Amadou Vamoulke: « Cameroun : C’est mort »
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Amadou Vamoulke: « Cameroun : C’est mort » :: CAMEROON

Quel est donc le pays où “c‘est mort” ?  On peut deviner la cinglante réponse que la rue camerounaise servirait à l’imprudent qui oserait lui poser une telle question, sur son mode préféré : “Tu ignores quoi, mon frère ?”

L’expression “c’est mort”, qui a des allures de sentence médico-légale sans appel, a été popularisée par notre compatriote bien connue, qui l’a choisie pour nommer son œuvre musicale.

On peut s’autoriser à penser que du haut du palais d’Etoudi où le hasard du destin l’a installée, cette jeune compatriote a pu observer, en témoin, peut-être impuissant, peut-être complice, mais certainement privilégié, le spectacle affligeant de la descente inexorable aux enfers de sa terre natale.

Aurait-on tort de penser qu’elle a probablement compris, que dans son pays, ”c’est mort”… ou presque ? Cette mort ou quasi mort, où coma, c’est ce que nous vivons tous, et qui nous interpelle tous pour nous mobiliser et sauver ce qui pourrait l’être. J’ai appris que les Beti d’une époque lointaine avaient un mot, “Amala” pour désigner une catastrophe ou un effondrement social d’une rare ampleur. Ce que m’en ont dit les connaisseurs de cette époque bien révolue m’incite à ressusciter ce mot et à le rapprocher de ce que vivent présentement les Camerounais. Puisque ce mot était alors plus grave qui pût sortir de la bouche des gens des contemporains d’alors, qui ne l’invoquaient que pour désigner leur malheur commun et la situation exceptionnellement étouffante, funeste voire fatale qu’ils subissaient, et dont ils n’avaient pris conscience que quand était déjà installée. Parler d’Amala, c’était convoquer les menaces existentielles pour la communauté : dépossessions, misère impuissance, découragement et désespoir. Et nous y sommes assurément.

Trouver de cette façon un vocable qui contienne une puissante force évocatrice et qui soit en parfaite résonance avec leur malheur commun, est le propre de l’humanité. Au prononcé d’un tel mot, c’est chaque membre de la communauté qui serait, comme Song Bananag prêt à dire : “c’est de ça qu’il s’agit”.

C’est bien ce que firent les Juifs quand, insatisfaits des mots disponibles dans leur stock linguistique, ils y ajoutèrent le terme “Shoah”. Shoah, pour rendre compte du mal absolu que les Nazis ont fait subir à leur peuple, dont six millions de membres furent impitoyablement massacrés par divers moyens (chambre à gaz, affamement, exécutions sommaires) pendant la deuxième guerre mondiale.

 “ Amala”,  “ Naqba”, le mal suprême
 
C’est selon la même logique que le mot “Naqba” a été forgé et retenu par les Palestiniens au point que quiconque parmi eux l’entend prononcer ressent dans sa chair ce “Grand Malheur” qui s’abattit sur sa terre puis s’y installa définitivement en liquidant ceux des leurs qui trainaient le pied pour déguerpir quand on les expropriait. Les Japonais de leur côté se sont attachés à un groupe de mots, mi authentique, mi emprunté, “rikishi no trauma”, qui ressuscite en eux aussi bien les destructions matérielles incommensurables causées par les bombes américaines larguées sur Nagasaki et à Hiroshima, que leurs conséquences physiologiques et morales, qu’ils portent en eux depuis 80 ans. Et c’est sur la force de ces termes idiosyncratiques que ces peuples ont pu se relever comme on l’a vu, de façon spectaculaire, pour reconstruire leur existence et bâtir leur futur.

Au Cameroun, on cherche peut-être encore un mot d’une semblable teneur, cristalliser le malheur présent dans l’esprit de tous. Car, qui peut dire chez nous qu’il ne voit pas que “c’est mort” ? Il n’y a pas à dire : l’”Amala” est là, bien installée chez nous, contre nous où il est vécu comme une réalité implacable, ”beyond repair” diraient certains de nos compatriotes C’est chacun de nous qui au fil du temps, a pu personnellement voir l’Amala, le sentir, l’éprouver, le subir, le décrier, le déplorer, c‘est chacun qui peut raconter “sa part” de déconvenues, de surprises, de déceptions, de maltraitance, d’impécuniosité, de déni de justice. Chacun a trinqué, trinque et trinquera sans doute encore si la lancée actuelle n’est pas stoppée. Même ceux, encore nombreux, qui s’autorisent à “ défendre le bilan, et à répéter, en toute mauvaise foi, que “ça va aller” sont, au fond, convaincus que “ c’est vraiment foutu”

