Aux femmes africaines:Le 8 mars n’est pas un cérémoniel de danse mais le jour du bilan de vos droits
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AFRIQUE :: Aux femmes africaines:Le 8 mars n’est pas un cérémoniel de danse mais le jour du bilan de vos droits

Si dans les autres continents notamment en Amérique et Europe, la journée du 8 mars est de plus en plus l’occasion pour les femmes de se réunir, de faire le point de la situation de leurs droits, d’organiser des marches symboliques en vue de la revendication encore aujourd’hui des droits toujours proclamés par la société parce qu’inhérents à la nature humaine mais jamais définitivement acquis parce que perpétuellement remis en cause ; cette journée prend une connotation bien particulière sur le continent africain, notamment en Afrique subsaharienne. Festivités par-ci, chansonnettes et danses par-là, confection et port de pagnes spécialement édités chaque année pour dit-on ‘’célébrer la femme’’ sont entre autres ce à quoi se résume la journée du 8 mars sous nos cieux. A croire que la conscience populaire a fini par l’appréhender comme le prolongé de la Saint Valentin comprise ici comme la manifestation de l’amour porté à sa femme ou à sa partenaire.

Des amalgames qui nous obligent à nous interroger sur l’historique de la Journée Internationale des Femmes et le fondement véritable de son instauration. Que signifie la journée du 8 mars ?

Le 8 mars est en réalité l’histoire de femmes ordinaires qui ont fait l’Histoire. Elle puise ses racines dans la lutte menée par les femmes depuis des siècles pour participer à la vie de la société, à la reconnaissance de leur statut d’être humain et à la jouissance de tous les droits rattachés à la personne humaine.

“Cette journée plonge ses racines au plus profond de l’histoire des femmes ouvrièresqui se sont battues pour leurs revendications. „

1 z158 b1912 fr hd 72dpiEn effet, c’est à Copenhague, en 1910, lors de la deuxième Conférence Internationale des Femmes Socialistes regroupant 100 déléguées venues de 17 pays, que Clara Zetkin proposa d’adopter une résolution pour organiser tous les ans une Journée Internationale consacrée à la lutte des femmes.

La décision s’appliqua en effet dès 1911. Des manifestations impressionnantes ont lieu en Allemagne, en Suisse, en Autriche, au Danemark et aux Etats-Unis. Les femmes ouvrières manifestèrent par millions pour porter au grand jour leurs exigences et réclamer leurs droits : droit à la journée de 8 heuresdroit de votedroit d’adhérer à un syndicatdroit à la protection de la maternitédroit à la suppression du travail du samedi etc.

En 1912, la journée sera célébrée en France, au  Pays Bas et en Russie. Le 8 mars 1913, des femmes russes organisent des rassemblements. Le 8 mars 1914, les femmes réclament le droit de vote en Allemagne. En 1914, en France et en Allemagne, des manifestations d’ouvrières se déroulèrent pour la paix et, notamment, pour la libération de Rosa Luxemburg, militante allemande que Guillaume II maintînt en prison parce qu’elle s’était dressée contre la guerre qui se préparait. Le 8 mars 1915, à Oslo, des femmes défendirent leurs droits et réclamèrent la paix. La même année en Norvège et en Suisse, les femmes reprennent le mot d’ordre de Clara Zetkin: «Guerre à la guerre».

Clara Zetkin, Enseignante, Journaliste et femme politique allemande : réelle instigatrice de la Journée internationale des femmes. 

En Russie, la révolution de Février commença le 8 mars 1917. À Saint-Pétersbourg, des ouvrières manifestèrent contre la cherté de la vie : le pain d'un demi-kilo est passé de trois kopeks en 1913 à dix-huit kopeks.  Elles réclamèrent aussi le retour de leurs maris partis au front. Cette manifestation va marquer le début de la révolution russe.  En 1921 le 8 mars est décrété « Journée des droits des femmes », jour férié et chômé.

L’internationalisation de cette journée

Ob b3c868 droitdelafemmeC’est ainsi que le 8 mars 1977, reprenant l’initiative communiste et à la suite de l’année internationale des femmes de 1975, l’Organisation des Nations Unies adopte une résolution enjoignant aux Etats membres de célébrer une « Journée des Nations Unies pour les droits de la femme et la paix internationale » plus communément appelée par l’ONU « Journée Internationale des Femmes ». Laquelle Journée a pour signification la revendication de l’égalité femmes-hommes dans toutes les sociétés. A cet effet, le thème retenu par l’ONU pour la JIF 2019 est : « Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement ». L’objectif étant de réfléchir aux moyens innovants permettant de faire progresser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, notamment dans les  systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et la construction d’infrastructures durables.

