Abbé Benoît Marie Ndongo Andegue : « Un élève ne doit pas chercher des notes sexuellement transmissibles »
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Quel était l’objet de votre visite dans le Grand-Nord et qu’avez-vous observé pendant votre séjour ? 
L’éducation catholique dans le Septentrion épouse l’environnement même dans lequel se trouve cette partie du pays. Un environnement de la peur du terrorisme. Nous étions dans l’Extrême-Nord, dans le Nord et l’Adamaoua. Dans l’Extrême-Nord par exemple, vous sentez, même si des gens vaquent à leurs occupations, que la peur du terrorisme plane toujours. Mais nous avons trouvé les parents, les élèves, les enseignants le jour de la rentrée. Des enseignants dispensaient déjà des cours, les élèves étaient présents dans les écoles et des staffs administratifs ont manifesté leur détermination à relever les défis pour cette année scolaire. Donc, nous sommes globalement satisfaits. Il y a certes la timidité des débuts, mais nous pensons qu’au fur et à mesure, les choses vont s’améliorer. 

Quelles recommandations avez-vous données aux enseignants de l’ordre catholique ?
En tant que secrétaire national de l’enseignement catholique, les instructions que j’ai données pour l’organisation de l’enseignement catholique, se résument au niveau du thème annuel : « L’école catholique face au défi de l’éducation humaine intégrale ». Chaque année, nous choisissons un thème qui pilote nos activités. Le thème de cette année scolaire résume par ailleurs le projet éducatif de l’enseignement catholique. Et à partir de ce thème, les autres aspects de la vie scolaire se dégagent. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus seulement nous contenter des performances académiques. Tout le monde le sait, l’enseignement catholique est l’enseignement phare dans notre pays, en termes de performances aux examens.

Mais, dans une société de déviances, dans une société en crise, il s’agit pour nous aujourd'hui, de former des citoyens solides, équilibrés intellectuellement, moralement, culturellement ; des citoyens capables de s’assumer dans une société qui produit davantage des chômeurs. Rendez-vous compte que beaucoup sortent des écoles, mais n’ont plus rien dans la tête au moment de s’assumer dans une société qui propose des contre-valeurs. Je pense que c’est à partir de l’école que doit se construire l’avenir de l’église, l’avenir de la nation. Nous devons tous promouvoir une éducation totale et de qualité pour nos enfants. 

L’ordre d’enseignement catholique garantit-il encore aujourd'hui une éducation de qualité ?
Aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous contenter dans notre organisation des grands résultats et des performances académiques. Nous nous réjouissons que le Collège de Mazenod soit l’un des collèges phares de notre organisation au Cameroun. Mais aujourd'hui, au-delà des résultats, l’école catholique doit se recentrer sur la mission même qui est celle du Christ confiée à son église : l’évangélisation. Voilà pourquoi dans l’école catholique, nous parlons généralement de deux rails.

Alors, nous devons promouvoir l’excellence scolaire, donc, la pédagogie de l’excellence, mais aussi la foi, la préservation, la sauvegarde de l’identité catholique. Et comme catholiques, nous formons tout le monde, tout homme : la formation intellectuelle, d’ailleurs, la pédagogie est la raison d’être de l’école ; la formation physique, donc, des citoyens physiquement forts pour les défis à relever ; la formation morale, culturelle, éthique ; et surtout, la formation spirituelle. Notre société est un vaste océan où il y a du bon, mais aussi du mauvais. Est-ce que l’élève qui est formé à Mazenod, et qui sort de cet établissement, qui est offert à la société, peutil s’assumer ?

Il ne s’agit plus de former les élèves juste pour des diplômes parce que nous souffrons beaucoup plus de la diplômite. Beaucoup d’enfants ont des diplômes, mais en fait, ne savent rien faire. Il faut que l’élève de l’école puisse s’assumer pour qu’il soit utile à lui-même, mais aussi à la société et à l’église. Il faut également que cet élève puisse faire face aux défis de la société aujourd'hui. Et nous savons que la rentrée 2017- 2018 était une rentrée de tous les défis dans notre pays, dans un contexte de terrorisme, dans un contexte de crise sociale, de contestations, de violences, de protestations où les gens sont arrivés à banaliser la République en piétinant, en marchant sur le drapeau. 

Pensez-vous pouvoir être à la hauteur de votre projet d’éducation humaine intégrale ?
Lorsqu’on parle d’éducation humaine intégrale, il s’agit de l’éducation au civisme, de former de bons citoyens, de bons croyants. Et ces missions, nous les confions en premier lieu aux parents qui sont les acteurs clés. L’éducation commence en famille. Et la famille est l’extension de l’école et l’école est l’extension de la famille. Donc, les deux entités sont connectées. Donc, si le parent ne fait rien en famille, l’école ou les enseignants ne feront rien. Tout en remerciant les parents pour ce qu’ils font, je voudrais les inviter à davantage d’implication dans l’éducation de leurs enfants.

