Aéroports de Douala et Yaoundé : La sortie des objets d’art victime de corruption
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Le rançonnement entretenu par des agents du Minfof et de la Douane contre les touristes a fait chuter le chiffre d’affaires des artisans.

« Aucun objet d’art ne sort plus des aéroports sans pots de vin et sans aucun reçu. Il y a urgence de rassembler les différentes parties prenantes pour trouver une solution ». Ainsi s’exprimait le ministre des Forêts et de la Faune (Minfof), Jules Doret Ndongo, le 07 Août dernier au sortir d’une réunion à son cabinet avec le président de l’association des artisans du Cameroun. Une réunion convoquée en procédure d’urgence au regard de la gravité de ce qui se passe dans les aéroports. A Douala et Yaoundé, qui abritent les deux aéroports internationaux du pays, un réseau de corruption des touristes a été mis sur pied depuis 2010. Pour un objet d’art d’une valeur de 1000 Fcfa, les agents du Minfof, ainsi que ceux de la Douane, demandent aux touristes de payer une somme de 15 000 Fcfa sans recevoir de reçu, ni connaitre les raisons de ce rançonnement. A Douala où le phénomène est plus accentué, les touristes ont, au fil des années, été frustrés au point où le problème a pris des allures diplomatiques. La Chine, premier pays concerné, a conseillé à ses ressortissants de ne plus acheter les objets d’art lors de leurs séjours au Cameroun. Pareil pour l’Italie, la France et bien d’autres pays.

Loi

Selon la loi forestière de 1990 régissant l’exportation des objets de l’artisanat, « il est permis à tout touriste de transporter gratuitement quelques objets d’arts en souvenir sans payer les frais de douane. Par contre, pour celui qui transporte des énormes quantités commercialisables, il doit avoir un certificat d’origine délivré par le délégué régional des Forêts et de la Faune de sa zone compétente ». Le portail des camerounais de Belgique. Cette loi, clairement énoncée, est loin d’être respectée. Issiakou Abass, le président de l’association des artisans du Cameroun, affirme que même pour un petit masque d’éléphant qu’un touriste reçoit en cadeau, au niveau de l’aéroport il est obligé de payer les pots de vin, sinon l’objet est saisi par le Minfof ou la Douane. « C’est de la corruption à ciel ouvert. Ils ne se cachent même plus. Dès que les touristes arrivent à l’aéroport, ils demandent qui a les objets d’art dans son sac. Ils fouillent les bagages de fond en comble juste pour chercher les objets d’art. S’ils trouvent même un petit porteclefs, ils vous demandent de payer au moins 10 000 Fcfa, pour un objet qui ne coûte même pas 500Fcfa. C’est devenu très grave.

Nous sommes venus personnellement voir le ministre parce que ça ne va plus sur le terrain. Ces gars sont des braqueurs de la nation. Il faut trouver une solution », argue Issiakou Abass. Oumar Sanda, le secrétaire général de l’association, mentionne que les actes de corruption ont commencé en 2010. Au fil des années, cela a pris de l’ampleur au point où aujourd’hui, les artisans ont perdu presque tous leurs clients. « En un mois, nous n’arrivons plus à faire une recette de 10 000 Fcfa. Le marché est vide. Nos clients sont des touristes puisque les Camerounais n’achètent pas les objets d’art. Aucun touriste n’achète plus rien. Nous étions au départ plus de 1000 artisans. Aujourd’hui nous sommes à peine 500. Beaucoup ont fui pour aller dans d’autres pays faire le même travail puisque là-bas, ils reconnaissent le travail des artisans. La profession au Cameroun risque de mourir », s’indigne Oumar.

Un alinéa de la loi évoquée supra énonce que « les artisans doivent travailler en respectant les essences interdites et les quotas imposés sur certaines essences comme l’ébène ». Une loi respectée par les artisans puisque presque tous les objets d’art sont faits a base des déchets de bois ramassés dans les villes forestières comme Ebolowa. « Un touriste a acheté une babouche confectionnée à base de raphia. A l’aéroport ils ont saisi. Dites-moi, le raphia est une essence interdite ? Une babouche représente-t-elle une quantité commercialisable ? », s’interroge un artisan.

Image du Cameroun

Ousmane Ali, le président des artisans du centre artisanal de Yaoundé est formel. C’est une honte pour lui lorsqu’il se retrouve au milieu des autres artisans à l’international lors des grands rendez-vous d’exposition. « Au mois de mai dernier, j’allais à une exposition des objets d’art à Bamako au Mali. Au niveau de l’aéroport international de Yaoundé, la Douane et le Minfof ont saisi tous mes objets en me demandant de payer. J’étais obligé d’appeler une connaissance à la présidence pour qu’on laisse passer mes masques et autres. Lorsque je suis arrivé à Bamako, les autorités ne m’ont rien demandé. Elles m’ont laissé passer sans problème. Partout dans le monde on ne nous demande jamais rien, sauf au Cameroun », regrette-t-il.

Au Burkina-Faso, au Togo et dans d’autres pays, l’Etat a mis sur pied des lois pour encourager l’artisanat. Les objets d’art sont exposés dans les vitrines et se vendent comme des petits pains. Aucune taxe n’est exigée pour des objets achetés comme souvenir par des touristes. Au Cameroun, les artisans demandent au gouvernement de s’en inspirer pour essayer de relancer la filière. A la fin de la rencontre avec le Minfof, il a été convenu avec les différentes parties qu’une réunion interministérielle sera organisée à la primature avec les différentes parties pour trouver une solution définitive à ce problème. Mais d’ici là, le Minfof interdit tout payement quelconque sur les objets d’art dans les aéroports.

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