CONTROVERSE : L’affaire du riz Broli devant le juge pour «fausses nouvelles»
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Lasse de voir son image tourner en bourrique sur les réseaux sociaux, l’entreprise qui commercialise les produits agroalimentaires estampillés Broli et Armanti vient de saisir la justice pour obtenir la condamnation de ceux qu’elle considère comme ses détracteurs. Jean-Marc Ngoss et Delor Magellan Kamseu Kamgaing sont traînés devant la barre.

Le riz et les autres denrées alimentaires commercialisés par la société Africa Food Distribution (AFD) sous les labels Broli et Armanti sont-ils des produits de bonne qualité ou recèlent-t-ils, comme certains le font croire, des composants impropres à la consommation humaine? Cette interrogation et bien d’autres trouveront réponse devant le juge correctionnel du Tribunal de première instance (TPI) de Douala-Ndokoti dans les jours à venir dans ce qu’il convient de nommer le Broligate. Ainsi en a décidé la société AFD pour contrer la polémique lancée sur les réseaux sociaux tendant à dénigrer la qualité de ses produits. En dépit de la mise au point de Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce qui a rassuré l’opinion publique sur «la bonne qualité» du riz Broli, au terme d’une réunion avec les responsables de AFD le 3 janvier 2019, l’image de l’entreprise a pris un sérieux coup. C’est la raison pour laquelle M. Helle Evariste, son administrateur général, a saisi la justice.

AFD veut en découdre avec ceux qu’elle considère comme ses détracteurs, les auteurs de vidéos et messages qui ont déclenché la polémique le 28 décembre 2018. Il s’agit de M. Ngoss Jean-Marc, leader politique, et M. Kamseu Kamgaing Delor Magellan, président de la Ligue des consommateurs (LCC), entre autres. Ils sont accusés des faits de diffamation, fausses nouvelles et propagation de fausses nouvelles dans une plainte dont votre journal a obtenu copie. Une plainte au centre d’une enquête ouverte depuis quelques jours à la légion de gendarmerie du Littoral à Douala. AFD, faut-il le rappeler, commercialise le riz Broli, le riz Armanti, la margarine Broli, le spaghetti Broli, le lait Broli, et bien d'autres produits qu’affectionnent sa clientèle aussi bien au Cameroun que dans la sous-région Afrique centrale.

Test empirique

C’est cette position de choix «incontestable» dans l'industrie agroalimentaire qui est, selon le patron de l’AFD, à l’origine de certains de ses déboires. D’après AFD, ce leadership l'expose à des agressions de toutes sortes dont elle a pris l’habitude de s’accommoder «parfaitement». Seulement, regrette le patron de l’entreprise, elle se sent contrainte de riposter face à ce qu’elle appréhende comme des «attaques virulentes […] d’un autre genre» se caractérisant par une prise à partie systématique des principaux produits de son activité. Au rang de ses attaques, la société pointe le doigt vers deux «séquences vidéo» qui ont inondé la toile et se sont répandues telle une traînée de poudre sur Facebook et WhatsApp le 28 décembre 2018.

Une de ces séquences présente Jean Marc Ngoss brandissant un sachet de riz Broli de 5kg et qui, selon lui, est un «aliment importé non contrôlé» responsable des morts par suite «d'AVC» et des «faiblesses sexuelles». Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. Dans l’extrait largement partagé à travers lequel il s’est livré à un prétendu «test empirique» dans son domicile, il demande aux Camerounais de boycotter lesdits produits qui seraient, selon lui, constitués de plastique. A sa suite, Delor Magellan Kamseu Kamgaing, va publier sur Facebook, une série de trois messages ayant pour socle une vidéo fustigeant la «qualité douteuse » du riz Broli, réclamant le retrait du riz Armanti des étals de commerce, les spaghettis, les sardines et les margarines tous ou presque susceptibles d’être cancérigènes. Dans l’un de ses messages, le leader de la LCC appelle les consommateurs à boycotter lesdits produits «pour garantir leur santé».

