Comment les fonctionnaires arnaquent les Camerounais pour l’établissement des titres fonciers
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Comment Les Fonctionnaires Arnaquent Les Camerounais Pour L’établissement Des Titres Fonciers :: Cameroon

Transparency International – Cameroun a présenté la semaine dernière à Yaoundé un rapport sur la cartographie des déficits d’intégrité dans la procédure d’immatriculation directe au Cameroun. L’enquête révèle une démultiplication d’étapes et autant de «guichets» pour frais jugés non réglementaires dans les services de l’autorité administrative, point de départ de la procédure, ainsi que dans les couloirs du ministère des Domaines, fabricant du titre foncier.

L’enquête dérive du projet «Terres et corruption en Afrique» de Transparency international Cameroon (TI-C). Ledit projet vise à améliorer les conditions de vie des populations affectées par les pratiques de corruption ayant cours dans l’administration à l’occasion des transactions foncières. Jeudi 13 septembre 2018, l’organisation non gouvernementale (ONG) a procédé à la présentation publique du rapport d’étude portant sur la cartographie des déficits d’intégrité dans la procédure d’immatriculation directe au Cameroun. Cette étude est née d’un constat de corruption patent dans le secteur des affaires foncières depuis très longtemps. L'information claire et nette. Le mal est si profond, aux dires de l’ONG, qu’en décembre 2005, le chef de l’Etat a mis en mouvement un train de réformes afin de simplifier et raccourcir les procédures d’obtention du titre foncier. Une innovation qui laissait penser qu’une nouvelle ère était arrivée dans le domaine foncier. Le rêve fut de courte durée, constate Me Charles Nguini, président de TI-C, qui indique qu’en l’absence de sanctions exemplaires, les mauvaises habitudes déjà ancrées dans les usages ont repris en s’accentuant, comme un transfert des ressources et compétences de la corruption du niveau central au plan local.

Concrètement, l’étude, étendue sur trois mois de recherches sur le terrain et d’enquêtes documentaires menées sur un échantillon de 1000 personnes à Yaoundé, Kribi et Nyété, met l’accent sur les failles décelées dans la procédure d’immatriculation directe tant dans les services de l’administration territoriale (sous-préfecture), point de départ de la procédure, qu’au ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf). Au bout du compte, il ressort de l’étude une multitude d’étapes accompagnées d’autant de frais qualifiés de non réglementaires.

Géomètres privés

Les investigations révèlent que les raisons qui alimentent la chaîne de corruption dans la procédure d’immatriculation directe sont nombreuses, mais la principale source repose sur la volonté d’accaparement des terres entretenue et encouragée par les agents de l’Etat impliqués dans la procédure d’immatriculation. L’enquête démontre une «surprenante convergence» tant dans les dysfonctionnements administratifs que dans les diverses pratiques corruptives qui allongent indéfiniment les délais laissant alors l’usager à la merci des agents de l’Etat véreux. Il s’agit notamment de l’insuffisance des géomètres, l’insuffisance du matériel technique nécessaire à l’opération de bornage. Sur ce point, l’étude montre que la région du Sud dispose d’un seul appareil destiné aux levées topographiques.

Dans ce cas, les usagers sont contraints de faire aux appareils détenus par les «géomètres privés». Non seulement la pratique allonge les délais mais encore alourdit le coût de la procédure et contraint l’usager à payer des sommes indues pour faire avancer son dossier. S’agissant du volet consacré à la perception des frais jugés «non réglementaires» par les intervenants de la chaine du titre foncier, c’est un boulevard d’imaginations camer.be. L’étude indexe entre autres, la «prise en charge » de la commission consultative (organe présidé par le sous-préfet ou le chef de district chargé de constater la mise en valeur effective du terrain avant son immatriculation ou de formuler son avis sur une demande de concession).Une rubrique qualifiée de «porte ouverte à tous les abus». Ici, les montants sont fixés à la tête du client.

Il existe aussi dans la procédure des «frais de chefferie», montant fixé par l’autorité traditionnelle pour descendre sur le site ciblé par l’immatriculation. Les «frais de mise en valeur» que les usagers disent verser à la commission consultative pour la «convaincre» de ce que les cultures et habitations érigées sur la surface à immatriculer datent d’avant le 05 août 1974. Eux-aussi sont fixés «à la tête du client», les «frais de dossier technique», «les frais de secrétariat», les «frais de rattachement», les «frais de publication» au bulletin régional des avis domaniaux, les «frais de signature» du conservateur foncier, les «frais de copie du titre foncier »...

Décret retiré

Cette kyrielle de frais non prévus par les textes constitue autant de «péages» dont l’usager doit s’acquitter pour prétendre obtenir le titre foncier. Certains disent avoir déboursé au bout du compte 3 millions de francs pour tenir en main leur titre de propriété. Il est à noter que la célérité ou non du traitement du dossier est aussi tributaire de l’épaisseur du portefeuille. Le portail de la diaspora camerounaise en Belgique. Transparency international fait observer qu’une solution avait été trouvée au problème des frais dits non réglementaires notamment les frais de la commission consultative à travers un décret du 27 mai 2016 du Premier ministre portant modalités d’organisation et de fonctionnement de la commission consultative qui fixait les montants devant être versés aux membres de cette commission avant toute descente sur le terrain aux fins de constat d’occupation.

Selon l’ONG, ce texte présentait l’avantage d’assurer la prévisibilité du coût de cette opération qui constituait l’une des phases les plus onéreuses de la procédure d’immatriculation. Malheureusement le lendemain, soit le 28 mai 2016, ce décret du Premier ministre a été retiré par son auteur. Parmi les causes de la corruption ambiante dans la procédure d’immatriculation directe, les sondés indexent le nombre jugé pléthorique d’intervenants et d’étapes, l’imprécision ou la mauvaise appropriation de la notion de «mise en valeur» mise en exergue dans la loi foncière, les bas salaires des agents de l’Etat, la mal gouvernance généralisée, la présence des intermédiaires (financiers), l’insuffisance des informations données au public notamment sur les délais et les coûts de la procédure, l’absence de fiabilité du cadastre, l’insuffisance qualitative et quantitative des ressources humaines au Mindcaf, la vulnérabilité de certains postes…

En guise de recommandations, TI-C propose aux structures étatiques de parachever la réforme foncière actuellement en cours en tenant compte du relatif échec du modèle de sécurisation des droits fonciers à travers le système de l’immatriculation directe des terres, moderniser le cadastre et le processus d’informatisation de la procédure de délivrance du titre foncier, réduire le nombre d’étapes et d’intervenants en confiant la procédure d’immatriculation à une seule administration en l’occurrence le Mindcaf pour éviter les chevauchements entre les administrations, solliciter le ministère de la Justice pour la prestation de serment de tous les géomètres formés afin d’obtenir une répartition équitable de ces agents sur l’ensemble du territoire, sanctionner les agents véreux, former le personnel…

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