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© L’Oeil Du Sahel : YVONNE SALAMATOU
- 18 Jan 2016 00:00:00
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CAMEROUN :: Réfugiés nigérians : la poudrière :: CAMEROON
Le Cameroun est confronté à un défi logistique et sécuritaire sans précédent.
«Une polémique inutile. Nous n’avons pas refoulé des réfugiés nigérians dans leur pays contre leur gré, car le Cameroun, terre d’accueil des réfugiés, respecte toutes les conventions internationales. Chaque fois qu’ils retournent chez eux, c’est toujours à leur demande et les autorités nigérianes sont naturellement informées. D’ailleurs, elles les accueillent à la frontière, à Mubi», indique un collaborateur de Midjiyawa Bakari, gouverneur de la région de l’Extrême-Nord. Le moins que l’on puisse dire est que les autorités camerounaises sont particulièrement étonnées par la propagation des informations relatives au refoulement des refugiés nigérians, dont le chiffre de 20.000 est allègrement avancé par plusieurs médias. «Le plus souvent, ils demandent à retourner rapidement dans leur pays, et le Cameroun active alors le dispositif de retour en prenant toujours soin d’informer toutes les parties.
Ceux qui estiment qu’ils peuvent encore rester sont là, et ils sont traités comme des réfugiés», informe Abakoura, un habitant de Kolofata. Malgré une frontière dangereuse avec le Nigeria, ils ne sont plus qu’une vingtaine de familles de réfugiés à être restée dans l’arrondissement de Kolofata. Dans celui de Mora camer.be, leur nombre oscille autour de 8.000. Dans d’autres départements affectés par la crise, notamment le Logone et Chari et le Mayo-Tsanaga, le nombre des réfugiés oscille au gré des opérations militaires de l’autre côté de la frontière. Toutes les sources s’accordent à reconnaître qu’il pourrait tourner, minimalement, autour de 80.000, auxquels s’ajoutent les 52.000 réfugiés enregistrés dans le camp de Minawao. Le Cameroun est donc confronté à un véritable défi.
A la fois logistique et sécuritaire. Pis, la grogne commence à monter dans la population. Logistique, parce que l’unique camp des réfugiés, celui de Minawao, est saturé. Construit sur 554 hectares mis à disposition par le gouvernement, ses capacités d’accueil sont de 20.000 personnes. Et voilà qu’il ploie aujourd’hui sous le coup de 52.000 réfugiés. «A son ouverture en 2013, il n’y avait que 600 réfugiés. En deux ans, 50.000 autres sont arrivés. La situation est intenable», explique un responsable du HCR.
Cette surpopulation du camp n’est pas sans affecter les ressources disponibles, notamment l’eau. «Pour résoudre le déficit en eau, le HCR et Camwater vont construire un pipeline qui va ravitailler le camp depuis Mokolo. Ce projet devrait prendre corps en mars et nous pourrons alors approvisionner à terme quelques 200.000 personnes», poursuit un autre responsable du HCR. L’organisation de Nations-Unies voit grand, signe que la question des réfugiés est inscrite dans la durée.
SÉCURITÉ
Toutes les sources s’accordent à dire que le lancement de ce projet d’adduction d’eau fait suite aux hésitations du ministère de l’Administration territoriale à ouvrir un second camp pour les réfugiés nigérians. Pourquoi ? Parce que la question sécuritaire dépasse désormais le cadre de l’humanitaire. «Le gouvernement doit être extrêmement prudent et prendre des mesures appropriées. Beaucoup de réfugiés fuient ces derniers jours les bombardements de l’aviation nigériane sur certaines positions de Boko Haram situées à la frontière. Cela laisse planer un certain doute sur la qualité desdits réfugiés dans la mesure où, avant lesdits bombardements, ils cohabitaient tant bien que mal avec la secte terroriste. Il y a donc un réel danger d’infiltration de Boko Haram sous le couvert des réfugiés», explique Ousmane, un habitant de Fotokol. Un épisode parmi tant d’autres : le 04 janvier 2016, des membres de Boko Haram s’étaient mêlés à quelques 180 réfugiés nigérians qui étaient entrés au Cameroun et avaient ouverts le feu sur des militaires de la Force Multinationale Mixte (FMM) à Wambaché, blessant deux d’entre eux, alors que ceux-ci voulaient se livrer à une simple opération de contrôle des réfugiés.
