Pénétrante Est de Douala : Retour au galop de l’affaire des 9 km à 43 milliards
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Depuis quelques jours, les images des longues files d’embouteillages sur la pénétrante Est de Douala alimentent tous les débats. Les témoignages d’automobilistes et autres usagers de cette section de la route qui sépare Yassa de Village sont dignes des films de science-fiction. Pour parcourir les près de 9 km, il faut désormais au moins deux heures de temps. Cette durée peut aller à 2h30 ou 3h à certains moments de la journée.

En cause, les travaux complémentaires de réhabilitation du tronçon de route entrée Est de la ville de Douala, du PK10+400 AU pk19+300 (Pont sur la Dibamba). Un marché attribué au groupement d’entreprises chinoises GPT Weihai International Economic & technical cooperative Co. Ltd, et China Railway 14th bureau group Co Ltd (WIETC/CRCC14). A la suite d’un Avis d’Appel d’Offres international ouvert lancé en avril 2018.

Pour comprendre le problème des embouteillages sur la pénétrante Est de Douala, il faut remonter le fil. Pas celui des embouteillages, mais le fil du temps pour se retrouver un an seulement plus tôt.

Nous sommes en 2018. Le Cameroun souhaite poursuivre les travaux de réhabilitation de la pénétrante Est de Douala. A l’époque, la Capitale économique dispose déjà d’une entrée, la route Nyalla-Logbaba-Ndokoti. Une partie est construite sur 2X2 voies, mais au niveau de Ndokoti le trafic à certaines heures rend la circulation difficile. De l’autre côté de l’entrée, celle qui traverse le quartier Village les travaux sont découpés en deux phases. La première phase, qui va du PK0+000 (Carrefour des Fleurs) au PK10+200, soit 10,2 kilomètres est achevée. Le le groupement RAZEL BEC/RAZEL CAMEROUN qui a réalisé ces travaux a perçu 60,901 milliards de FCFA TTC.

Le gouvernement décide donc de lancer un Avis d’Appel d’Offres international pour la sélection d’un groupement d’entreprises chargé de la réhabilitation de cette portion longue de 8,9 kilomètres (du PK10+400 AU pk19+300 Pont sur la Dibamba).

A l’époque deux ministres pilotent le dossier. Abba Sadou, le ministre des Marchés publics (MINMAP), et Emmanuel Nganou Djoumessi, le ministre des Travaux publics (MINTP). Sur les 16 propositions financières faites dans le cadre de ce marché, les deux membres du gouvernement ont deux philosophies diamétralement opposées sur le choix de deux entreprises. Pour le MINTP, Maître d’Ouvrage, il faut laisser le groupement RAZEL BEC/RAZEL Cameroun poursuivre les travaux.

Dans une correspondance adressée à Abba Sadou, et datée du 08 août 2018, Nganou Djoumessi propose « d’attribuer les travaux au groupement d’entreprises RAZEL BEC/RAZEL Cameroun, et le contrôle au groupement de BET SCET Tunisie/Beta Consult. Ces derniers étant déjà mobilisés sur le terrain en rapport avec les derniers événements dans cette zone dont nul n’en ignore ». Clairement, dans cette correspondance, l’ingénieur de l’Etat tente d’attirer l’attention du MINMAP sur la complexité des travaux, et se montre sceptique quant à la capacité de WIETC/CRCC14 à réaliser les travaux.

Ce n’est pas tout. Le MINTP rappelle au Minmap des accords antérieurs qui peuvent justifier son choix. « Il me paraît nécessaire de rappeler que sur la base d’un accord de principe entre le groupement d’entreprises sus cité et mon département ministériel, le ministère des Marchés publics a signé l’avenant 1 au marché de base de la première phase des travaux de l’entrée Est de Douala. Cet avenant avait pour objet la réduction de la consistance desdits travaux du tronçon 4 de son marché, ceci dans l’optique d’élargir et de renforcer ledit tronçon plus tard par un autre marché dont ledit groupement pourrait être attributaire », ajoute Emmanuel Nganou Djoumessi.

Mais l’offre de RAZEL BEC/RAZEL CAMEROUN a un problème, elle est onéreuse. En effet, pour réaliser les 8,9 km, le groupement français demande 42,865 milliards de FCFA. Soyons clairs : l’argent ne sert pas qu’à construire 9 km de routes. Il s’agit de construire une chaussée de 2X3 voies, soit près de 18 km (8,9 Km X3) avec d’autres aménagements. A savoir la construction de cinq giratoires, d’un passage inférieur au niveau du giratoire de Yassa et d’un passage supérieur au niveau du giratoire de Japoma, pour faciliter l’accès au Complexe sportif de Japoma en cours d’aménagement. L’éclairage public et le mobilier urbain sont pris en compte dans le marché.

La correspondance de Nganou Djoumessi, largement relayée dans les réseaux sociaux fait de lui « l’homme qui voulait construire 9 kilomètres de route à 43 milliards de FCFA » et le livre à la vindicte populaire.

Ce permet, en sourdine, à Abba Sadou, de boucler le dossier. Il choisit de remettre le marché au groupement chinois GPT Weihai International Economic & technical cooperative Co. Ltd, et China Railway 14th bureau group Co Ltd (WIETC/CRCC14). Le marché est attribué sur le principe du « moins disant ». Un choix étonnant, puisqu’à la faveur d’une réforme du système d’attribution des marchés, la règle du moins disant n’est plus appliquée.

Comment comprendre le choix d’Abba Sadou ? Pourquoi avoir attribué un aussi gros marché à une entreprise qui n’a aucun fait d’arme au Cameroun ? Et dont les traces dans le secteur des BTP dans le monde sont presqu’invisibles ? Il est difficile aujourd’hui d’apporter une réponse claire. Le seul rapprochement qu’on peut en faire, c’est que quelques jours après l’attribution de ce marché, le mardi, 28 août 2018, Paul Biya s’envole pour la Chine.

Le chef de l’Etat, qui conduit une forte délégation, dont Emmanuel Nganou Djoumessi, répond à une invitation du président Xi Jinping, pour prendre part au Sommet Chine-Afrique qui se tient à Pékin, la capitale de l’Empire du milieu.

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