu Baye Samuel, les dispositions de l’article 37 du décret du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun sont claires : le mis en cause, par ailleurs déjà «condamné pour assassinat» n’aurait jamais dû se retrouver en possession d’un couteau dans une «prison d’Etat» où il est incarcéré et censé faire l’objet de fouilles régulières visant à débusquer tout objet prohibé en sa possession. Ils soutiennent en outre que l’article 20 du même texte fait obligation à l’administration pénitentiaire de maintenir séparés les détenus déjà condamnés et les prévenus.

Pour eux, au mépris de cette exigence, les responsables de la prison ont laissé cohabiter dans un même local «un condamné dangereux » traînant une réputation de «Killer» dans cet univers carcéral et un «prévenu présumé innocent». Face à ce qu’elle considère comme un «mauvais fonctionnement de l’administration pénitentiaire», qui n’a d’ailleurs jamais fait preuve de compassion à l’égard de la famille du défunt, Mme Baye Alice Erim et sa progéniture constituée de trois filles et d’un garçon, tous des cadets du disparu, ont saisi le tribunal pour obtenir réparation de ce qui est arrivé à Samuel. Ils sollicitent une indemnisation à hauteur de 500 millions de francs en vue de couvrir les préjudices matériel et moral qu’ils disent avoir subis.

Indemnisation

Lors des échanges devant le collège des magistrats la semaine dernière, l’avocat de la famille était face au représentant de l’Etat pour qui, la juridiction administrative a été mal saisie. Pour lui, c’est le tribunal de grande instance (TGI) qui est compétent pour connaître de ce type de litige. Le Minjustice ajoute que la famille de feu Baye s’abstient de mentionner dans sa dénonciation qu’elle a initié une «procédure criminelle» contre Cyrille Noah, procès par ailleurs pendant devant le TGI du Mfoundi à qui il revient «la responsabilité de l’indemnisation des victimes directes et indirectes d’un tel crime».

C’est un son de cloche identique qui est venu du banc du ministère public. L'info claire et nette.  Le magistrat intervenant pour le compte du parquet général fait comprendre qu’au regard des dispositions de l’article 2 de la loi du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs, la juridiction est incompétente. Cet avis est balayé d’un revers de main par l’avocat des ayants-droit de feu Baye Samuel qui rappelle que le «recours en indemnisation» de la famille du défunt ne porte pas sur une infraction d’ordre criminelle mais plutôt sur des «faits dommageables résultant d’une faute de service». C’est aussi cette opinion qui a emporté la conviction des juges lors du premier round de l’affaire.

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