Tout le monde souhaite, logiquement, que les choses aillent de nouveau bien un jour.
“Jour de la libération” pour parler comme Trump à sa prise de fonction. Mais quand ? Tout le monde attend, victimes comme architectes de la démolition de ce pays. Et quel pays, Dieu du ciel ! Un pays si magnifique, si enviable et si envié ! L’expression “Jewel of Africa.” par lequel les Anglais désignaient affectueusement l’Ouganda, peut sans choquer qui que ce soit, lui être apposée.

Quel pays ? Un pays dont on peut dire, comme on l’a fait du Zaïre de Mobutu, qu’il est un “scandale géologique”, au regard de ses richesses minières abondantes, où figurent les fameuses terres rares que convoitent aujourd’hui les plus grandes nations de ce monde. Mais voilà, dans ce pays, 30 millions d’habitants marchent dans un sens opposé à celui qui conduit au bonheur dont ils rêvent. On leur a fait rebrousser chemin. Pour aller où ?

Destination apparemment inconnue, y compris de nos “bergers « eux- mêmes. Et c’est là notre tragédie. Qui, alors, pour nous sortir de l’Amala ? L’impéritie, l’extravagance, la gloutonnerie persistante l’insouciance l’irresponsabilité généralisée, nous donnent l’impression que nous retournons vers cette époque que voulaient précisément conjurer les auteurs de notre Hymne National qui écrivirent, ingénument, il est vrai :

   Autrefois tu vécus dans la barbarie…

   Peu à peu tu sors de ta sauvagerie.

Ainsi, nous découvrons tardivement les frères peuvent trahir les frères, spolier le patrimoine commun, piétiner le sens de la famille et de l’honneur et rester sourds et aveugles à la détresse qu’ils sèment On a fait de nous des moutons, en route pour l’abattoir.

Un nouveau demi-tour est nécessaire, et urgent.

Il urge maintenant que nous sachions comment nous est arrivé cet Amala ? Aristote recommandait de rechercher la cause des problèmes (“squire per causa”) avant d’en envisage la solution. Certains ont cru trouver cette cause dans ce qu’ils ont appelé “la malédiction d‘Aujoulât”, du nom de ce sinistre colonialiste français qui nous imposa des dirigeants conformes à son goût et aux attentes de son pays, plutôt qu’aux nôtres. Ce faisant il sema les graines de l’égoïsme, de la vénalité et de la trahison sur lesquels nous avons essayé d’organiser le progrès collectif de notre Nation. Certes les conséquences de cette forfaiture ne sont pas à négliger, mais il est incontestable que notre “Amala” est surtout “ home- made”. Responsabilité collective donc.

Notre peuple semble en effet s’être progressivement installé dans un comportement étrange et contre-intuitif consistant à qualifier de positives les choses négatives et de négatives celles que les gens normaux perçoivent comme positives. C’est, pour ainsi dire, une nouvelle culture que notre peuple, tout futé qu’il s’est cru, n’a pas vu ses dirigeants instiller au fil des ans dans le corps social. Par une véritable fumisterie algébrique-politico- sémantique, on en est arrivé à appeler “victoire éclatante” une défaite cuisante, émergence un naufrage économique. On a aussi pu dire d’une guerre dévastatrice qu’elle est dans un processus de paix, assurer tranquillement ceux qui se plaindraient des tracasseries bureaucratiques, policières et judiciaires que tout cela est de nature à secréter un climat particulièrement favorable au développement des affaires. De Gaulle avait-il dit que “ la vieillesse est un naufrage et que les vieux sont des épaves “ ? Eh bien, non, pensent-ils en martelant que les vieux au pouvoir, c’est une bénédiction sans pareille.

