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© Correspondance : Enoh Meyomesse
- 30 Mar 2017 15:30:24
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Cameroun, Poésie : Tambours :: CAMEROON
Quand je quittais le Cameroun, dans l’avion, à l’escale de Douala, le téléphone s’est mis à sonner rageusement, et je ne décrochais pas, ça pouvait être la police ou la gendarmerie à mes trousses, qui sait ? D’où ce poème :
à Douala nous stoppâmes
dring ! driiiinnnngg !!! driiiiinnnngggg !!!
ô téléphone
laisse-moi tranquille
l’aéronef est un territoire étranger
l’aéronef est un territoire différent
l’aéronef est un territoire autre
mais toi
téléphone
tu peux révéler ma présence
dans ses entrailles à Douala ici
oh laisse-moi tranquille
dring ! driiiinnnngg !!! driiiiinnnngggg !!!
ô téléphone
laisse-moi tranquille
je pars tel un clandestin
ici encore
me rattraper
ils peuvent
ô téléphone
laisse-moi tranquille
dring ! driiiinnnngg !!! driiiiinnnngggg !!!
ô téléphone
laisse-moi tranquille
bon sang
n’as-tu pas compris que ces gens
d’avis peuvent changer
telle la pluie qui sans crier gare s’abat
sur la ville endormie
et bouscule la lune et les étoiles
ô téléphone
laisse-moi tranquille
dring ! driiiinnnngg !!! driiiiinnnngggg !!!
ô téléphone
laisse-moi tranquille
ils peuvent ici venir
encore
hé toi ! le fugitif dans la carlingue blotti
descends !
alors
pour une dernière fois ô téléphone
ma supplique mes dix doigts serrés
laisse-moi tranquille avec tes numéros
que je ne connais pas qui sonnent
sonnent sonnent sonnent sonnent
ah là là !
C’EST QUOI MEME !
………………………………………………………………….
Partir
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
la révolution
peut-on la mener si loin de toi pays bien-aimé
la révolution peut-on la réussir loin de tes cris
de tes larmes de tes pleurs ô mon pays
je suis un poète de la révolution
mais je vais devenir un poète de l’errance
adulé à Darmstadt à Francfort à Karlsruhe à
Berlin à Vienne à Graz partout là-bas si loin
de toi ô ma terre éternelle
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
je vais assumer mon habit
de poète de l’exil honni par les siens
après le vêtement purulent de poète
du pénitencier
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
mais
comment éclore sous tes arbres
tropicaux ô terre bien-aimée
ils sont nombreux
ceux qui sont venus et sont repartis
ceux qui sont venus et ont été combattus
ceux qui sont venus et ont été vaincus
ceux qui sont venus et ont été assassinés
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
ils venaient pour changer le monde
ils venaient pour changer la vie
ils venaient pour changer le chagrin en joie
ils venaient pour changer les larmes
en ricanements infinis
et ils sont repartis
ils ont été combattus
ils ont été vaincus
ils ont été assassinés
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
partir est toujours une déchirure
partir est toujours mourir
partir pour longtemps
partir pour très loin
partir partir partir
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
mais
partir quand tout est noir
partir quand tout est triste
partir quand tout est désolation
partir quand tout est médisance
partir partir partir oui partir
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
partir comme les jeunes qui te fuient ô terre
partir comme les vieux qui se sauvent aussi
partir comme les hommes qui détalent
partir comme les femmes qui s’enfuient
partir comme tout le monde en rêve
partir partir partir partir
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
partir au loin
partir pour très loin
et revenir peut-être
rien que par le corps
inanimé
AH !!!!!! TRISTESSE
partir partir partir partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
quand la terre sera belle
quand la terre sera accueillante
quand la terre sera réjouissante
et que les gens y élèveront
des chants de joie
peut-être
les gens ne partiront plus
ils demeureront à tes côtés
ô terre qui m’a donné la vie
à jamais
partir
ai-je bien fait de partir
je ne sais pas
…………………………………………………………
Terre de refuge
poète ! oh !
vous avez dit poète !
et il vient d’Afrique ! Attention !
tu es de notre race
tu es de notre sang
tu es de notre âme
tu es nous-mêmes
tu es le bienvenu au pays des livres
tu es le bienvenu au pays des libres
tu es le bienvenu au pays des stylos
tu es le bienvenu au pays des crayons
tu es le bienvenu au pays des gommes
tu es le bienvenu au pays des porte-plume
tu es le bienvenu au pays de encriers
tu es le bienvenu au pays des buvards
ton âme fait avancer la terre
ton âme fait avancer le monde
nous te chérissons
poète ! oh !
vous avez dit poète !
et il vient d’Afrique ! Attention !
ta race
est race de réfugiés
sous le nazisme
sous le racisme
sous le colonialisme
sous le totalitarisme
sous l’intolérance
DE TOUTES LES COULEURS
et l’Afrique
ô poète
ta terre natale
est encore
terre d’intolérance
ici
d’autres sont venus comme toi au 19ème siècle
d’autres sont venus comme toi au 20ème siècle
ils sont toujours venus
ils sont toujours venus
ils sont toujours venus
les indésirables chez eux
nous te proclamons juste
et te décernons fièrement
les lauriers de combattant
de la
liberté
ici est née la Négritude
ici est née l’indépendance
ici est née la démocratie
ici est terre d’épanouissement
pour toi
poète ! oh !
vous avez dit poète !
et il vient d’Afrique ! Attention !
tu es de notre race
tu es de notre sang
tu es de notre âme
tu es nous-mêmes
……………………………………………………
Je bats mon tambour
je bats mon tambour
avec vacarme
en joie
je bats mon tambour
loin de toi
ô terre
je bats mon tambour
le cœur en peine malgré tout
mais je bats mon tambour
libre
désormais
mes mains le battront longtemps
mes mains le battront longuement
mes mains le battront indéfiniment
mes mains le battront jusqu’à mon retour
oh écoute mon tambour que je bats
oh écoute ma mélodie que je bats
oh écoute ma complainte que je bats
oh écoute la complainte de mon âme en peine
je bats mon tambour jour et nuit
pour pleurer ma tristesse
mais je le bats mon tambour
en liberté
désormais
« Tambours » réunit des poèmes écrits, pour la plupart, au lendemain de mon départ du Cameroun, consécutif à ma sortie du bagne de Kondengui.
C’est une complainte, une évocation d’un temps douloureux, suivi du soulagement de l’exil, devenu synonyme de liberté recouvrée.
www.amazon.com taper Enoh Meyomesse
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