L'aéroport, miroir d'une crise migratoire et d'un racket institutionnalisé
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CAMEROUN :: L'aéroport, miroir d'une crise migratoire et d'un racket institutionnalisé :: CAMEROON

Le spectacle quotidien dans les terminaux aériens camerounais offre une image saisissante d’une nation en proie à une fuite des cerveaux sans précédent. Tandis que les discours officiels vantent les perspectives d'émergence, la réalité du terrain dépeint une jeunesse et une classe intellectuelle prêtes à tout pour quitter le territoire national. Cette migration massive ne se limite plus aux seuls aventuriers bravant le désert ou la Méditerranée, elle touche désormais les diplômés les plus brillants et les familles nanties qui voient l’exil comme l’unique projet de vie viable face à un avenir incertain.

Le franchissement des frontières devient pourtant un véritable parcours du combattant, non pas seulement à cause des restrictions de visas, mais en raison d'un système de prédation interne. À l'aéroport international de Douala comme à celui de Yaoundé-Nsimalen, le voyageur est confronté à une bureaucratie transformée en machine à racket. Des contrôles sanitaires aux services douaniers, chaque étape semble conçue pour extorquer des fonds. La pratique, devenue presque rituelle, consiste à contester la validité de documents légaux pour contraindre les passagers à verser des pots-de-vin sous la pression du dernier appel d’embarquement.

Cette corruption systémique soulève des interrogations légitimes sur l'efficacité des organes de contrôle. La Commission nationale anti-corruption (CONAC), malgré la publication régulière de rapports alarmants, semble impuissante face à ces réseaux solidement ancrés. Le silence ou l'inertie des autorités face à ces agissements dégrade non seulement l'image de marque du pays mais confirme également le sentiment de déliquescence des institutions. La corruption à l'aéroport n'est pas un incident isolé, elle est le symptôme d'un mal profond qui ronge la confiance entre les citoyens et l'appareil étatique.

L'exode massif des forces vives constitue une perte économique majeure pour le pays. En transformant le départ en un business lucratif pour certains agents en uniforme, l'État se prive de ses meilleurs talents tout en institutionnalisant la spoliation de ses propres enfants. L’émigration choisie ou forcée devient alors une forme de protestation silencieuse. Face à cette crise sociale camerounaise, l'urgence n'est plus seulement de retenir ceux qui partent, mais de réformer en profondeur un système qui rend le séjour sur le sol national insupportable pour une grande partie de la population.

La politique migratoire et la gestion des infrastructures aéroportuaires doivent impérativement être revues pour mettre fin à ce sentiment d'humiliation nationale. Tant que le départ sera perçu comme une délivrance et l'administration comme un prédateur, le pays continuera de se vider de sa substance. La véritable honte ne réside pas dans la volonté de fuir, mais dans la persistance d'un environnement qui criminalise le voyage et sacrifie l'intégrité morale sur l'autel de l'enrichissement illicite. La reconstruction du sentiment national passera nécessairement par la fin du racket aux frontières.

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