Pour la société, ces publications, qui ont fait l’objet de dizaines de partages et de plusieurs centaines de vues à travers le monde n’avaient pour seule finalité que de «dénigrer ses produits auprès des consommateurs» au cours d'une période hautement festive, alors qu’elle est détentrice de divers certificats de conformité garantissant la fiabilité de ses denrées. Elle conclut sa dénonciation en affirmant que ces «allégations infondées et diffamantes » démontrent à suffisance «l'intention mûrie des auteurs et de toute autre personne tapie dans l'ombre, de porter atteinte à l'image de marque des produits de la société AFD, ceci afin de l'éliminer du marché». Ce sont ces faits qu’elle veut faire sanctionner avec la plus grande sévérité par la chambre correctionnelle du TPI de Douala-Ndokoti.

Questionné par votre journal sur ce qu’il pense des suites de son «test empirique», M. Ngoss, qui est considéré comme le lanceur de cette «alerte», affirme qu’il attendait une démarche moins «belliqueuse» de l’entreprise. «Je m’attendais à ce qu’elle me rassure et rassure le peuple camerounais qui se reconnaît dans ma démarche citoyenne. Je n’ai aucun intérêt à nuire à un opérateur économique qui emploie certains de nos compatriotes. Ma démarche a été celle d’un consommateur outré et stupéfait… »

Joint par votre journal, Delor Magellan Kamseu Kamgaing a signalé qu’il n’a plus rien à voir avec la procédure judiciaire enclenchée par AFD. «L’AFD m’a retiré de la procédure après avoir constaté ma bonne foi. Donc, je n’ai pas été convoqué comme l’auteur de la vidéo», a-til écrit dans le message qui nous était destiné. A signaler que la LCC s’est récemment illustrée dans le même type d’attitude décriée par l’AFD dans l’affaire opposant les deux groupes d’actionnaires de l’entreprise Nexttel. Tout se passe comme si la Ligue agit avant de réfléchir.

Démission du Gicam

Sur le fondement de cette même affaire, la société AFD, qui se fait également appeler Africa Food Manufacture (AFM), a décidé, le 8 janvier 2019, de résilier son adhésion au Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), une association constituée d'entreprises, de syndicats et de groupements professionnels. Selon AFM qui se dit «la cible de plusieurs campagnes de diffamation et de manipulation orchestrées par un acteur mauvais-perdant, dont la seule stratégie se résume à l’hégémonie quasi monopolisée », le Gicam s’est muré dans le silence. C’est ce qui fait dire à son dirigeant s’adressant à M. Tawamba Celestin : «Monsieur le président, votre silence aussi complice que coupable a fini de nous convaincre de ce que nos intérêts n’étaient plus liés et par ricochet, celui des 600 emplois directs que nous avons jusqu’ici crées.» Bon à savoir : l’une des entreprises de M. Tawamba est concurrente directe de l’AED. Le soupçon de concurrence déloyale est donc à peine voilé.

Le lendemain, le Gicam a pris acte du voeu de AFM de quitter le navire à travers une correspondance signée de M. Alain Blaise Batongue, secrétaire exécutif du groupement. Dans cette lettre, le Gicam affirme n’avoir jamais été saisi d’une «quelconque demande d’intervention» de la part de AFM «au cours des derniers mois sur quelque dossier que ce soit», rappelle que par le passé, le groupement a toujours donné suite aux requêtes de la société avant de clore son propos en indiquant son rôle et ses missions… Ce n’est pas la première fois que le Cameroun est au centre du type de campagne dont se plaint aujourd’hui l’AFD. L'info claire et nette. Il y a deux décennies, un releveur de goût du nom de Adjinomoto, produit d’origine japonaise, avait subi les mêmes foudres avec d’ailleurs l’implication du ministère camerounais de la Santé publique. Le ministre Joseph Owona avait dénoncé la qualité de ce produit dans le cadre d’une mise au point virulente, laissant entendre que Adjinomoto était impropre à la consommation.

L’importateur du produit et l’Ambassade du Japon avaient protesté et un incident diplomatique était en vue. Cette réaction fut inutile, Adjinomoto n’a plus jamais trouvé sa place dans le coeur des consommateurs alors que la preuve de sa mauvaise qualité n’a jamais été faite.

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