Journées de propreté - Au secours : encore une histoire de fous
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Depuis quelques temps, les autorités de la ville de Douala organisent une journée dite de propreté. Tous les petits commerces sont fermés dans la matinée et personne ne se livre à une action…de propreté. La demi-journée est fériée (soit l’équivalent deux à trois jours par mois) pendant que dans le monde entier, les pays qui inondent nos marchés de produits, travaillent pratiquement sept jours sur sept. Qui a eu cette idée folle ?

Jeudi 09 juillet 2015, nos reporters sillonnent les quartiers à Bonabéri parce qu’une clameur dès l’aube, laisse supposer que quelque chose d’important se prépare. Dans ce quartier de la périphérie de Douala, les résidents qui y habitent travaillent pour l’essentiel de l’autre côté du célèbre pont du Wouri. Quelle n’est pas leur surprise de constater que la police a pris possession de tous les carrefours importants ; que les véhicules des forces de l’ordre parcourent, l’air menaçant, les routes défoncées de cet arrondissement de Douala.

L’activité économique paralysée

Nos reporters, informés de la situation, descendent sur le terrain pour constater que depuis quelques temps, la journée mensuelle dite de propreté est passée à une périodicité… hebdomadaire. Autrement dit, tous les petits commerces, les célèbres vendeuses de beignet-haricot-bouillie, les « brûleuses » de maïs, les vendeurs de soya… sont au chômage à cause d’une idée « lumineuse» sortie tout droit de l’esprit, d’hommes usés par 30 années de « Renouveau ».

Devant toutes ces activités closes, on note des attroupements de femmes incrédules face à ce spectacle insolite qui s’offre à leurs yeux. Des bébés en pleurs qui attendent que leur maman se procure du lait de « cent » pour leur petit-déjeuner ; des ménagères, la bouteille de gaz sur la tête parcourant les ruelles inondées par les précipitations des derniers jours, s’inquiétant surtout du fait que le repas du « massa » ne puisse être prêt à l’heure habituelle. Les enfants en vacances qui ne comprennent pas que l’on puisse les priver de leur « tapioca-sucre » matinal.

Quels sont les objectifs que le pouvoir veut atteindre, d’autant plus que pendant ces journées de propreté, aucun commençant ou presque n’est surpris en plein nettoyage ? On a tout simplement l’impression qu’il s’agit là d’un caprice sorti tout droit d’esprits illuminés que Paul Biya nomme à des postes pour lesquels, ils sont loin d’avoir les capacités requises.

Des conséquences économiques et sociales graves

Tout cela prêterait à sourire s’il n’y avait toutes ses conséquences économiques et sociales graves qui, une fois de plus, frappent les plus faibles et vulnérables. Un exemple illustre assez bien notre propos : pendant que le petit « boutiquier » du quartier ne peut vendre ni lait, ni sucre, ni pain en cette matinée, une grande boulangerie peut le faire, sous le regard complice des autorités. C’est le cas aussi pour toutes ces commerçantes dans nos marchés qui déjà, tirent le diable par la queue et n’avaient nullement besoin de cette contrainte supplémentaire.

Prendre une telle décision est non seulement méconnaitre le fonctionnement de notre économie informelle pourvoyeuse de millions d’emplois, mais aussi son rôle dans l’équilibre de nos finances publiques. Tous ces commerçants plus ou moins reconnus par l’Etat, fonctionnent au jour le jour. Ils ont, pour la plupart, des « tontines » quotidiennes à honorer. Peuvent-ils se permettre de perdre deux à trois journées de travail par mois afin d’assouvir les lubies de quelques créatures d’un Chef de l’Etat lui aussi à court d’idées ; qui ne savent rien faire d’autre que de vivre sous « les mamelles » d’un Etat sélectivement protecteur ?

Le pire est que ce sont les mêmes qui voient leurs « masures » détruites avec violence et arrogance par les mêmes profiteurs de la fortune publique, sans humanité. Le chiffre d’affaires perdu en matinée peut-il se récupérer dans l’après-midi ? Même un élève moyen du cours élémentaire comprendrait bien cette problématique.

