Cameroun: Dérive: Pourquoi la remontée du tribalisme ?
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Les frustrations nées du règne sans fin de Paul Biya et la passivité du pouvoir vis-à-vis de la question sont quelques-unes des raisons avancées.

C’est un secret de polichinelle. Le tribalisme gagne du terrain au Cameroun. Selon le sociopolitiste Claude Abe, les causes de cette montée en puissance du tribalisme sont multiples. En effet, explique-t-il, « le tribalisme est d’abord lié à un fantasme, lui-même relatif à l’idée d’une fin de règne. Ce fantasme est lié à un autre, celui d’un règne qui serait autre que celui Beti. Je parle de fantasme parce qu’on va finalement se rendre-compte que les gens, lorsqu’ils sont nommés, ce n’est pas nécessairement l’appartenance tribale ou ethnique l’élément décisif », explique-t-il. « C’est souvent, pense l’enseignant des universités, un certain nombre de rapports multiples et un peu complexes ».

Par ailleurs, poursuit Claude Abe, « la longévité au pouvoir du régime actuellement en place au Cameroun a entrainé une frustration de la part d’un certain nombre d’individus. Laquelle frustration est liée à l’absence des réponses adéquates aux problèmes posés par ces individus ». Le mal être et surtout, le sentiment de confiscation du pouvoir par une ethnie, celle du chef d’État actuel, seraient ainsi à l’origine du repli identitaire, selon Claude Abe. La faillite de l’État jacobin tel qu’on l’a mis en route, déclare le sociopolitiste, favorise aussi la montée du tribalisme.En effet, affirme-t-il, « cet État se construit sans tenir compte du pluralisme socioculturel qui est celui du Cameroun ».

La présidentielle du 07 octobre 2018 est également un catalyseur ayant favorisé la situation actuelle. « Certaines formations politiques ont, en effet, cru s’octroyer des réserves électorales en allant surfer sur le repli identitaire et même les gouvernants ont trouvé en cela une opportunité pour eux. En tribalisant le jeu politique, les gouvernants contribuent à une dépacification des rapports sociaux ». Ce qui serait pour eux de bonne guerre, ajoute Claude Abe.

Ces deux précédentes causes ont atteint leur paroxysme avec l’entrée en jeu des réseaux sociaux.

« C’est davantage à partir des réseaux sociaux, avec l’anonymat que l’on a vu certains individus faire émerger un discours extrémiste et radical accusant une certaine ethnie d’être à l’origine de tous les maux du Cameroun ». La réponse ne s’est pas faite attendre. « On a vu un retour un tribalisme réactionnaire des internautes de cette ethnie qui, au fond, ont voulu apporter une réponse », explique Claude Abe. Avec l’entrée en scène des intellectuels de part et d’autres des deux bords, des expressions savamment élaborées ont vu le jour : « Tontinards » et « Sardinards »).

Le sociologue Claude Abe émet quelques solutions pour stopper la saignée. Entre autres, « il faut criminaliser les diverses formes d’expression ou de manifestations du tribalisme. Les auteurs de cette pratique doivent répondre de leurs actes », suggère-t-il. De poursuivre qu’ « il faut une société de justice, une justice distributive. Car, si tout le monde, indépendamment de son appartenant tribale, a l’impression que l’exploitation des ressources au Cameroun est distribuée de manière équitable, le problème pourrait être résolu ». Il faut donc une amélioration de la gouvernance, ce qui impliquerait tous les acteurs, y compris la société civile et l’Église qui, jusque-là, restent muettes sur la question.

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