Cameroun, Terminal à conteneur: Un contrat à perte pour l’Etat proposé à Bolloré au port de Kribi
CAMEROUN :: ECONOMIE

Cameroun, Terminal à conteneur: Un contrat à perte pour l’Etat proposé à Bolloré au port de Kribi :: CAMEROON

La direction générale du PAK a modifié le projet d’accord d’exploitation du terminal à conteneurs convenu avec Bolloré et ses partenaires. L’Etat perd au passage près de 235 milliards sur les 25 ans de durée de la concession.

Le Medi Lisbon, premier navire commercial accueilli sur les quais du port de Kribi, poursuit tranquillement son chargement de sa cargaison constituée de 27 000 tonnes de copeaux d’hévéa. Ce vraquier battant pavillon singapourien affrété par la société Biocam devrait quitter les berges de Mboro ce jour 29 juin, après une semaine de séjour à quai, pour un voyage qui doit le mener en Irlande. 

Si son arrivée au port de Kribi a été célébrée en grande pompe, le Medi Lisbon n’emporte pas dans ses cales les difficultés de bouclage des contrats d’exploitation et de développement du premier port en eau profonde du Cameroun. Cette première et historique opération technique et commerciale ne doit non plus faire illusion : le dossier de ces contrats est bloqué à la suite des modifications introduites par la direction générale du port autonome de Kribi (PAK) sur la demande du Groupement Bolloré/CMA-CGM/CHEC (BCC). Une histoire bien camerounaise qui retarde encore plus le démarrage officiel et définitif des activités dans les terminaux à conteneurs et polyvalent, et qui pourrait coûter près de 235 milliards de FCFA à l’Etat.

Le port autonome de Kribi est achevé de construction en juin 2014. Mais pour son fonctionnement, l’Etat a choisi de mettre en concession, comme au port de Douala, l’exploitation et le développement des terminaux à conteneurs et polyvalent. C’est ainsi que le Premier ministre lance un processus d’appel d’offres concurrentiel pour sélectionner les partenaires de l’Etat. Pour le terminal à conteneurs, le gouvernement reçoit les offres de APM Terminals BV, BCC et ICTSI Inc. Les termes de références de l’appel d’offres sont techniques mais précis. En effet, les offres finales doivent se conformer à au moins trois exigences. 

D’abord le financement des équipements de la phase 2 pour couvrir les fonds de contrepartie, soit 114 millions de dollars. Puis l’incitation des trafics prévisionnels garantis sur lesquels sera calculée la redevance variable minimale à verser au PAK. Enfin, la redevance fixe assise sur le périmètre à concéder. Au terme d’une procédure qui a fait couler beaucoup d’encre, le Groupement BCC est déclaré vainqueur le 26 août 2015, selon les exigences imposées et analysées par une commission spéciale des marchés publics mise en place par le Premier ministre et présidée par Cyrus Ngo’o, ci-devant chargé de mission à la primature. 

Le coût estimé de ces trois exigences représente un total de 1 298,5 milliards de FCFA sur les 25 ans d’exploitation prévus pour les caisses de l’Etat, précisément du PAK. L’accord de Paul Biya La prochaine étape est la négociation du projet de contrat qui est menée par un sous-comité technique mis en place par le président du comité de pilotage, Louis Paul Motaze, et les plénipotentiaires de BCC. Au terme des négociations, en janvier 2016, deux concessions sont faites au Groupement BCC. Primo : les droits d’entrée de 77 millions de dollars peuvent être versés en deux fois. Deuxio : sur la redevance variable, le Groupement BCC ne garantit plus que 75% des trafics en import/export et en transbordement au lieu des 100% prévus. 

Le contrat de partenariat ainsi ficelé reçoit la non-objection du Carpa (Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariat), l’expert du gouvernement pour les partenariats public-privé, le 2 février 2016. Le 24 août 2016, le plus dur est obtenu: l’accord du chef de l’Etat pour la signature des contrats avec le Groupement BCC pour le terminal à conteneurs et avec le Groupement Necotrans/KPMO pour le terminal polyvalent. Pour la partie camerounaise à cette signature, le comité de pilotage, qui a préparé le contrat, a cédé la place au PAK dont les dirigeants des organes sociaux ont été désignés le 23 août 2016. C’est donc au directeur général Patrice Melom qu’il incombe de poursuivre le processus. Pourtant, le 6 septembre 2016, le DG du PAK annonce au SGPR que la finalisation des contrats est l’objet à quelques propositions de modification, notamment la requalification du contrat avec le Groupement BCC et la relecture de la clause d’équilibre économique et financier de ce contrat.

Patrice Melom ne trouve in fine pas de raison de modifier les termes et clauses du contrat, qui a prévu lui même des possibilités de révision en cas de dégradation de l’équilibre financier. Une perte de temps et d’argent

Le 6 janvier de cette année 2017, Olivier Noray, représentant du Groupement BCC, a demandé d’autres aménagements au contrat. Cette fois encore, le Groupement veut un adoucissement des redevances et un décalage de 12 mois du déboursement de ses contributions pour les fonds de contrepartie liés à la réalisation de la phase 2.

Surprise : le 9 janvier, soit trois jours plus tard seulement, le DG du PAK répond au Groupement BCC pour accepter les modifications souhaitées et même au-delà. Par exemple: la limitation des engagements de BCC en matière de redevance au versement de 50% de son chiffre d’affaires durant les deux premières années alors que BCC avait demandé cette faveur pour la seule première année. Il a sans doute manqué au PAK les négociateurs affûtés qui avaient mené les premières discussions au sein du sous-comité technique mis en place par le comité de pilotage.

L’embêtant est que ces changements font perdre d’importantes ressources au PAK, donc à l’Etat. Le total des redevances sur les 25 ans d’exploitation n’est plus, au regard du contrat aménagé, que de 1063,6 milliards de FCFA au lieu de 1 298,4 milliards dans la version initiale négociée par le comité de pilotage et BCC.

Soit un écart de 234,7 milliards de FCFA. On peut comprendre le silence d’Etoudi depuis que les projets de contrat lui ont été acheminés pour approbation avant leur signature.

Lire aussi dans la rubrique ECONOMIE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo