Conflit religieux - Foumbot : La mosquée de la discorde
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En proie à des affrontements opposants des membres d’une association musulmane d’obédience sunnite, la bataille autour de la mosquée Masjid Salam de Foumban met désormais en opposition les confréries tidjanite, coranite et chiite. Au cœur de l’intrigue, les leaders des confréries locales, le Sultan-roi des Bamoun mais aussi le Sous-préfet de la localité.

Les premières dissensions

L’image est saisissante. La scène se déroule dans l’enceinte de la mosquée Masjid Salam, dans le centre-ville de l’arrondissement de Foumbot. Au cœur d’un prêche, deux hommes se lèvent, interrompent le prêche de l’imam et appellent à un soulèvement contre l’équipe dirigeante. Dans l’église de confession musulmane, un groupe d’hommes plus important en nombre se dressent et tentent d’empoigner les deux premiers. Puis, quelques imams, reconnaissables à leurs costumes s’interposent entre les deux groupes et essayent de calmer la tension qui déjà s’est emparée de la mosquée. Cette vidéo qui circule dans certains réseaux sociaux date du 03 février 2017.

Comme celles révélant les altercations qui se sont déroulées le 2 octobre 2017 puis le 13 octobre de la même année, elles donnent la mesure de la situation qui prévaut dans cette ville de la région de l’Ouest à forte connotation musulmane. Une dispute qui oppose désormais de nombreuses confréries musulmanes présentes dans cet espace. A l’origine, la dispute qui, quelques fois a connu des rixes à l’arme blanche et la mobilisation des forces de sécurité autour de l’édifice religieux, oppose deux groupes issus de l’Association musulmane pour la paix et le développement (Ampd). Les deux principales factions sont menées par les nommés Ngoudam Soulé et Ntieche Séïdou qui réclament la paternité de la mosquée à polémique ainsi que la philosophie originelle de la confrérie tandis que leurs confrères Njikam Amadou et Youoyouone Mama accusent le premier groupe de malversations financières.

Après la fermeture de la mosquée le 20 octobre 2017,-par le Sous-préfet de Foumbot, Julien Eymard Plong- puis sa réouverture décidé le 28 février 2018, l’accalmie ne semble pas au rendez-vous. Pis, la bataille pour la mosquée du quartier « Petit-Paris de Nkouondja» implique désormais les disciples des autres communautés musulmanes-Tidjanites, Koumkoum (branche coranite locale) ainsi que les chiites.

Les premières dissensions apparaissent entre les années 2000 et 2002 autour d’un financement octroyé par l’Ong koweitienne « Revival survival of islamic heritage ». Les deux principaux groupes issus de l’Association musulmane pour la paix et le développement s’opposent alors sur des fonds estimés à un milliard de Francs Cfa. A cette époque, la communauté sunnite de Foumbot occupe encore une modeste mosquée située à proximité de la prison de la ville de Foumbot. Le groupe conduit par le nommé Njikam Amadou accuse alors Ntieche Seïdou et les siens d’avoir perçu un financement au nom de l’association pour l’utiliser à des fins personnelles.

2-Financements

En 2016, des accusations similaires circulent. Cette fois, il est reproché à Ntieche Séïdou et ses partisans d’avoir perçu la somme de 170 millions de Francs Cfa de quelques donateurs arabes. Des suspicions qui seront renforcées par la visite rendue à Ntieche Seïdou -ancien directeur local de l’Ong koweitienne, Revival islamic heritage society - par un Cheikh saoudien. Au terme de cette visite qui intervient à la fin du mois de janvier 2017, le leader associatif est accusé d’avoir gardé par devers lui la somme de 80 millions de Francs Cfa. Approché, le co-fondateur de l’Association musulmane pour la paix et le développement met en exergue la promotion des valeurs « cardinales » de l’Islam ; la lutte contre la délinquance juvénile ainsi que la pauvreté par la promotion des microprojets comme priorité de son œuvre. Du reste, Ntieche Seïdou explique que « les donations à polémiques sont des aides apportées à l’individu Ntieche Seïdou à titre personnel. »

Quoique sous le coup de nombreuses accusations, cette source ne donne aucune indication sur la somme exacte des « aides » perçues. Un nouvel épisode se joue dans la communauté musulmane du Noun depuis le 28 février 2018. Fermée sur décision du sous-préfet de cette localité le 20 octobre 2017 pour cause de menace à l’ordre public - bagarre à mains armées à la mosquée -, la mosquée rouverte à la fin de l’année 2017 suscite de nouvelles tensions dans la communauté musulmane.