“La Journée Internationale des Femmes, sera ainsi    célébrée  par un nombre toujours plus grand de femmes.„

Qu’en est-il de sa compréhension dans les pays africains ? Quelle est la situation de la femme africaine ?

Les femmes africaines quant à elles font face encore aujourd’hui à des difficultés criardes pour se trouver une place dans la société ou améliorer la place que leur attribue la société. Malgré le fait que certaines ont passé progressivement les barrières imposées qui limitaient leur progrès, elles continuent dans leur majorité, à faire l’objet de graves violations et de préjugés dans des sociétés de plus en plus machistes. Lesquels violations et préjugés trouvent leur source dans les sociétés traditionnelles encore enclin à maintenir la femme en état de subordination. Les temps évoluent mais les mentalités restent intactes !

“Cette Femme africaine martyrisée les 365 autres jours de l’année et magnifiée par un récital de poèmes à son égard le 8 mars.„

L’apport des femmes dans l’économie des pays africains n’est pourtant plus à démontrer d’autant plus que la Banque Mondiale, pour ne citer qu’elle, lui accorde une place de choix. Dans le domaine de l'agriculture, 40% des travaux agricoles sont entrepris par des femmes, elles produisent 80% des denrées alimentaires dans les ménages. Le chômage les touche davantage : 10,6% des femmes sont sans emploi, contre 8,2% pour les hommes selon la Banque mondiale. Dans le rapport "Laissées pour compte", l'Unesco présente des chiffres qui montrent les problèmes cruciaux dans le système éducatif : 28 millions de filles et d'adolescentes, qui ont l'âge d'être scolarisées, n'iront probablement jamais à l'école. 

Selon l'Unicef, si toutes les femmes finissaient l'école primaire, la mortalité maternelle serait réduite de 70%, sauvant près de 50 000 vies.

En Côte d’Ivoire, les taux de représentation des femmes dans le Gouvernement et Assemblées élues sont très bas : 11,37% au parlement et 18,2% dans le gouvernement ; loin derrière l’objectif de 30% de représentation des femmes au parlement préconisé par le programme d’action de Pékin. 15% des entreprises ivoiriennes sont par ailleurs dirigées par des femmes selon la Confédération Générale des Entreprises. Outre cet aspect, le taux de prévalence des Mutilations Génitales Féminines est de 36,7%. Une enquête réalisée par l’Association Ivoirienne pour la Défense de la Femme (A.I.D.F) dans les dix communes d’Abidjan a décelé dans les ménages, un taux de 70% de femmes victimes de violences conjugales.

Le Président de la République de Côte d’Ivoire, SEM Alassane OUATTARA a toutefois montré sa volonté de résoudre le problème de la sous-représentativité des femmes en instaurant dans la Constitution de novembre 2016, la parité pour la promotion des droits politiques de la femme et sur le marché du travail en ses articles 36 et 37.Quoiqu’à l’heure actuelle, il n’y ait jusqu’ici, pas encore de Loi sur la parité en Côte d’Ivoire.

Le viol dont est victime de nombreuses femmes et filles dans les ménages et espaces publics, sujet encore tabou, est réprimé par le Code Pénal ivoirien en son article 345 sans qu’aucune définition à proprement dite ne soit donnée à ce crime. Ce qui conduit très souvent à sa requalification en délit d’attentat à la pudeur. Devant la recrudescence du harcèlement sexuel, un phénomène très répandu dans les entreprises, administrations, universités et lycées et collèges, il n’y a en effet toujours pas en Côte d’Ivoire, de Loi spéciale réprimant les violences faites aux femmes.

L’économie de ce pays repose sur l’agriculture ; une agriculture tenue majoritairement par les femmes rurales. Bien que la Loi sur le foncier rural leur reconnaît le droit à la propriété de la terre, ces dernières n’en bénéficient que très peu (soit 5% de femmes détentrices de titre de propriété). Elles n’ont donc pas accès au crédit, ce qui entrave considérablement leur autonomisation.

La JIF 2019 en Côte d’Ivoire a pour thème : « le numérique et l’autonomisation de la femme ». Ainsi, plutôt que d’organiser des cérémonies de danses et de festins, il serait en effet salutaire de traduire l’intérêt pour les femmes par la prise de mesures concrètes permettant l’amélioration de leur condition de vie et de travail.

“Alors, Femmes africaines en générale et ivoiriennes en particulier, au regard des violations que nous subissons de manière récurrente et de l’insuffisance des mesures de protection à notre égard, nous n’avons RIEN à célébrer le 08 Mars mais TOUT à revendiquer pour l’effectivité de nos droits ! „     

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