ENQUETE : Le rouleau compresseur en action contre Mebe Ngo’o
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A la suite d’un mandat d’interdiction de sortie du territoire abondamment partagé dans les réseaux sociaux, l’ancien ministre de la Défense sorti du gouvernement il y a bientôt un an est au centre d’une kyrielle d’enquêtes de police au sujet de la gestion de la fortune publique. Le point sur ce qui ressemble à un début de descente irréversible aux enfers.

Moins d’une semaine après une première comparution devant la division des enquêtes rattachée au parquet général près le Tribunal criminel spécial (TCS), M. Alain Edgard Mebe Ngo’o, ancien membre du gouvernement à plusieurs titres, devrait répondre à un autre rendez-vous avec les limiers du corps spécialisé des officiers de police judiciaire ce 19 février 2019. L’ancien ministre de la Défense, qui fait l’objet d’une mesure d’interdiction de sortie du territoire depuis quelques semaines, poursuit ainsi ses explications devant les enquêteurs. Il est en principe suspecté d’avoir participé à de nombreuses opérations ayant conduit à des affres sur la fortune publique. La rumeur évoque de nombreux dossiers sur lesquels Kalara n’a pas encore pu obtenir confirmation, eu égard au caractère secret de l’enquête préliminaire.

Mais, sur la foi des personnes déjà auditionnées dans le cadre de ce qu’il convient d’appeler «l’affaire Mebe Ngo’o» et des indications mentionnées sur le mandat d’interdiction de sortie du territoire de l’ancien ministre, mandat largement partagé dans les réseaux sociaux, l’ancien ministre de la Défense répond d’abord, des suites d’un scandale déclenché en France, en 2016, et ayant trait à une affaire de rétro-commissions dans les opérations d’achat du matériel militaire auprès d’un fournisseur dénommé MagForce (lire encadré). Lesdites opérations auraient occasionné un préjudice d’environ 4,5 milliards de francs au Trésor public camerounais du fait des surfacturations supposées. Il se pourrait que les limiers du TCS aient déjà identifié l’essentiel des personnes suspectées d’avoir participé aux détournements des fonds publics allégués.

En effet, la semaine dernière, avant la première comparution de l’ancien ministre dans l’aprèsmidi du jeudi, 14 février 2019, deux de ses anciens collaborateurs avaient défilé devant les enquêteurs du corps spécialisé des officiers de police judiciaire. Le colonel Ghislain Victor Mboutou Elle, responsable du matériel militaire au ministère de la Défense à l’époque des faits au centre de l’enquête, mais aussi M. Maxime Mbangue, conseiller technique au Mindef à l’époque de M. Mebe Ngo’o. L’officier supérieur de l’armée avait déjà été interpelé en France dans le cadre d’une procédure dite de «corruption d’agents publics étrangers». Il avait été inculpé avant d’être provisoirement remis en liberté. C’est par son interpellation que les malheurs de l’ancien ministre avaient commencé. Il a donc été entendu par les limiers du TCS.

Corruption en France

Quant à M. Mbangué, un inspecteur du Trésor, il est présenté comme l’éminence grise de l’ancien ministre en matière financière. Déjà chargé d’études à la Délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn), lorsque M. Mebe Ngo’o en était le patron, il avait migré au ministère de la Défense avec son mentor. Les OPJ du TCS ont dû s’intéresser à sa connaissance des montages financiers supposés douteux au centre de l’enquête. L'info claire et nette. L’épouse de l’ancien ministre, Mme Bernadette Minla Nkoulou, de son nom de jeune fille, elle-aussi intéressée par les enquêteurs du TCS, devrait répondre comme chef d’entreprise, puisqu’elle est suspectée d’être à la tête d’entreprises locales supposées impliquées dans les montages financiers douteux. Cette dernière avait été auditionnée le 14 février dernier peu avant son époux. Elle était ressortie de l’enceinte du corps spécialisé des OPJ du TCS, en présence du reporter de Kalara et devant la joie peu contenue de ses proches.

