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© AFRIKSURSEINE : Laure CATHY
- 13 Jun 2025 15:01:52
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FRANCE :: LE FILM INDOMPTABLES DE THOMAS NGUIJOL, UN POLAR A LA CROISEE DES DOULEURS SOCIALES
Un film inspiré de faits réels
Dans Indomptable, Thomas Ngijol délaisse l’humour pour explorer un territoire plus grave et méconnu du cinéma francophone : celui d’un polar social pénétré dans la réalité africaine, plus précisément celle d’une Côte d’Ivoire et d’un Cameroun que l’on voit rarement filmés avec autant de justesse, de dureté et d’humanisme. Ce long-métrage puise son inspiration dans le documentaire « Un crime à Abidjan », un reportage poignant sur les enquêtes policières en Côte d’Ivoire, marqué par la violence, les bavures et les failles du système judiciaire. Thomas Ngijol reprend, presque mot pour mot, certains dialogues de ce documentaire oublié, qu’il ressuscite avec courage et talent à travers une fiction profondément touchée par le réel. Il ne s’agit pas ici de faire du sensationnel, mais de montrer, sans fard, les mécanismes d’un État où l’institution policière tangue entre rigueur et corruption.
Un commissaire pris en étau
Au cœur du récit, le commissaire Billong, interprété par Thomas Ngijol lui-même, est un personnage complexe, tiraillé entre son rôle de père et celui de fonctionnaire. Ce n’est pas un héros invincible, ni un justicier au-dessus des lois. C’est un homme, simplement, qui tente de faire son travail avec honnêteté dans un environnement qui ne lui fait pas de cadeaux. Il doit aussi affronter sa propre impuissance dans sa sphère privée, notamment face à ses enfants avec qui la communication semble rompue. Le film met en lumière ce dilemme permanent : faut-il se salir les mains pour faire cesser la violence ? Peut-on encore exercer l’autorité sans violence dans un système violent ? Ce sont ces questions, simples et profondes, que Indomptable explore avec une sobriété percutante.
Un réalisme brut et sans artifice
Indomptable brille par son authenticité. Tourné dans des décors naturels, avec un casting presque entièrement local et non professionnel, le film donne à voir une Afrique quotidienne, loin des clichés touristiques ou des représentations folkloriques. Seule la présence de Thomas Ngijol nous rappelle que nous sommes devant une fiction tant l’ensemble sonne vrai. On sent que le projet est nourri d’observations fines, voire d’expériences vécues. Pour ceux ayant grandi ou vécu en Afrique centrale, certaines scènes résonnent comme un miroir brutal. Certes, quelques passages souffrent d’un jeu inégal – certains acteurs ne sont pas toujours à l’aise devant la caméra – mais cette légère fragilité confère aussi au film une humanisme rare. Rien n’est lisse, tout est vrai, incarné, vécu.
Un virage audacieux dans la carrière de Ngijol
Connu pour son humour tranchant et son autodérision, Thomas Ngijol surprend ici en endossant un rôle sérieux, grave, émouvant, sans jamais tomber dans le pathos. Son accent camerounais, souvent moqué dans ses sketchs ou films comiques, devient ici une marque de son identité , presque un symbole d’enracinement. Il ose un cinéma de rupture, un changement de registre salué à juste titre par la critique comme par le public. On sent chez lui une volonté sincère de raconter une histoire de l’intérieur, en tant que fils du pays.
Une lecture sociale et politique
Indomptable est aussi une lecture de la société camerounaise contemporaine, entre fossé générationnel et fracture technologique. La famille y est traitée avec la même attention que l’enquête policière : le père n’est pas écouté, le respect de l’autorité vacille, et la distance entre parents et enfants ne tient pas seulement à l’âge mais à une incompréhension plus profonde du monde actuel. L’importance donnée aux personnages féminins suggère une volonté de représenter une réalité ou de porter un message plus militant : les femmes, souvent en arrière-plan dans ce type de récit, sont ici moteurs, résistantes, lucides. Le film ne tranche jamais totalement entre constat et volonté de changement, mais il fait exister des figures féminines fortes.
Un cinéma africain exigeant, loin des clichés
Avec Indomptable, Thomas Ngijol livre une œuvre dense, engagée et réaliste, à contre-courant du cinéma de divertissement auquel il nous avait habitués. Il propose un regard intérieur, honnête, sur une Afrique urbaine, tendue, vivante, qui cherche à concilier modernité et traditions, autorité et bienveillance, survie et dignité. Ce film, court mais percutant, est un acte de cinéma audacieux. Il propose une vision du polar africain débarrassée des artifices et des postures héroïques. Un film « indomptable », à l’image de ceux qu’il représente. Pour ceux qui aiment les polars sociaux, les récits familiaux profonds et les films qui parlent de l’Afrique sans filtres ni complaisance, il leur faut absolument les voir.
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