Des voix engagées s’élèvent en sons dispersés de la diaspora au bercail suppliant ou menaçant Biya de ne pas se représenter en 2018. Ces voix, si elles sont multiples et diverses, se heurtent toutes contre la muraille de feu dressée par le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) qui fait bloc autour de son héros. En effet les voix du RDPC sont plus retentissantes et plus assommantes, et ceci à plus d’une raison.

Les voix du parti au pouvoir sont plus retentissantes d’abord parce qu’elles n’ont que ça à faire. Tous ces ministres, sénateurs et élites du peuple sont des caisses à résonance de l’octogénaire, que dis-je, du centenaire de Paul Biya. Le roi leur donne des ordres et ils s’exécutent sans regimber, parce que ce roi a démontré à plusieurs reprises qu’il maîtrise lui-même tous les principes machiavéliques, et pratique à merveille l’art de la guerre, plus qu’un stratège chinois. Qui ne s’exécute pas subit le sort défini par un général déterminé à imposer obéissance aux troupes. Suivez mon regard.

En termes simples, c’est monsieur Biya qui a instruit ses sujets à informer le monde qu’il se représentera en 2018 et il organisera la présidentielle plus tôt si cela l’amuse. Qu’on cesse donc de se tromper en pensant que cette idée de motions de soutien et d’appels à la candidature de Biya vient des autres leaders du parti, encore beaucoup moins du peuple. Car Biya n’a que faire du peuple. Nous y reviendrons.

La deuxième raison pour laquelle les voix du RDPC sont plus fortes est que la survie de tous ceux qui entourent Biya en dépend étroitement. Si par surprise quelqu’un venait à battre Biya à la présidentielle, tous ces griots qui tournent autour du « roi d’Etoudi » seraient réduits au silence et leurs œuvres seraient dévoilées au grand jour. Par crainte que cela arrive, ils sont donc prêts à tout pour empêcher tout exploit d’un outsider. Et déjà l’on dira que si l’hypothèse selon laquelle ces motions de soutien sont l’œuvre de Biya lui-même pourquoi des jeunes (c’est partitif) pensent aussi que leur candidat à la prochaine présidentielle c’est ce même Biya ?

Premièrement, ce n’est pas une hypothèse. C’est Biya qui est l’auteur de toutes ces pseudo-motions. C’est une certitude et tous ceux qui sont en droit de le savoir le savent, et tout honteusement pour eux. Deuxièmement, ces jeunes sont mus par une émotion parentale envers Biya. Ils sont nés et ont grandi en apprenant que le seul camerounais capable d’être président doit s’appeler Paul Biya. – C’est bien faut en passant. On n’a pas besoin de s’appeler Biya pour être président de la république du Cameroun. C’est aussi faux de penser que Biya est le père de la nation. Il n’est pas le père de la nation. Il est le président de la république et ce poste est rotatoire. Ce n’est ni un titre à but honorifique ni un titre académique pour qu’une seule personne en soit jugée digne à vie. Ce n’est même pas hygiénique de garder un vieillard au pouvoir.

Revenons un peu sur la sincère nostalgie des jeunes. Ils ne sont pas à blâmer. Comment voulez-vous qu’un adulte de trente ans accepte facilement qu’on lui enlève la fausse pendule qu’il a trouvée au salon de son père quand il grandissait, même si cette pendule est poussiéreuse et d’une dégénérescence mortelle ? Cette pendule est devenue l’identité même de la maison, sa marque déposée et ajoutez à cela le vertige de la faim et cet adulte de trente ans ne vous donnera aucune réponse articulée ; il ne vous donnera que la seule réponse la plus facile, à savoir, « laissez-moi ma pendule en place ». Mais si par effet de belle surprise vous remplacez cette pendule avec une nouvelle et fonctionnelle pendule à l’absence de cette personne obstinée, quelle ne sera pas sa joie et quelle ne sera pas sa reconnaissance quand cette personne réalisera qu’elle se privait toutes les merveilles du monde en maintenant de façon écornée le vieil objet en place !

Le plus embêtant dans ce scénario orchestré par ces manipulateurs est que le reste des camerounais tombent dans leur piège. En lançant des appels contre la candidature de Paul Biya n’aura que l’effet contraire.

D’abord c’est un homme qui a oublié comment écouter le peuple depuis des décennies. Tout ce qui le préoccupe c’est lui-même. Il ne supporte pas l’idée d’aller rester quelque part où il n’aura pas des milliers de personnes prêtes à tout pour son bien-être. Pour cela il ne pourra JAMAIS quitter la présidence de son gré. Il va falloir le bouter de là par les urnes. Lui demander de ne pas écouter ceux qui l’appellent à se représenter est une perte de temps. Il se parle à lui-même au travers de ces caisses à résonnance et il écoute l’écho de sa propre voix. Même si vous réussissez à faire taire la voix du parleur, quand l’écho est déjà parti vous ne pouvez plus rien : il retentira. Détrompez-vous donc. Biya va se représenter. Il ne vous prie pas. Il ne vous écoute pas. Vous ne l’intéressez pas.

Deuxièmement, décider à ne pas se représenter maintenant serait un échec notoire de la part de Biya. L’opposition se frapperait la poitrine en disant qu’elle a vaincu finalement. Et Biya ne peut pas supporter voir cela se passer même depuis l’outre-tombe. Pour cela il va faire briller son égo et se représenter aussi longtemps que le clonage le gardera en vie.

Que faire donc ? Laissez Biya tranquille. Correction : ignorez-le. Il en a déjà un peu trop. Son âge le juge déjà chaque matin et n’y ajoutez plus. Plutôt, pendant qu’il se prépare à se représenter, que les camerounais se lèvent et manifestent leur volonté anti Biya aux urnes. Ainsi sa fin sera plus humiliante que s’il partait du pouvoir de son gré. Mais si vous pensez que ce monsieur vous écoutera et il quittera le pouvoir un jour de sa volonté, attendez-vous aussi que le Diable cesse de tenter les hommes. Hors si la nature du Diable c’est inciter au mal, la nature de Biya c’est rester au pouvoir jusqu’à ce que la mort nous sépare. Réussissez à convertir le Diable et vous réussirez à convertir Biya.