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© Le Jour : Franklin Kamtche
- 22 Dec 2015 16:55:07
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CAMEROUN :: Elba ranch annex Esu : Les villageois envahissent le ranch de Baba Danpullo :: CAMEROON
L’administration se montre frileuse, le chef supérieur d’Esu est suspicieux. La récupération forcée des terres attribuées au milliardaire de Ndawara par le défunt Fon est en marche.
Un conflit ouvert oppose les populations d’Esu, un village de l’arrondissement de Fungom, dans le Nord Ouest anglophone, à El Hadj Baba Danpullo, un homme d’affaires multidimensionnel, qui y pratique l’élevage depuis 1984. Esu Town, un grand regroupement humain perdu dans lamontagne qui culmine au lac Nyos, se trouve à 22km de Wum, chef-lieu du département du Menchum, à 100 km de Bamenda. Plusieurs kilomètres qu’on parcourt sur une route à peine carrossable, perdue entre de hautes herbes, des eucalyptus nains et des raphias, séparent le village du ranch de cet homme d’affaires originaire du Boyo voisin.
L’impression ici, est que tout le monde se connaît. Sur le chemin, l’on peut apercevoir un marché de bétail, presque à l’abandon puis un ou deux édifices publics.Au loin, sur une colline, les bâtiments du lycée technique d’Esu. Les terres sont encore presque vierges, jusqu’à la ferme de Danpullo. A l’entrée du ranch, un modeste chantier retient l’attention. Une petite maison en parpaings est en cours d’achèvement. Les travaux ont été interrompus, un peu comme si on n’était plus pressé. On rencontre des villageoises isolées, houes sur la tête, qui rentrent des champs. Deux kilomètres plus loin et voilà une des résidences des techniciens du ranch. Une femme sort d’une maison. Elle rentre aussitôt alerter quelqu’un, probablement son mari. B.A. sort et s’enquiert desmotifs de notre présence. Rassuré, il explique qu’ils vivent désormais avec la peur dans le ventre. Depuis qu’il y a environ deux mois, une foule de ressortissants d’Esu a envahi au petit matin les terres environnantes de leur domicile, pour commencer à cultiver la colline aride et construire des cases en paille. « Si rien n’est fait, ça va être chaud pour nous dans ce ranch, lâche le veilleur, présent sur le site depuis trois ans. La première fois, ils étaient plus de 3000 et armés de machettes.
Hommes, femmes, enfants se sont mis à labourer. Je crois qu’ils préparent la prochaine saison agricole car on ne peut rien semer maintenant. En un jour, ils ont construit tout ce que vous voyez là. Un autre jour, ils sont venus et ont construit de l’autre côté ». Au loin, on voit des espaces nettoyés et des toits sur des huttes inachevées. En clair, l’invasion du ranch est organisée. En le parcourant, on constate que des centaines de piquets ont été implantées sur lamontagne. «Chaque ligne de piquetsmatérialise le lot attribué à un villageois », expliquent les employés.Mais le ranch est plus que vaste et il vaut mieux ne pas s’aventurer au loin.
Affamer les boeufs en détruisant le fourrage
Sur le petit espace que le reporter parcourt à pied, puis à moto, le jeudi 16 décembre 2015, il dénombre des dizaines de parcelles tracées à la machette. Des troupeaux paissent à l’intérieur. Sur d’autres points, ils ont implanté des piquets plus gros, qui portent des toits en paille. M. Sale, contremaître du ranch, estime à une cinquantaine le nombre de maisons en cours de construction depuis six semaines. Semblables à celles qu’habitent les bouviers Bororo, elles ont la particularité d’être situées aux alentours des billons labourés et de larges pans de montagne défrichés. S’ils ressemblent à de futurs greniers, ils préparent sans doute de futurs campements paysans, les saisons où le travail abonde. « On est sur la colline. Tous les bas-fonds ont déjà été envahis par ces gens, qui y pratiquent les cultures maraîchères », révèle un berger. Quelques rejets de bananiers ont été aussi plantés, sans aucune chance qu’ils poussent vraiment, en cette saison sèche. Des briques de terre sont faites ici et là, annonçant la construction de maisons plus sérieuses.
