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© lepoint.fr : Marlène Panara
- 19 Mar 2020 02:43:00
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ZIMBABWE :: La réforme agraire de Mugabe est bel et bien enterrée
Une nouvelle réglementation permet de dédommager les anciens fermiers blancs en leur attribuant de nouvelles exploitations. C'est la fin d'une époque.
La réforme agraire a franchi une étape clé au Zimbabwe. Depuis vendredi, les anciens fermiers blancs expropriés pourront être dédommagés de leur perte via l'attribution de nouvelles exploitations. L'annonce du ministre des Terres et de l'Agriculture, Perence Shiri, publiée au Journal officiel, concerne près de 4 500 agriculteurs blancs, et 800 fermes du pays. Désormais, « toute personne […] souhaitant obtenir le titre de propriété d'un terrain agricole qui était auparavant sa ferme peut en faire la demande par écrit au ministre, lequel doit renvoyer la demande au comité » créé pour l'occasion, selon la nouvelle disposition. Cette dernière s'appliquera également aux agriculteurs étrangers dépossédés, dont les pays d'origine ont des accords bilatéraux avec le Zimbabwe, comme l'Afrique du Sud, les Pays-Bas, la Suisse ou encore l'Allemagne.
De nouvelles dispositions agraires…
La mesure a d'ailleurs été saluée par l'ambassade d'Afrique du Sud, qui a affirmé sur la chaîne CGTN Africa qu'il y avait, au Zimbabwe, « un grand nombre de terres en attente d'utilisation ». La rétribution des fermiers se basera sur la valeur des infrastructures qu'ils avaient été forcés d'abandonner, et non sur celle des terrains. Un point sensible qui suscite encore l'ire des fermiers blancs, tout comme le fait que la nouvelle compensation n'est pas automatique. Toute demande peut en effet être rejetée « au motif que son acceptation serait contraire aux intérêts de la défense, de la sécurité publique, de l'ordre public, de la moralité publique, de la santé publique, de l'urbanisme ou de l'intérêt général », explique la réglementation.
… qui prennent à rebours le programme phare de Mugabe…
Avec cette nouvelle mesure, le gouvernement zimbabwéen écrit l'épilogue d'une réforme très controversée dans le pays et au-delà de ses frontières. Pour le journal zimbabwéen iHarare, « Mugabe doit se retourner dans sa tombe ». Car c'est bien l'ancien président qui, en 2000, a lancé le programme de réforme foncière accélérée (FTLRP). Objectif : corriger les déséquilibres entre Blancs et Noirs, déséquilibres hérités de l'époque coloniale. La loi foncière de 1969, promulguée dans l'ancienne Rhodésie du Sud, avait en effet octroyé 15 millions d'hectares de terres agricoles à 6 000 fermiers blancs, alors même que 700 000 familles noires, soit plus de 4 millions de personnes, se partageaient 16 millions d'hectares. Vingt ans après l'indépendance, le FTLRP a redistribué aux fermiers noirs 7,6 millions d'hectares de terres détenues par 4 500 fermiers commerciaux blancs.
… qui a échoué et a entraîné la ruine du pays
Mais, mal formés et sans moyens suffisants, les nouveaux propriétaires ont peiné à faire fructifier les exploitations. La production de maïs, notamment, dans un pays considéré comme le grenier de l'Afrique australe, s'est effondrée. Les pénuries alimentaires se sont multipliées et l'inflation a enflé. Le Zimbabwe a été obligé d'importer en grande quantité nombre de produits et a fait appel à l'aide internationale. La redistribution des terres, mal pilotée, a plongé le pays dans une profonde crise économique. Entre 1990 et 2003, le taux de pauvreté est passé de 25 à 60 %. En 2013, l'administration Mugabe, qui a enfin pris conscience de la situation, a inscrit dans la nouvelle Constitution l'octroi d'une compensation pour tous les agriculteurs dont les terres ont été saisies par l'État. Mais, surendetté, le pays n'est pas parvenu à répondre à la demande.
Le départ de Mugabe : le second souffle de la compensation
L'arrivée au pouvoir d'Emmerson Mnangagwa, en 2017, a donné un second souffle à la compensation des fermiers blancs. L'ex-vice-président a débloqué les fonds destinés aux compensations. D'après le ministre des Finances, Mthuli Ncube, « en 2018, 12 millions de dollars ont été versés à 29 agriculteurs », assure-t-il dans le journal The Herald. Il a aussi étendu la durée des baux fermiers à près de 300 exploitants agricoles épargnés par la réforme agraire, et a même rendu à quelques-uns les terres confisquées. Des initiatives qui ont tranché avec celles de l'ère Mugabe, motivées qu'elles ont été par la volonté du nouveau gouvernement de redorer l'image du Zimbabwe. Et, à terme, d'attirer les investisseurs. Car le pays a peiné à se relever de la crise. Pire, il a semblé s'y enliser.
Remonter la pente de l'insécurité économique
D'après le programme alimentaire mondial (PAM), 8 millions de personnes sont actuellement en situation d'insécurité alimentaire. Le cyclone Idaï, qui a frappé la région l'année dernière, et les épisodes de sécheresse qui ont suivi ont lourdement impacté un secteur déjà en grande difficulté. Les retombées de l'enveloppe consacrée à la compensation des fermiers blancs – d'un montant de 21 millions de dollars cette année – sont donc très attendues. Cela dit, les Zimbabwéens devront patienter. Le PAM cherche 200 millions de dollars pour pouvoir faire face tant les catastrophes humanitaires se multiplient.
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