Participent aussi de ce cafouillage sémantique de nombreux slogans qui ne sont en définitive que ce qu’on appelle en anglais “self-fulfilling prophecy” c ‘est-à-dire un projet qu’on estime avoir déjà réalisé par le seul fait qu’on l’ait désigné. C’est l’origine du miracle qui porta par la seule parole la capacité des ordinateurs estampillés PB des 50 gigas affichés à 500 giga. De même le nombre de morts lors des manifestations étudiantes des années 90, “tous calculs faits” et en dépit d’autres décomptes contradictoires était péremptoirement “arrêté” à “zéro mort”. Et le peuple a avalé, comme il avalera d’autres couleuvres du même acabit. C’est aussi dans la logique de cette extravagante révolution communicationnelle que nous avons découvert que notre pays s’appelait désormais “le Continent”.

Le Continent ? Comment ce mot et son nouveau sens ont- ils pu trouver grâce chez nous au point que le chef de l’Etat ait cru devoir l’introduire dans un discours solennel et appeler “continent” le berceau de nos ancêtres ? Quel serait alors le sort de la première définition du même mot, à savoir : “une grande étendue de terre séparée des autres terres par des océans et des mers” ?

Dire constamment des inexactitudes, ce n’est rien d’autre que le mentir. Et notre propension à appeler des choses par leur contraire pourrait nous faire une réputation de peuple de menteurs. Albert Camus écrivait avec raison que “ mal nommer les choses, c’est contribuer au malheur du monde ». Si “monde” est remplacé par Cameroun, la proposition de Camus ne perdra pas sa pertinence, mais elle nous éclairera spécifiquement sur notre condition actuelle.

Le mensonge sublimé
 
Il y a environ trois décennies, un éminent juriste de chez nous, dans une imposante somme sur le pouvoir et le droit en Afrique, signalait déjà une tendance qui prenait pied au sein des nouveaux pouvoirs de l‘Afrique post- indépendances. Il faisait ainsi remarquer que les parlements africains étaient tout sauf des parlements puisqu’ils ne proposent presque jamais de lois mais s’empressent de voter celles que les gouvernements concoctent et leur imposent. Ils gardent tout de même le nom de parlement. Alors que les élections censées Nous permettre de désigner les meilleurs d’entre nous, ne sont finalement rien d’autre qu’une opération pour confirmer la désignation préalable de certains personnages. Et la démocratie ne serait plus ce qu’on croyait, à savoir ” le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple”, mais plutôt le pouvoir de quelques-uns au détriment du reste.

Ainsi, s’est répandue dans la plupart de nos pays cette manière de faire étonnante et déjantée dont pourtant gouvernants et gouvernés se sont accommodés entraînant la dissolution de la notion sacrée de Nation. Il est en effet établi que toute société qui procède ainsi, qui tourne donc le dos à la vérité pour embrasser son contraire, le mensonge, se place assurément le chemin du chaos et de son suicide. C’est comme si nous décidions de travestis la célèbre citation biblique pour qu’elle devienne : ”vous connaîtrez le mensonge, et le mensonge vous rendra libre”.

Certaines écoles initiatiques, par lesquelles sont passés bien de nos décideurs, ne seraient pas étrangères à ce qui n’est rien d’autre qu’un nihilisme destructeur. Ces écoles enseigneraient que tout se vaut dans la vie. Et qu’il ne faut pas se prendre la tête en cherchant à changer le monde. Qu’il faut vivre sa vie, “carpe diem” selon la formule latine léguée par Horace sous- entendu : il faut penser à son bonheur personnel et non pas s’attarder sur le sort des autres. Cette philosophie, quels qu’en soient les mérites, est clairement anti-africaine, car elle rejette, sans inventaire préalable, des convictions issues de millénaires de pensée et de praxis socialisantes éprouvées et qui font l’ADN des peuples noirs. Les philosophies de la facilité, du mensonge et de l’hypocrisie généralisés, nous auront donc entraînés dans ce que nous subissons “Comment avons- nous put les accepter ou les tolérer ? Parce qu’elles promettent beaucoup, avec peu d’efforts, et en se cachant parce qu’on craint la sanction des siens.

Le moraliste français La Rochefoucauld avait mille fois raison d’écrire que “l’hypocrisie est un hommage du vice à la vertu ». Il entendait par là que si les menteurs ne se reconnaissent jamais comme tels et couvrent toujours leurs mensonges du manteau de la vérité, c’est qu’ils savent, au fond d’eux-mêmes, que la vérité a une valeur sociale de loin supérieure à celle du mensonge. Le mensonge est juste commode, mais comme on le répète souvent, “il a de courtes jambes et finit par être dévoilé. La vérité en revanche est célébrée dans toutes les sociétés humaines Mais sa plus grande force vient de ce qu’elle est sa propre mesure, tout en étant aussi la mesure du mensonge. Nous aurions tort de nous en éloigner sous peine d’avoir à ajouter des mensonges au mensonge pour avoir l’air cohérent aux yeux de son entourage.