L’attitude de quelques villageois qui traversent le ranch donne la mesure de leur détermination. « Vous êtes encore là ? Vous chassez les boeufs et nous, on va vous chasser », lance l’un d’eux, en pidgin. « Attendez, lorsque vos boeufs vont manger un seul pied de notre maïs, vous allez voir ce qui va vous arriver », ajoute un autre. Si l’escalade est évitée jusque-là, c’est à cause de la prudence des employés d’Elba ranch annex, qui font preuve d’une réserve appréciable. Les actes de provocation sont en fait nombreux. De larges espaces, consacrés à la culture du « braqueria », une plante fourragère cultivée pour suppléer les ruptures d’herbes en contre-saison, ont été détruits par les populations d’Esu. Plus triste, certains coupent des plantes toxiques et les jettent par terre, pour empoisonner les animaux. « Ces plantes sont dans la broussaille. Tant qu’elles sont debout, elles ne sont pas nocives.Mais si une feuille tombe dans l’eau et que l’animal boit, c’est la mort », explique Younoussa Abba, technicien vétérinaire dans le ranch. A notre passage, un boeuf venait de mourir, après avoir mangé une de ces herbes.
D’autres membres du troupeau étaient sous surveillance. SelonM. Sale, cela fait 45 boeufs qu’ils perdent ainsi depuis le début de l’année 2015. En plus de ces incursions dans le ranch, les actes de brigandage se multiplient. Des fois, les boeufs sont égorgés ou fusillés et faute de moyen de transport, la viande est abandonnée en brousse. Assez souvent, on retrouve des carcasses en train de pourrir ou de sécher sur des pierres. Grave méchanceté, deux gaillards ont récemment tué un taureau de 10 ans, un spécimen importé de Grande Bretagne pour assurer la reproduction des vaches. Cueillis avec une arme de guerre, ils ont été traduits devant le tribunal militaire. C’est chaque mois que des voleurs sont appréhendés dans cet espace privé. Mais seuls quelques malchanceux sont entre lesmains de la justice, du fait de la corruption des forces de l’ordre. Ainsi, à Wum, le ministère public est sans nouvelle d’un braqueur appréhendé avec une arme.
L’ambiance est délétère
« Bandit ou non, ils savent qu’en posant ces actes, cela va nous déstabiliser », résume le contremaître, qui collectionne les photos de cette razzia. Pourquoi cette fixation sur Elba ranch alors qu’à Esu, il existe de nombreux espaces arables et vides ? Fon Kamzu Albert Chi a refusé de parler au reporter. « Je suis le chef de ce village. Donc je sais ce qui se passe partout », s’est-il contenté de préciser. Mais l’on sait que la parcelle querellée a été cédée à Baba Danpullo en 1984, par son père, Fon Buh II Joseph Meh. Dans une lettre de cession adressée au préfet du Menchum le 17 juillet 1987, laquelle est signée de six notables de la cour, le chef demande de prendre toutes les dispositions utiles pour officialiser la mise en valeur de ce qu’il considère comme un projet de développement, l’extension de Elba ranch Ndawara sur la parcelle située à Wungundali, dont les dimensions sont vaguement précisées, « from Alhadji Warari Kuga to the area near Alhadji Mala along Esu-Furu Awa road ».
Dans l’accusé de réception du préfet au propriétaire le lendemain, Faï Yengo Francis fait savoir qu’il n’a pas d’objection. Entre le milliardaire installé à Ndawara et Fon Buh II Meh, c’est l’accord parfait. Le 12 octobre 1996, le paramount chief, toujours avec six notables, lui adresse une lettre d’« extension de la parcelle agricole et pastorale d’Elba ranch annex Esu ». Fait non anodin, il y rappelle qu’il est son fils et déjà un fils du village. « Faisant suite à ta requête verbale pour plus de terre faite à ton domicile à Esu, j’ai convoqué un conseil traditionnel extraordinaire qui s’est tenu au palais, sousma présidence. Nous avons décidé de t’allouer plus de terre, cette fois à Kimiamia Esu. Cette nouvelle parcelle camer.be, en partie occupée par un certainAlhadji Tashi Torunto n’a pas de champ et a été mise en réserve pour le pâturage sous mon règne ». Il confirme que les parcelles antérieures mises en valeur par l’homme demeurent sa propriété. Les chefs traditionnels doivent lire dans la boule de cristal. La preuve camer.be? « In fear we must not run into dangerous conflicts, bitterness and farmer grazier problems, the above mentioned farming land should be very strictly respected for the interest of peace and good order in Esu village which we love so much, and cattle must not be allowed to graze there in », écrit-il. Baba Danpullo y revendique à ce jour 10 000 boeufs, des chevaux et quelques chèvres, suivis par une centaine d’employés divers. N’empêche, beaucoup de villageois estiment que c’est trop.
