Déconfinement virussé
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En empruntant au jargon de la météo, on dirait qu’il s’agit d’une pluie au plus fort d’une saison sèche. En effet, contre toute attente rationnelle, le gouvernement a pris le 30 avril des mesures d’assouplissement en rapport avec la lutte contre le coronavirus. Si certaines étaient attendues et même souhaitées, notamment celles concernant la fiscalité et les obligations sociales, d’autres mesures en lien avec les bars et le transport urbain et interurbain laissent au moins perplexe.

Il faut d’ailleurs constater, et cela ne doit certainement rien au hasard, que ces décisions polémiques figurent en tête du plan visant à soulager les secteurs directement impactés par la crise sanitaire en cours. On apprend ainsi que le gouvernement a décidé de « l’ouverture au-delà de 18h des débits de boissons, des restaurants et des lieux de loisirs, avec obligation pour les clients et les usagers de respecter les mesures barrières, notamment le port du masque de protection et la distanciation sociale ».

De fait, si cette mesure n’émanait pas du gouvernement, elle aurait suscité ou mérité, au mieux, un gros éclat de rire. Les habitués de ces milieux où la concentration humaine et la promiscuité sont très souvent de mise savent que ceux-ci se prêtent très peu à ce type de précautions. L’on est quasiment dans le schéma où l’on demande à un individu de consommer une bière en arborant un masque facial... Le bon sens aurait-il dès lors pris congé dans les rangs du gouvernement au moment d’arrêter cette mesure, ce d’autant que la mayonnaise de la discipline commençait à prendre parmi la population, sur ce point précis ? Rien n’est moins sûr.

Le confinement de fait des populations après 18h était manifestement devenu un caillou dans la chaussure du gouvernement. L’économie informelle qui se développe autour des débits de boisson et ailleurs, laquelle permet à la myriade de gagne-petit de tenir le coup, mais surtout l’enjeu de la consommation de l’alcool, qui noie ou tout au moins inhibe la réflexion sur les enjeux qui engagent l’avenir du pays, ont certainement motivé la prise de cette décision qui dévie de la ligne originelle du gouvernement s’agissant de la lutte contre le COVID-19, elle-même inspirée des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (Oms).

Le prince a donc décidé d’offrir à nouveau le pain et les jeux à un peuple qui n’est pas totalement sorti du paradigme selon lequel le coronavirus est une maladie qui ne tue que les « Blancs » ou ceux qui ont été en contact avec ceux-ci. A voir les scènes de joie à travers le pays, captées notamment par les cameras des médias publics, on peut dire que cette mesure, sans précédent dans le monde, a valeur de pain béni pour de nombreux Camerounais. Mais gare à l’effet boomerang ! Face au tueur impitoyable qu’est le coronavirus, tout déconfinement hâtif ou prématuré se paie en nombre de morts. Tous les Camerounais sont donc individuellement interpellés. La responsabilité de l’Etat est engagée.

Il est d’ailleurs des bars comme des véhicules de transport en commun où la surcharge a repris droit de cité. Souvent au nez et à la barbe des agents de sécurité. Il convient de rappeler à tous que sans discipline collective et individuelle, le coronavirus ne sera jamais vaincu ou tout au moins contenu. Le gouvernement, qui a le monopole de la violence légitime, ne doit pas le brader simplement pour « acheter » la paix sociale. Il doit surtout être cohérent, pour ne pas annuler les défilés du 1er et du 20 mai aujourd’hui et autoriser l’ouverture des bars au-delà de 18h le lendemain.

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