Si Machiavel, souvent convoqué par tous ces cyniques malfaisants, a parfois exhorté “le prince” à ne pas s’encombrer de scrupules et de morale, il n’a pas manqué de préciser qu’il fallait pour cela qu’il y soit contraint par une nécessité objective. “Le prince” ne devrait donc pas agir ad nutum, à sa guise, comme l’avait laissé entendre un très célèbre contemporain. Nos décideurs, qui ont sûrement lu Kant devraient savoir, à sa suite, que sans la vérité, la confiance et la crédibilité manqueraient cruellement à toute société. Ont-ils oublié Jean Jacques Rousseau pour qui un pouvoir qui malmènerait la vérité aurait du mal à établir et à conserver sa légitimité ? Et qu’ont-ils fait des mises en garde de Hannah Arendt, qui a longtemps cogité sur les causes profondes du nazisme et du mal absolu qui s’est ensuivi ? Elle professait que la politique étant fondée sur l’action et la parole, nul peuple ne pouvait faire les choix rationnels indispensables à son progrès, s’il ne peut pas s’appuyer sur des discussions, des déclarations et des affirmations justes. C‘est pourquoi elle dénonçait les dirigeants qui, pour manipuler l’opinion publique, abusent du mensonge et de la propagande. C’est ce qui avait conduit Hitler et le Reich à leur perte. Dans les sociétés qui se veulent modernes, la reddition des comptes est incontournable, mais pour être fiables et utiles, il est indispensable que ces comptes soient fondés sur la vérité et de la transparence. 

“ Je veux voir mes enfants grandir”
 
C’est le travestissement généralisé de la vérité auquel nous nous sommes longtemps livrés  dans notre pays qui a dissous la plupart des liants de  notre société, au point que tout y est devenu incertain, qu’il s’agisse des relations familiales ou humaines, des engagements pris et des serments prêtés, des procédures et  jugements des tribunaux , des contrats et des proclamations publiques ,  des convocations et publications officielles, des décorations nationales, des promesses, des chiffres publiés, officiels ou non, des contraventions etc…Personne n’est assuré de l’aboutissement heureux de toute opération engagée avec son prochain.

Il y a une dizaine d’années un ancien conseiller économique du président Biya, qui avait son bureau à Etoudi, M. Astruc, avait étonné les personnalités conviées à la réception qu’il avait organisée à l’occasion de son départ définitif du Cameroun en déclarant textuellement ceci : “Le Cameroun où je viens de passer un long séjour est le seul pays au monde où j’ai rencontré des personnalités qui’ croient à leur propre mensonge”. J’avais alors trouvé ses propos excessifs. Jusqu’au jour où des magistrats dûment assermentés, parmi lesquels siégeait même un pasteur, me condamnèrent à 20 ans de prison pour avoir, prétendaient-ils, détourné une somme d’argent dont la police judiciaire, sollicitée par le TCS, avait pourtant clairement désigné le détenteur et précisé l’usage qu’il en avait fait. Ce jour- là je m’étais demandé comment un tel haut commis de l’Etat pouvait prétendre par la suite se faire respecter de sa famille et de ses relations, et faire respecter sa charge en se mentant à lui-même et en mentant au peuple au nom duquel il agit. Et surtout, père de famille de son état, quelle morale pouvait-il prétendre enseigner à ses enfants.  Le comble serait qu’il soit insensible à toutes ces considérations.