Dans ce village où séjourne « l’espionite », le virus de l’espionnage, on ne parle pas sans risque aux étrangers. Néanmoins, nous avons pu avoir les raisins de la colère. « Quel que soit ce qu’il a pu donner à notre défunt chef, ce qui se passe n’est pas normal. Comment un individu peut-il s’approprier la moitié des terres d’un village qui n’est même pas le sien ? » La stratégie de récupération des terres de Baba Danpullo est publique et partagée. Lorsque les populations ont envahi le ranch au mois de novembre dernier, le sous-préfet de Fungom a peiné à les calmer.Quand il a voulu leur demander d’attendre la suite que la justice accordera à une requête pendante au tribunal de Wum, ils l’ont hué. « Nous n’allons plus partir au tribunal. Il n’y a plus de sous-préfet. La loimaintenant, c’est nous », lui ont lancé des jeunes gens déterminés, qui dénoncent les pouvoirs de l’argent. Prévu pour le 7 novembre 2015, le délibéré a été rabattu au 27 janvier 2016. Le sujet avait entre autres alimenté la campagne électorale pour les législatives et les municipales de 2013. « Si vous votez le Rdpc, sachez que vous avez donné vos terres à Baba Danpullo. Si par contre, vous me votez, nous allons nous battre pour récupérer ces terres », attribue-ton au candidat du Sdf, finalement vainqueur.
Le Minatd attendu sur le terrain
Depuis lors, les camps se regardent en chiens de faïence. Des villageois affirment avoir dans leur démarche, le quitus de la hiérarchie administrative, sans apporter de preuve. Plus embarrassant, le préfet du Menchum est muet, dans l’attente des « instructions de la hiérarchie ». Question de procédure, dit-il. « Je ne donne pas d’interview aux journalistes. C’est une affaire administrative et je rends compte àma hiérarchie. SiM. Danpullo se plaint, c’est à lui de vous donner les preuves de ses frustrations », a confié au téléphone Bernard Emvoutou Mbita. Ahmadou Danpullo a évidemment adressé il y a deux semaines une requête au ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, avec copie au PremierMinistre et au Président de la République, dans laquelle il dénonce le parti pris des autorités locales dans le combat qu’il mène pour la libération de son ranch. « Depuis que les relations entre le gouverneur et moi se sont détériorées, ce dernier fait feu de tout bois pour susciter la tension à Elba ranch annex Esu.
C’est avec la complicité du gouverneur de la région du Nord-Ouest que les populations d’Esu ont engagé la culture des produits vivriers et autres constructions dans l’enceinte de mon ranch, sous le regard complice de l’administration locale. A ce jour, nous sommes en droit de signaler que le chef traditionnel d’Esu et ses sujets ont arraché ma propriété », écrit-il au Minatd. Il souhaite qu’une « mission neutre » soit dépêchée sur le terrain pour démêler l’écheveau. Nous n’avons pas pu rencontrer le gouverneur indexé, en voyage à Batibo, avec une délégation ministérielle. Dans son entourage cependant, on rappelle qu’Adolphe Lele Lafrique Leben Tchoffo n’est pas le premier gouverneur avec qui Baba Danpullo est en froid. « Je n’ai aucun problème particulier avec M. Danpullo », avait-il répondu à notre confrère de Mutations, lorsqu’il l’a sollicité sur la question. Dans le Nord-Ouest en général, la question de la juste répartition des terres ancestrales préoccupe. Afin que les générations futures aient aussi des terres. On rappelle qu’un chef traditionnel a déjà été brûlé vif, pour avoir aliéné le patrimoine de son village.
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