Les responsables de l’enquête ont sans doute décidé d’aller un peu plus loin avec leurs investigations. Ils s’intéressent de plus près, d’après des sources autorisées, aux circuits éventuels ayant permise retour de supposées rétro commissions issues de l’achat du matériel militaire en France. C’est dans ce cadre que M. Menye Victor, ancien directeur général adjoint de la SCB à la retraite a été accueilli hier, 18 février 2019, par les OPJ du TCS, après deux premières convocations restées sans suite, précise-t-on de sources proches de l’enquête. Selon les mêmes sources, le compte bancaire de M. Menye aurait reçu en transit des sommes d’argent importantes représentant les rétros commissions alléguées. L’enquête a dû chercher à maîtriser le bienfondé des transactions suspectées et le destinataire final des fonds en question.

En comparaissant ce 19 février encore devant les enquêteurs du TCS, M. Mebe Ngo’o pourrait être confronté à chacun de ceux qui sont encore considérés comme de simples témoins pour la plupart. Son audition pourrait être déterminante pour son statut, lui qui reste aussi considéré comme un simple suspect, selon les sources de Kalara. Les incohérences ou les confirmations de certaines informations peuvent conduire à un placement en garde à vue, préalable à un déferrement devant le procureur général près le TCS, qui peut décider, en fonction du contenu de son dossier, de proposer l’ouverture d’une information judiciaire par une saisine formelle du président du TCS, ou de classer le dossier, si les indices de détournement de fonds publics apparaissent légers.

Déferrement en vue

C’est un cas de figure assez rare devant le TCS, même si certaines sources évoquent des pressions exercées ici et là (lire encadré) pour empêcher les poursuites judiciaires contre l’ancien ministre. Cette hypothèse paraît d’autant douteuse que l’ancien ministre de la Défense semble être soumis progressivement lui aussi, à la technique du rouleau compresseur. En effet, des sources dignes de foi ont signalé la présence hier, 18 février dans les locaux du corps spécialisé du TCS, du colonel Fouda Jean Jacques, ancien directeur du matériel au Mindef, mais aussi une convocation du contre-amiral Jean Pierre Nsola, ancien attaché militaire du Cameroun à Pékin (Chine). Le premier cité devrait être interrogé ex-qualité, probablement pour vérifier si toutes les commandes de matériel passées par le ministère de la Défense, à l’époque où y trônait M. Mebe Ngo’o, ont effectivement fait l’objet de livraisons effectives.

Le contre-amiral, quand à lui, limogé de son poste en Chine puis révoqué des rangs, avait porté de graves accusations de surfacturation des achats du matériel militaire à l’encontre de son ministre. Il n’est pas exclu que la seconde audition de l’officier général déchu aille dans le sens d’alourdir la charge de l’ancien Mindef. Rappelons que tous les faits au centre de l’enquête de police judiciaire actuelle avaient été dévoilés à l’époque où M. Mebe Ngo’o était encore en fonction. Camer.be. Ce dernier a connu une carrière administrative et gouvernementale fulgurante démarrée en 1997, peu après le début des déboires politico-judiciaire du Pr Titus Edzoa. L’ancien préfet avait été propulsé directement au poste de Directeur du cabinet civil de la présidence de la République, avant d’être nommé plus tard à la Dgsn. Il avait quitté la Dgsn pour le Mindef et avait achevé sa carrière gouvernementale au ministère des Transports, échappant à quelque sanction que ce soit à la suite de la catastrophe ferroviaire d’Eséka. C’est seulement des années plus tard, sans que personne ne sache le pourquoi des choses, que M. Mebe Ngo’o sembre être redevenu un citoyen ordinaire. Il a luimême été impliqué dans la gestion des dossiers judiciaires de nombre de ses anciens collègues, membres du gouvernement. Ironie du sort : ce sont ses anciens collaborateurs qui sont chargés de le cuisiner aujourd’hui.

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