Dans cette affaire, maints exemples montrent que l’Etat y perd beaucoup. On note, pendant lesdites journées stupidement baptisées « de propreté », la rareté des motos-taxis, de taxis et d’autres moyens de locomotion ; il ne faut pas être prix Nobel en économie pour tirer la conclusion selon laquelle, non seulement le secteur pétrolier perd d’importants revenus, mais aussi l’Etat qui récupérera moins de taxes pendant environ 22 jours par an : c’est un vrai scandale et nous sommes étonnés que si peu de gens, notamment les élus, ne « crient » pas assez avec nous.

L’impact d’une telle décision dans une ville qui est le poumon économique du pays, ne fait aucun doute sur les recettes douanières et la collecte de la Tva, sans lesquels l’Etat aurait du mal à faire face à ses engagements, notamment en ce qui concerne les nombreux « courts brefs longs et moyens séjours » du Chef de l’Etat et sa cour en Suisse.

Une mauvaise solution pour régler un réel problème

Le problème est bien là ! Dans un pays en grosses difficultés, lorsqu’un chef d’Etat passe le clair de son temps à se promener, que les médias officiels font de ces nombreux séjours privés en occident des événements majeurs, il est normal que des gens qu’ils nomment en arrivent à croire que dans un pays où existe un record de jours fériés, la règle soit le repos, et l’exception le travail.

Dans ce monde globalisé, aucun pays ne peut se permettre une telle relâche. En France, aussi spécialiste en jours fériés, tous les économistes s’accordent à reconnaître que 35 heures de durée hebdomadaire de travail ne sont pas suffisants pour être compétitif. Mais ce pays n’est pas pour nous un concurrent direct: notre production nationale est attaquée sur le marché par des produits asiatiques, lesquels sont issus des pays où on travaille pratiquement 7 jours sur 7, plus de huit heures par jour, et où l’annonce d’un voyage privé du chef de l’Etat ne saurait être annoncé dans les médias, en dehors des périodes légales, sans que cela ne soulève un tollé général.

Déjà la décision de faire de la demi-journée de samedi, un jour férié pour les fonctionnaires a eu un impact désastreux sur la production nationale. On sait que l’administration a un poids terriblement important dans l’activité économique ; désormais, la plupart des Camerounais, surtout les fonctionnaires, travaillent de lundi à vendredi 12 heures. Jeudi dans la Région de l’Ouest par exemple, à partir de 10 heures, on est à la mise en bière ; vendredi, à partir de 10 heures, on va « attendre le corps sur place ».

Toutefois, le problème de propreté posé par les autorités est bien réel. Indépendamment du véritable rôle joué par l’entreprise Hysacam qui soulage chaque année les contribuables camerounais de plusieurs milliards de francs Cfa, une réflexion minimale aurait permis de limiter la casse annoncée. Pourquoi ne pas demander par exemple à tous les commerçants (pas seulement les petits) de payer une taxe annuelle de 1000 frs le m2 de la surface de leur commerce, somme qui permettrait de mettre en place une société d’économie mixte chargée d’effectuer le nettoyage, que la journée de propreté ne réussi pas à concrétiser ? Pourquoi ne pas les obliger à adhérer à une association ou une coopérative pour régler ce problème, les contrevenants se voyant sanctionnés selon une forme à décrire ?

Dans un pays ruiné par le « Renouveau » et ses fonctionnaires, fermer les petits commerces dans la principale ville du pays 22 jours par an en moyenne, est non seulement une aberration économique, mais carrément une folie dont il faudra bien qu’un jour, ses auteurs s’en expliquent devant le peuple excédé.

N.B.: Le dictionnaire Robert nous apprend qu’un fou est aussi quelqu’un qui agit, se comporte d’une façon peu sensée, anormale. Ceci pour nos amis du Cnc, qui ayant des limites dans la compréhension des mots, seraient capables de venir chercher des poux sur la tête d’un…chauve.

 

© Ouest Littoral : Benjamin Zebaze

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