Cameroun: Le vieux nègre: pouvoir, obsession du statut, et respectabilité dans la post-colonie
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Cameroun: Le vieux nègre: pouvoir, obsession du statut, et respectabilité dans la post-colonie :: CAMEROON

Le célèbre roman de Ferdinand Oyono, Le Vieux Negre et la Médaille, en dit long sur les pratiques de la filiation et de l’éducation morale, en particulier au Cameroun. Précisément, les rapports humains à l’autorité, à la liberté, à la dissidence civile, à la violence, à l’impérialisme et au pouvoir qui se révèlent opportuns alors que le vieux nègre tente de gagner une autre onction populaire dans le pays.
Ainsi, comment la puissance spectrale de la figure de Meka cristallise et reflète des histoires collectives autour de la formation des esprits et des corps par le contact colonial sur le continent africain. En particulier, comment les catastrophes sont souvent le produit de rencontres traumatiques et des échecs de relations sociales entraînant une transformation radicale de la subjectivité qui démontre que lorsque les relations sociales ne sont pas régulées par une société d’égaux, les relations sociales se dégradent dans un nouvel ordre naturel toxique et tragique d’existence dominé par la stricte hiérarchie, les préjugés, les stéréotypes et la violence.

Et comme l’ont souligné notamment des spécialistes comme Frantz Fanon, Malcolm X et Françoise Verges, il s’agit d’une logique inversée et pervertie du désir, du pouvoir et du statut que le colonisé éprouvait envers le maître colonial et comment dans cet ordre moral corrompu du désir, la recherche du statut et de la respectabilité deviennent la racine du totalitarisme. Par conséquent, ce genre de comportement a plus à faire avec des névroses personnelles qu’à des dynamiques de groupes ou de tribus organisées autour de la ruée vers l’argent et le pouvoir. De plus, cela s’explique par le culte agressif de la personnalité de Paul Biya s’est fabriqué de manière ininterrompue depuis 35 dernières années, après qu’un autre personnage néocolonial et narcissique nommé Ahmadou Ahidjo lui a, de façon inexplicable, donné le pouvoir en 1982.

Cela dit, les gens qui défendent le Cameroun comme un Etat «bulu» ethnofasciste, oublient souvent de mentionner que le Cameroun est une nation de lois écrites et orales), même si ces lois sont corrompues par le despotisme légal de Biya.

De plus, le Cameroun a signé de nombreuses conventions internationales sur les droits humains notamment, qui signifient que lorsque de graves violations des droits de l’Homme sont commises dans le pays, peu importe que ces crimes graves soient commis par un Bulu, un Bassa, un Bamiléké, un Sawa, un Tikar, ou un Guiziga. cela importe peu. La communauté internationale exigera et rendra justice à ce criminel, quelle que soit son origine ethnique.

De plus, les tribalistes ne voient pas comment le désir de pouvoir et de statut l’emportent souvent sur le lien ethnique et communautaire, comme dans Le Vieux Nègre et la Médaille d’Oyono, où Meka représente ce que Hannah Arendt appelle un personnage « ordinaire » ou « banal ». Le fait même qu’une personne apparemment normale puisse devenir un monstre dans le contexte d’une profonde moralité déformée. Un contexte où les facteurs sociaux et institutionnels contribuent à cette distorsion en obscurcissant l’humanité des victimes et des agresseurs, ce que Fanon soutient en disant que la colonisation dégrade à la fois l’oppresseur et l’opprimé.

Ainsi, comment Meka dans son obsession de gagner la respectabilité des maîtres coloniaux a transformé le maître en une force surhumaine à obéir sans d’autre forme de procès. Meka s’est donc séparé de ses terres et a donné deux de ses enfants à l’effort de guerre français pour ne finir avec rien, mais dans la misère pour lui et sa femme. Dans ce contexte perverti donc, Fanon et Malcolm X soutiennent que le colonisé ou l’esclave vient à désirer ce que son maître possède. Il veut la maison du maître, la voiture du maître, il veut manger à la table du maître, et il veut même la femme du maître. C’est qans cet environnement là que des gens obéissants et attirés par le narcissisme et l’obsession du statut du maître colonial, souhaitant avoir le même pouvoir et le même statut que lui, ont pu être «récompensés» au moment de l’indépendance factice au Cameroun, alors que les vrais patriotes qui voulaient une véritable indépendance ont tous été décimés par les armées coloniale de la Françafrique.
Le pouvoir, ici, n’a rien à voir avec l’ethnicité et les liens communautaires ou tribaux, mais il est l’émanation d’un pur instrument de pouvoir.

Comme Célestin Monga l’a d’ailleurs souligné dans sa lettre ouverte à Paul Biya, les gens de la propre ethnie de Biya ont été les premiers à souffrir de ses tendances autocratiques, narcissiques, et de son pouvoir bureaucratique administratif; ce qui est vérifié aujourd’hui par le CL2P.

Voilà comment l’indépendance dans la post-colonie n’a pas représenté une rupture radicale avec l’ordre colonial précédent, mais un cache-sexe pour la continuité, dans lequel l’indépendance ne constitue que des changements cosmétiques de modes de domination. Pris ensemble, l’émergence de logiques destructrices que l’érudit français Michael Foessel appelle «la logique du pire» où il critique des formes de rationalité apocalyptique qui se fondent sur la notion de «perte du monde» c’est-à-dire un temps marqué par la perte des idéaux et des liens communautaires, des formes de rationalité et des modèles d’amour qui justifiaient notre existence face aux catastrophes majeures et la tâche urgente de localiser les traditions intellectuelles et culturelles profondes qui façonnent la vie des Africains ordinaires et ce que résume le cinéaste Jean-Marie Teno en Afrique, je te Plumerai (1992).

Pourquoi les sociétés traditionnelles bien structurées ont-elles du mal à se transformer en institutions productives modernes? La réponse a cette question commence par le recyclage de nos ressources traditionnelles pour trouver un semblant de cohérence postcoloniale.

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