Cameroun: Ces morts de l’opération Epervier
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Cameroun: Ces morts de l’opération Epervier :: CAMEROON

Double ‘perpète’ pour le même client, c’est inédit dans l’histoire de la lutte contre les détournements des deniers publics au Cameroun. Certains sont condamnés à perpétuité.

D’autres, en se soustrayant aux procès, ont préféré ‘décliner’ l’offre d’une Justice qui ne dit pas seulement le droit. Puis il y a ceux qui sont morts en détention sans avoir été jugés. L’opération épervier, comme hier le commandement opérationnel de triste mémoire, ne fait pas toujours l’unanimité, pour dire le moins…

Voila qui n’arrange pas les affaires de ce rapace déjà fortement discrédité auprès de l’opinion publique. Cette fois-ci encore, comme ce fut le cas avec la libération forcée du Pr. Titus Edzoa et de M.T. Atangana, plus de dix ans après son déclenchement, l’opération Epervier –qualifiée par certains d’épuration politique sous le couvert de la lutte contre la corruption-vient de prendre un nouveau coup dans l’aile avec la décision de la Commission des droits de l’homme de l’Union africaine concernant Jean-Marie Atangana Mebara. Dans un livre collectif publié par Charly Gabriel Mbock en 2011, l’opération Epervier était déjà présentée comme « un devoir d’injustice». On sait que l’UA recommande la libération du prisonnier Atangana Mebara. Dans cette décision rendue récemment, sa commission des droits de l’homme recommande également à l’Etat du Cameroun de verser à l’ancien ministre 400 millions de F Cfa en guise de dédommagement pour détention arbitraire. Pour cet organe spécialisé, Atangana Mebara, incarcéré depuis août 2008, n’a pas eu droit à un procès équitable. Ce, en violation de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Combien de morts en prison, de condamnés à vie, d’évadés et d’exilés qui fuient les foudres d’une justice décriée faudrait-il encore comptabiliser pour que cette opération reprenne un visage plus humain, respectueuse des droits de l’homme et des libertés par une justice équitable et impartiale, qui tienne compte de la présomption d’innocence et des droits de la défense ? Il y a eu Ambassa Zang, ancien ministre camerounais des Travaux publics (2002-2006), Dieudonné-Télesphore Ambassa Zang, exilé en France depuis 2009, a été condamné par contumace à la prison à perpétuité. Le même tarif servi à Siyam Siwé a été différé par la Cour suprême pour retomber à 25 ans de réclusion ferme. Paul Eric Kinguè, l’ancien maire de Njombé-Penja aura ferraillé dur pour échapper à la prison à vie que lui avait gratifiée la Cour d’appel du Littoral et sera en fin de compte relaxé par la Cour suprême.

« Le rouleau compresseur », inventé par le système en place est réputé être une technique d’acharnement politico-judiciaire qui tourne à plein régime au Cameroun. Cette dangereuse machine à broyer l’homme, se révèle d’une redoutable efficacité, la machine n’est pas prête à s’arrêter en si bon chemin… écrit Jeune Afrique dans l’une de ses éditions. Zacchaeus Forjindam, l’ancien Dg du Chantier naval et Industriel du Cameroun a aussi écopé d’une perpétuité par la Cour d’appel du Littoral. Il lui était reproché le détournement de 206 millions Fcfa. L’ancien directeur général de la défunte Camair, a été condamné à la prison à vie le 25 avril dernier, par le Tribunal criminel spécial qui rebelote le 29, soit quelques jours après. Selon le quotidien Mutations édition du 27 avril 2016, «elles sont à ce jour près d’une dizaine les personnes ayant écopé de la condamnation à vie au Tribunal criminel spécial, dans le cadre de l’opération d’assainissement des mœurs en rapport avec la gestion des finances publiques et la bonne gouvernance».

Les évasions

Il y a des eperviables ‘heureux’ : Dayas Mounoume, l’ancien Dg du Pad qui a senti le vent venir, a préféré se fondre dans la nature ; Ambassa Zang, l’ancien ministre des Travaux publics ; Jean-Marie Assene Nkou (affaire de l’avion présidentiel) ; Patricia Daisy Ename (ex-sous-directrice des finances de la Crtv) ; Justin Zeh Zeh (ex-directeur des Finances du Feicom, Njiemoun Isaac, ex-Dg de la Caisse autonome d’amortissement.

Morts en prison

En élisant domicile au quartier 11 de Kondengui en juillet 2008 Booto à Ngon avait moins d’un an pour survivre à cet univers carcéral reconnu comme un mouroir. L'ex-Pca du Crédit foncier âgé alors de 80 ans, a pourtant ‘tiré’ 40 ans de prison dans le cadre des affaires de détournement de deniers publics. Il est décédé dans la nuit du 12 au 13 février 2009 en cellule. 

Dans les années 1990, André Booto à Ngon a été ministre des Finances, puis ministre de la Fonction publique. Sorti du gouvernement, il rebondit à la tête du conseil d’administration du Crédit foncier en 1999, où il reste jusqu’en 2005. Entre temps, en 2002, il est élu député. Dans la chambre 321 qu’occupait l’ancien ambassadeur du Cameroun aux Etats-Unis tout n’était que silence. Après un énième malaise. 

L’ancien ambassadeur du Cameroun aux Etats-Unis et coaccusé de Jean-Marie Atangana Mebara dans le détournement des fonds destinés à l’achat d’un avion présidentiel, est décédé en 2014 à l’Hôpital général de Yaoundé. Il était jusqu’à sa mort pensionnaire de la prison centrale de Kondengui. Cette disparition porte à trois le nombre de prisonniers de l’opération épervier décédés en détention au cours de cette année 2014.

Dieudonné Angoula, la soixantaine, ancien directeur des télécommunications au ministère des Postes et télécommunications (Minpostel) séjournait à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis 1999. Il est mort la même année en détention. 

Le 19 mars 2014, c’est Catherine Abena, ex-secrétaire d’Etat aux Enseignements secondaires qui meurt à son tour. Elle avait été interpellée le 4 janvier 2010, puis écrouée à la prison centrale de Kondengui pour détournement de fonds publics. 

Deux mois seulement après, le 8 mai 2014, Henri Engoulou âgé de 60 ans, ancien ministre délégué en charge du budget au ministère de l’Economie et des finances meurt en détention.

Comme Catherine Abena, il meurt sans avoir été jugé. Ce, après avoir passé plus de quatre ans de détention provisoire à la maison d’arrêt de Kondengui…

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