Beaucoup ont démissionné aujourd'hui, et c’est grave. Les autres acteurs majeurs, ce sont des enseignants. Oui, la condition de vie des enseignants est difficile. Et parfois, nous allons de revendication en revendication. Ce n’est que normal, au vu de ce qu’ils fournissent comme travail. Mais j’aime aussi à dire que lorsque tu connais ta poche, tu vis conformément à la capacité d’action de cette poche. C’est ça l’école catholique aujourd'hui. Mais la satisfaction d’un enseignant, c’est de voir que les enfants qu’il encadre aujourd'hui soient des leaders de la société demain. Ce ça l’objectif. Mais si ces enfants échouent tout, ce sera également la honte de tous les enseignants. 

J’invite donc les enseignants à être les porteurs de cette éducation humaine intégrale, en étant d’ailleurs eux-mêmes des modèles. Partout où je suis passé pendant ma tournée dans le Septentrion, j’ai raconté l’histoire de cet enseignant qui était chargé de ranger les élèves pour plus de discipline au rassemblement. Malheureusement pour lui, il était handicapé du pied gauche. Donc, lorsqu’il se plaçait devant les petits enfants particulièrement turbulents, il commençait à gronder disant : je veux que tout le monde soit dans les rangs, que tout le monde soit tout droit comme moi. Pourtant, lui, l’enseignant, était penché puisqu’il était handicapé.

Et les enfants ont donc compris que comme l’enseignant est penché, tous devraient se pencher et ils se sont penchés en se disant : nous sommes droit comme le maître. Donc, les enfants voient en l’enseignant le modèle. Si l’enseignant est penché, les enfants seront penchés, s’il est droit, les enfants aussi le seront. L’enseignant, c’est la bonne tenue, c’est l’engagement, c’est le dévouement, quelles que soient les situations qu’on vit. Il doit avoir la conscience professionnelle et surtout, la vie de foi. Aujourd'hui, est-ce que tous nos enseignants sont mariés à l’église ? Je pense que d’ici quelques mois, nous allons engager une campagne de régularisation de la situation ecclésiastique de nos enseignants ; il faut qu’ils soient mariés, qu’ils accèdent aux sacrements, qu’ils soient engagés dans les paroisses. 

Quels sont les maux qui minent votre ordre d’enseignement ?
Nous avons un cours à l’intégrité qui est dispensé parce que nous menons une lutte contre la corruption en milieu scolaire. Je me rappelle qu’un jour, un élève est arrivé en retard dans un collège catholique dont la discipline était tellement rigoureuse. Donc, quand l’élève arrivait en retard, il rentrait chez lui. L’enfant rentre donc, et son père se fâche, ne voulant pas que son enfant rate les cours.

Lorsque le parent arrive au portail, il commence à vouloir flatter le vigile et sort 5 000 FCfa pour donner à ce dernier. C’est l’enfant qui l’interpelle et lui dit : papa, on ne fait pas comme ça ici. La corruption peut avoir plusieurs forment dans un établissement scolaire. Il y a la corruption morale. Un enseignant peut se dire : comme je suis le répétiteur de cet enfant, je connais ses parents ; alors je voudrais lui faire des faveurs en lui donnant des notes fantaisistes. Il y a la corruption par l’argent. Un parent doit refuser qu’un parent lui propose de l’argent pour s’occuper de son enfant.

Aujourd’hui également, nous avons des déviances qui détruisent nos communautés éducatives. Il y a la consommation des drogues et des stupéfiants. Dans un de nos collèges, un enfant avait eu à poignarder mortellement son camarade ; et on s’est rendu compte qu’il consommait du chanvre. Dans un autre collège, j’avais moi-même démantelé un autre réseau de trafic de chanvre. Donc, chers éducateurs, chers enseignants, soyez vigilants. Que ces enfants soient régulièrement ou toujours fouillés. C’est très important.

Autre déviance en milieu scolaire, c’est la prostitution. L’école catholique n’est pas épargnée des déviances que nous connaissons dans notre société. Un élève, excusez-moi pour l’expression, ne doit pas chercher des notes sexuellement transmissibles. Et nous savons que dans beaucoup d’établissements, il y a ce fléau. Nous avons l’homosexualité, la pédophilie. Nous devons faire très attention. Voilà un certain nombre de déviances qui menacent notre société et notre école. 

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