Rigobert Song et le patron d’Express Union se disputent un lopin de terre
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L’ancien footballeur et le promoteur des établissements financiers Express union revendiquent, chacun, la propriété d’une parcelle de terre sise au quartier Golf à Yaoundé. Le footballeur veut faire annuler le titre de propriété de son adversaire obtenu longtemps après le sien. Le tribunal ordonne une enquête pour les départager.

A qui reviendra finalement le lopin de terre que Rigobert Song Bahanag, ancien capitaine des Lions indomptables et Albert Kouinche, député à l’Assemblée nationale, également patron de la société Express union, se disputent au quartier Golf à Yaoundé? Nul ne le sait avec certitude, l’affaire n’ayant pas encore livré toutes ses surprises. Pendant devant le Tribunal administratif de Yaoundé depuis 2017, le dossier a fait l’objet d’un examen public le 4 septembre 2018 lors de l’audience inaugurale de l’affaire, en présence des avocats de chaque camp et du ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), fabricant des deux titres fonciers dont se prévaut chacun des acteurs pour fonder ses droits sur le terrain querellé. Les deux célébrités du sport et du milieu des affaires et de la politique font feu de tout bois pour garder le contrôle sur le lopin de terre situé à un jet de pierre de la résidence de Paul Biya, le chef de l’Etat. A l’issue de l’audience, le tribunal penche pour une expertise domaniale et cadastrale sur le site en litige.

Dans son recours du 20 février 2017, le footballeur espère l’annulation pour fraude du titre foncier n°45703/Mfoundi appartenant au député Rdpc sur un terrain qui lui appartient. Il raconte que sous le prétexte de l’exécution d’une décision de justice, la succession Edoa Essono, autochtone du quartier Golf a accaparé des lotissements de la Mission d’Aménagement et d’Equipement des terrains urbains et ruraux (Maetur) auprès de laquelle il a acquis son terrain, le 3 septembre 2007, et les a cédés à des tiers en violation des dispositions légales, notamment l’article 2 alinéa 6 du décret du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, entre autres.

Recours tardif

Bénéficiaire du titre de propriété ciblé par l’annulation, l’honorable Kouinche a, lui aussi, saisi la juridiction d’une requête (intervention volontaire) à travers laquelle il soutient qu’en application des décisions de justice prononcées en faveur de la succession Edoa Essono, le titre foncier n°27253/Mfoundi établi au profit de la Maetur a été modifié par extraction de la parcelle de terre réclamée par la succession. Il a acquis un morceau de ce terrain le 17 mai 2013 par devant notaire. C’est cette opération qui a généré le titre foncier au centre de la controverse. L’homme politique juge le recours introduit par son contradicteur tardif parce que ce dernier a, selon lui, eu connaissance de l’existence de son titre foncier en juin 2015 lors d’une procédure en suppression d’ouvrages qui les a opposés devant le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif. Pour lui, en saisissant le ministre des Domaines d’un recours gracieux préalable 15 mois plus tard, soit le 21 septembre 2016, M. Song Bahanag est hors du délai de trois mois que lui octroient les dispositions de l’article 17 de la loi du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.

L’opérateur économique allègue enfin que le tribunal ne peut annuler son titre foncier alors que l’acte de vente sur lequel il repose n’est pas contesté. Rengaine identique du côté du Mindcaf, qui appelle également au rejet de l’action de l’ex locataire de la tanière des Lions indomptables pour forclusion. Lors des débats, Me Song Sébastien s’est employé à convaincre les juges de ce que son client n’était pas au courant de l’existence du titre foncier critiqué. Raison pour laquelle il a adressé des correspondances à quelques autorités pour en savoir davantage, des lettres par ailleurs restées sans réponses. Le représentant du Mindcaf et Me Piendjo Désolice Magloire, avocat d’Albert Kouinche, allèguent, quant à eux, du contraire. Ils soutiennent qu’en adressant tour à tour une correspondance au directeur général de la Maetur le 18 juin 2015, avec pour objet « Demande de renseignements » sur le titre foncier litigieux et au notaire instrumentaire de la vente de terrain effectuée à son profit, le footballeur avait pleine connaissance de l’existence du titre de propriété longtemps avant le déclenchement de sa riposte devant le juge administratif. L’information claire et nette. De même, l’émissaire de l’Etat ajoute qu’au détour de la procédure judiciaire ayant opposé les deux hommes devant le juge de référé du TPI, une reconstitution de bornes a été réalisée et a permis de constater que les titres fonciers n°39281/Mfoundi délivré au profit de M. Song Bahanag et n°45703/Mfoundi octroyé à M. Kouinche Albert sont situés sur le même emplacement. Me Piendjo indique en sus que « point n’est besoin d’avoir la copie du titre foncier pour saisir le juge. On peut saisir le juge avec le numéro du titre foncier. Il y a une forclusion évidente. Le terrain nous appartient, comme l’atteste un certificat de propriété délivré en avril 2018 par le Mindcaf».

« Le terrain nous appartient aussi. Voici notre certificat de propriété signé le 30 août 2018 », s’est écrié Me Song qui explique qu’une vaste étendue de terre était autrefois occupée et exploitée au quartier Golf par trois familles quand le Premier ministre a décidé de la confier à la Maetur pour aménagement, lotissement et commercialisation au profit de l’Etat. Une convention est ensuite conclue entre la Maetur et les populations autochtones, qui se voient attribuer 125 millions de francs et quelques lopins de terre viabilisés. A son entendement, les représentants d’une famille ont floué les autres membres de la collectivité et se sont emparés de l’argent et des parcelles de terre qu’ils ont revendues.

Deals bafoués

« Ces malins sont partis au tribunal munis de la même convention pour obtenir des décisions. Aujourd’hui, 45 faux titres fonciers se baladent au Golf. Certaines personnes ont des titres fonciers sur des immeubles bâtis par des tiers. C’est l’œuvre de ces autochtones. Deux d’entre eux ont été rattrapés par la justice. Ils sont en prison. Trois sont en fuite. C’est un dossier connu à la présidence de la République. Albert Kouinche a été roulé par ces bandits. C’est un terrain vendu trois ou quatre fois. Quand chaque acquéreur se rendait compte qu’il a été roulé, il revendait et laissait la patate chaude au suivant. » « Comment la succession Edoa Essono a-t-elle procédé pour devenir propriétaire du terrain? Y a-t-il eu partage ? A-t-elle obtenu un morcellement de la Maetur? », a questionné M. Anaba Mbo Alexandre, président du tribunal. Me Piendjo réplique que «la Maetur a voulu se jouer des autochtones. Elle a traité seulement avec une des trois familles.

Les autres se sont retrouvés sans rien. C’est eux qui ont rebondi en justice. Le pacte de départ a été dévié à des fins personnelles. Le dirigeant de la Maetur de l’époque, l’actuel ministre de la Santé publique, s’est fait délivrer des titres fonciers avec toute sa famille. Les grosses sont là. Tant qu’elles n’ont pas été annulées, elles produisent des effets juridiques. Qu’est-ce qu’on fera de ces jugements non remis en cause? La Maetur a semé le bordel. Le ministre des Domaines a demandé au délégué départemental de procéder au partage mais, il n’a pas eu lieu. »

A l’issue de cette première audience, le tribunal a ordonné une expertise à double volet. Un volet domanial visant à déterminer le statut juridique dudit terrain et aussi sa disponibilité au moment de l’acquisition par chacune des parties. S’agissant du volet cadastral, la juridiction a commis un expert afin d’être fixée sur la situation géographique du terrain et la superposition alléguée des deux titres fonciers. Affaire à suivre.

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