Boko Haram : Attentat-suicide, sanglant mois de juin
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Les terroristes ont semé la mort dans notre pays dans un rythme infernal au cours du mois dernier. Retour sur ces barbaries et ses conséquences sur le plan social au moment où le G5 sahel prend forme.

Samedi dernier, la localité de Ngalbi dans le Mayo Sava a été victime d’un attentat terroriste. Les quatre kamikazes qui avaient certainement un plan pernicieux de profiter du marché pour faire un carnage ont été vite repérés. Mais dans leur course vers la mort, ils ont actionné leurs bombes et tué un paisible citoyen.

Jeudi, l’armée a réussi à neutraliser 02 à Kolofata toujours dans la Mayo Sava. Dans la nuit du 26 au 27 juin, selon nos confrères de l’oeil du sahel, des affrontements ont eu lieu entre les populations du village Manigueidé (Afadé) et des terroristes de Boko Haram. 02 villageois ont été tués. Le 27, un militaire camerounais est mort dans une embuscade tendue par Boko Haram dans les environs de Wambeché. Pratiquement chaque jour de mois de juin offre son lot de désolation.

Mais comment ne pas évoquer ce carnage du 21 juin où 10 morts (08 civils et 02 kamikazes) ont été enregistrés lors d’un double attentat-suicide survenu à Kolofata au moment de la rupture du jeûne. Le 15 juin à Limani, c’est une enfant de 03 ans qui avait été tuée dans un attentat-suicide. Le 2 juin, 11 Camerounais qui ne demandaient qu’à vire ont été arrachés à la vie à Kolofata. Ce bilan presque journalier attriste, puis inquiète.

Depuis  2011, ils sont des milliers à mourir. La guerre fait donc rage. Il ne faut surtout pas l’oublier. Mais le plus inquiétant, c’est la banalisation de ces vies. Au début de la guerre, chaque mort réveillait notre humanisme, notre sursaut patriotique, notre solidarité. Mais l’eau a coulé sous les ponts depuis le premier attentat sur le sol camerounais. Aujourd’hui, même les médias ne s’y intéressent que de façon marginale, du mois une bonne partie.

Et pourtant, cette partie du Cameroun, à cause de cette insécurité vit une situation difficile. Au plan, social. La résilience s’essouffle. Une pauvreté indescriptible s’est installée là-bas. Au cours du mois de ramadan dernier, certaines familles vivent uniquement de la charité de certains fidèles qui, à chaque rupture du jeûne, offrent à manger aux abords des mosquées. « Il y a des chefs de familles qui viennent avec des assiettes pour avoir de quoi manger avec sa femme et ses enfants », témoigne notre source.

Cela est d’ailleurs visible. Les menus sont presque les mêmes : de la bouillie, souvent sans ingrédients, du couscous et pour les privilégiés un peu de beignets de farine. Les pattes et autres viandes sont l’apanage de l’élite. Les mendiants se multiplient, y compris dans la nuit. D’autres ont deux repas par semaine. Pas plus.

En zone rurale, l’on n’est pas loin d’une crise humanitaire. Les témoignages collectés sur la situation dans le département de Mayo Sava donnent froid au dos. « Il y a des déplacés internes qui ont pris leur quartier dans des abris de fortune. Quand il pleut, ils se mouillent avec leurs enfants. C’est une image pathétique ces femmes affamées avec des nourrissons qui ne cessent de pleurer.

Finalement, il vaut mieux être refugiés que déplacés internes. Les réfugiés sont pris en charge par des Ong internationales », explique ce journaliste. Ils n’ont ni vêtements, ni sanitaires, encore moins de possibilités de soigner. « Ces gens ont besoin de se sentir humain avant toute chose », lâche un humanitaire qui travaille dans la zone. Les éleveurs de bovins toujours dans le même département se sont vu du jour au lendemain déposséder de leurs bêtes.

« Il y a des gens qui, le  matin sont des richissimes avec des centaines de boeufs et le matin pauvres comme un rat d’église parce que victimes de vols. Les Boko Haram ou même d’autres entités difficiles à identifier procèdent à une sorte de razzia. La pauvreté s’est installée », constate Abbo, enseignant dans cette unité administrative.

Il fait un diagnostic de la situation. « Le mayo Sava est un département dont les jeunes sont les plus désoeuvrés. Ils ne sont pas formés. Ceux qui ont été à l’école n’ont pas eu accès à un emploi décent. Leurs activités consistaient à faire du commerce avec le Nigeria. Une bonne partie vendait le carburant zoua zoua. C’est avec ces activités qu’ils nourrissaient leurs familles, y compris leurs parents.

Et puis du jour au lendemain, le commerce de zoua zoua est interdit, l’échange avec le Nigeria n’est plus possible. Plus grave, certaines ont été contraints de quitter leurs villages à cause des attentats et autres actes terroristes. Ceux qui savaient faire de l’agriculture ne peuvent plus la pratiquer. Car, il n’est plus possible d’aller au champ. Bien plus, pour des raisons sécuritaires, l’on empêche de voir pousser le mil. Car, les combattants de Boko Haram profitent pour s’y cacher », dit-il. Tous vivent des dons dont il faut rationnaliser la distribution. « J’ai quelques membres de ma famille non loin de Memé dans le Mayo Sava. Une fois j’ai donné à un père de famille la somme de dix mille fcfa lors d’une visite, il m’a juré que la dernière fois qu’il a tenu entre ses mains ce montant remonte à plus de trois ans. Je n’en revenais pas.

Mais il était sincère. Un ami m’a dit que pour donner de l’argent à partir d’un certain montant, il faut préparer la personne psychologiquement », témoigne un commerçant.

39 002 ménages déplacés

Les chiffres publiés en mars dernier par l’organisation internationale pour les migrations témoignent à suffisance de la délicatesse de la situation. 223 642 déplacés ont été enregistrés. Il s’agit en fait de 39 002 ménages dont 51% sont de femmes. A savoir que 19% de ces personnes vivent dans des habitations spontanées. 2% vivent même en plein air avec femmes et enfants défiant les intempéries. 62% de ces déplacés passent des journées entières sans manger. 50% vendent les biens de la famille pour satisfaire le besoin alimentaire.

Des villages se sont donc vidés. Dans le Mayo Sava, 15 villages n’ont plus d’habitats, 26 dans le Logone et Chari. Il faut peut-être un vrai plan Marshall pour sauver cette région.

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