«Notre bonne disposition ne doit pas créer des problèmes à nos enfants, à la génération future. L’exemple des Banyamulenge en RDC doit nous interpeller. Nous ne sommes pas des xénophobes, loin de là. Mais les réfugiés ne doivent pas être pour nous, une source de problème sécuritaire. Les kamikazes sont partout, ils explosent partout et l’on ne sait plus qui est entré chez nous comme réfugié ou pas. Et demain ou dans quelques années, qui sait ce que tout cela deviendra ? Nous aimons notre pays et nous demandons au gouvernement d’être prudent sur la question des réfugiés, vraiment il doit être prudent», affirme Moussa, vendeur de crédit téléphonique à Mora. A côté de lui, un client acquiesce. Il faut dire que malgré les mesures prises par les autorités pour sécuriser le camp de Minawao, un lieu «fermé» et normalement «contrôlable», les infiltrations de Boko Haram sont fréquentes. «Un centre de transit existe à Gouroungel, avant l’entrée du camp. Il a été créé en juillet 2015. A leur arrivée au centre de transit, les réfugiés sont soumis à des fouilles effectuées par les forces de maintien de l’ordre, avant d’être enregistrés et transférés au camp de Minawao par le HCR.
Dans la norme, ils ne doivent pas passer plus de 48 h dans le centre. Malgré tout, la peur règne. Même les gendarmes postés à l’entrée du camp évitent d’y rentrer. Certes, les comités de sécurité qui se sont créés dans le camp organisent la traque des suspects et les livrent aux gendarmes, mais chacun ici est plus que sur ses gardes», renseigne un humanitaire qui travaille à Minawao.
MAUVAIS PRÉCÉDENTS
Les récents évènements enregistrés dans le camp de Minawao en rajoute aux interrogations. En une semaine, 5 suspects liés à Boko Haram ont été interpelés. Accusés d’être des ravitailleurs en carburant des membres de la secte Boko Haram, les nommés Bakoura Sali et Abba ont été interpelés le 10 janvier 2016. Ce sont des réfugiés qui les ont formellement reconnus et dénoncés aux responsables chargés de filtrer les réfugiés alors même qu’ils essayaient d’usurper ce statut et d’y trouver un abri. Conduits à la compagnie de gendarmerie de Mokolo, ils ont à leur tour dénoncé deux autres complices qui tournaient autour du camp. Il s’agit notamment des nommés Abba Ali et Mohamed, recherchés par les forces de l’ordre.
«Ici, les terroristes de Boko Haram sont au vert. Ils ont leur organisation. Quand vous avez des suspects qui essayent de pénétrer dans le camp, c’est qu’ils savent qu’ils vont y trouver une logistique conséquente. De plus, des gens viennent de part et d’autres avec leurs bagages sur la tête et cherchent refuge dans le camp. En ce moment, on arrive plus à distinguer qui est Boko Haram ou pas. D’ailleurs, personne ne peut dire avec exactitude leur provenance. Tout est flou et c’est au gouvernement de résoudre tout cela, pas à nous qui ne demandons qu’à vivre», explique Moussa Bladai.
La menace d’une crise alimentaire
L’insécurité alimentaire a considérablement augmenté au cours des trois derniers mois dans la région de l’Extrême-Nord, particulièrement dans le Logone et Chari, le Mayo-Sava et le Mayo-Tsanaga, départements les plus affectés par la violence de Boko Haram. Les résultats de l’évaluation de la sécurité alimentaire en situation d’urgence (Efsa), conduite en septembre 2015, confirment les signaux d’une montée de l’insécurité alimentaire. Si l’on compare à l’Efsa réalisée en juin de la même année, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire a plus que doublé, passant d’environ 570 000 à 1,4 million. Le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire sévère, ayant besoin d’une assistance immédiate, a augmenté de plus de 400 % en six mois, passant de 53 000 à plus de 200 000. Les perspectives pour la saison agricole à venir sont sombres avec un déficit prévu de 200 000 tonnes de céréales, à comparer aux 130 000 tonnes enregistrées l’année passée. Aussi, les communautés vulnérables telles que les PDI et celles de retour après un déplacement, vont-elles devoir lutter pour se nourrir et seront forcées de réduire les repas et d’adopter d’autres mécanismes de survie négatifs, en raison du manque de revenus et de moyens pour reprendre leurs activités agricoles.
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