Sous la férule du Conseil supérieur islamique du Noun et sa diaspora (Cosind), le Sultan-roi des Bamoun a décidé par un acte royal d’installer Njikam Amadou et ses partisans à la tête de la mosquée Masjid Salam de Foumbot. Un acte entériné par le Souspréfet de Foumbot. Julien Eymard Plong, dans sa décision du 28 février 2018, soutient que « Ladite mosquée fonctionnera désormais conformément aux actes royaux du Sultan roi des Bamoun, chef spirituel de l’islam dans le département du Noun, président du Conseil supérieur islamique du Noun et sa Diaspora (Cosind). » En outre, menace la décision préfectorale :

« Tout contrevenant à la présente décision s’expose à une sévère répression conformément à la loi. » Ntieche Seïdou et les siens qui revendiquent leurs légitimités dans l’exécutif de l’Association musulmane pour la paix et le développement ont d’ores et déjà lancé la riposte. A travers un « recours gracieux » servi par un cabinet d’avocat, l’Ampd dénonce l’immixtion du sultan des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya ainsi que la posture du Sous-préfet de Foumbot, Julien Eymard Plong. Dans la correspondance dont Le Messager a eu copie, l’Association musulmane pour la paix et le développement met en relief le fait que « Les mentions de ladite décision renseignent que Monsieur le Souspréfet s’est arrogé le droit d’affecter un bien dont nul ne saurait y contester la propriété de requérant à un tiers. » Un argument que l’Ampd soutient sur la base d’un certificat de vente de terrain du 27 août 2013. Une acquisition de l’Association musulmane pour la paix et le développement représentée par Ntieche Seïdou dans la transaction avec le nommé Njankouo Soule.

L’Association musulmane pour la paix et le développement qui nie toute affiliation au Conseil supérieur islamique du Noun et sa diaspora invoque aussi les données factuelles et juridiques qui «ne justifient nullement pas la pérennisation d’un tel acte » et appelle à son annulation par le signataire.  

3-Juridictions polémiquées

Convoqué par le Sultan comme l’indiquent de nombreuses sources dans la hiérarchie du palais de Foumban, l’exécutif de l’Ampd a préféré la voie des juridictions « compétentes ». L’association indique à ce sujet que « nous ne voulons pas mélanger un problème qui relève du dispositif institutionnel avec des considérations religieuses et souvent nébuleuses. » Dans cette optique, Ntieche Seïdou et les siens rappellent les dispositions de la loi N°90/053 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d’association ainsi que celle N°90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre. D’autant plus, soutient l’exécutif de l’Ampd, que « les auteurs de la bagarre qui avaient entraîné la fermeture de la mosquée Masjid Salam n’ont jamais été inquiétés, mais ils ont été au contraire récompensés avec des postes de responsabilité dans ladite mosquée. Ce qui laisse croire que la fermeture de la mosquée n’était qu’un prétexte pour changer l’équipe dirigeante. »

Une posture que l’Ampd justifie par le fait que « Le préalable indiqué dans la décision N° 074/D/F32.02/SP portant fermeture de la mosquée stipulait clairement en son article 2 que la réouverture ne se fera qu’après cessation de troubles et retour au calme au sein de cette communauté Sunnite constatés par l’autorité administrative. » Des raisons pour cette faction de remarquer que « Curieusement la mosquée a été rouverte à l’insu de l’une des parties sans qu’il y ait eu une moindre entente entre les deux groupes. » Pour autant, il ne faut pas s’y méprendre. Le conflit qui sévit d’abord dans l’arrondissement de Foumbot et qui s’étend de manière latente dans le département du Noun puise de plus en plus dans les considérations et postures idéologiques des différentes parties. Dans cette affaire où les dons des Organisations non gouvernementales koweitiennes et des confréries saoudiennes sont régulièrement cités, le spectre des confréries Sunnite et Tidjanite couvre la rumeur qui gagne en écho. Il est de notoriété chez les protagonistes de cette affaire qui oppose désormais jusqu’aux populations à la base que l’affiliation Tidjanite du Sultan, Ibrahim Mbombo Njoya, -Calife général de la confrérie Tidjane du Noun-, soit évoqué.

Tout comme « l’hégémonie » supposée ou réelle de la confrérie Sunnite est évoquée sous cape chez les proches de l’Association musulmane pour la paix et le développement. Sur le terrain, le calme semble bien relatif. Comme ce fut le cas le vendredi 30 mars 2018, l’équipe de dignitaires religieux nommés par le Conseil supérieur islamique du Noun et sa diaspora, décidé par le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya a tenu sa prière hebdomadaire tandis que l’exécutif de l’Association musulmane pour la paix et le développement conduit par Ntieche Seïdou a consacré au rituel dans une mosquée « petite voisine ». Dans la réalité, le déploiement sécuritaire « discret », comme l’indiquent des sources proches de la police démontrent à suffisance le climat qui règne dans cette localité. Pour Njikam Amadou et ses partisans, c’est «la justice qui est rendue ». Pour Ntieche Seïdou et les siens « force doit revenir à la loi. » Dans cette perspective est prévue le 6 avril 2018 au Tribunal de première instance de Foumbot. Dans le même temps, la rue bruisse dans la localité. Sous cape, les protagonistes indiquent leur volonté d’en découdre au cas où…

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