Pendant ce temps, ceux qui ont pu garder une haute idée d’eux- mêmes et de leurs responsabilités dans la société sont rarement reconnus et appréciés pour ce qu’ils sont. Au contraire, ils sont traqués par tous ceux, de plus en plus nombreux, qui ont choisi de braver les interdits, la loi, les bonnes mœurs, en sacrifiant leur honneur, leur dignité, leur respectabilité et leur âme. Il paraît qu’ils ont des arguments pour justifier leurs choix, dont les inévitables conséquences ne les découragent pas. Certains, encore nombreux, répètent à l’envi, pour se donner bonne conscience cette formule éculée : ” je veux voir mes enfants grandir ». Mais savent-ils seulement que beaucoup sont ceux qui ont raisonné ainsi, et qui n’ont quand même pas vu leurs enfants grandir, soit qu’ils ont morts fauchés par un chauffard, soit qu’ils ont perdu la vie par défaut de soins dans un hôpital où a manqué ce qu’il fallait pour les sauver ; ou encore tués dans une bavure policière ou militaire. Quant aux adeptes de l’à-plat-ventrisme, pour qui “un lâche vivant vaut mieux qu’un héros mort », peut-être conviendrait -il de leur rappeler que les lâches meurent aussi. Que tous les héros ne soient pas voués à mourir et que mort pour mort, un héros mort vaudra toujours mieux qu’un lâche mort.

Au-delà de toute autre considération, ceux qui se complaisent dans le mensonge systématique et la fourberie, s’engagent dans des voies rigoureusement proscrites depuis le “ jardin que nos aïeux ont cultivé“ (deuxième strophe de l’hymne). On peut leur dire : attention à la malédiction de ces aïeux.

Kakistocratie ! Ce mot quasi imprononçable et que je viens de découvrir a retenu mon intérêt en ce qu’il m’a semblé rimer, phonétiquement et sémiotiquement, avec la conduite de notre pays, que ses enfants fuient désormais massivement. Je prédis à ce mo une belle carrière dans nos futures conversations. Cherchez le mot ! (Google, Meta/Ai)

Comment s’en sortir donc ?

Il nous faudra d’abord, évidemment et de toute urgence le quitter cet autre mensonge mortel qui consiste à défendre l’idée, que ce régime est encore capable de faire sa mue, de mieux se pourvoir, de penser désormais peuple et nation et non tribu et village, de rechercher la justice, l’équité, l’efficacité et le développement. Le voudrait-il qu’il n’y arriverait pas, étant allé trop loin dans la mauvaise direction et ayant noué d’innombrables nœuds difficiles à défaire. La vérité (qui nous rendra donc libres) consistera, toutes affaires cessantes, à proclamer la nécessité urgente pour notre régime failli d’organiser, avec le plus grand sérieux, sa retraite ordonnée du devant du champ politique. La retraite ordonnée est de règle dans les armées dignes de ce nom, celles où les généraux défaits au front, veillent à mériter la qualité de gens d’honneur qu’ils revendiquent d’ailleurs (la devise de l’EMIA est bien : l’Exemple de la force et de l’honneur) .C‘est leur “devoir d’aujourd’hui” comme écrivit Bernard Folon dans un article célèbre publié dans ABBIA, la noble revue de l’intelligentsia camerounaise aujourd’hui disparue. Notre salut dépendra d’une telle démarche d’engagement patriotique et d’esprit républicain.

La Nation saura sûrement dire sa reconnaissance aux acteurs d’une telle retraite ordonnée dont l’objectif principal ne devrait être rien moins que l’organisation d’une présidentielle “propre” permettant que le meilleur l’emporte. L’histoire contemporaine offre de nombreux exemples de retraites ordonnées qui ont déblayé le chemin de l’avenir, au grand bonheur de tous. Il faut espérer qu’il reste encore un supplément d’âme et un soupçon de dignité aux hommes et femmes qui nous ont gouvernés et conduits là où nous pataugeons aujourd’hui. C’est à eux qu’incombe prioritairement la responsabilité de créer les conditions permettant un passage de témoin paisible, rassurant, et porteur d’espérance. Le pays retrouvait alors, on l’espère, ce qu’on n’aurait jamais dû sacrifier à nos intérêts égoïstes, à savoir le sens de la   Nation et de la communauté. Nation et communauté que nous devons prioritairement et d’urgence (re)construire. On retrouvera, en même temps, le sens de la concitoyenneté, qui exigera de chacun l’acceptation inconditionnelle de son prochain. Il n’y a pas de doute que ces acteurs de la dernière heure, encore aux affaires, ont bien des moyens de “défendre leur beefsteak” quoi qu’il won coûte. Dans cette hypothèse ils n’auront peut-être pas le dernier mot. Mais oseront-ils détourner   leur regard de ce grand peuple, leur peuple après tout, dont on imagine sans peine la sourde supplique à leur endroit, qui pourrait s’exprimer ainsi :

”Déposez votre orgueil, chers frères, (ce que vous demeurez malgré tout) laissez donc l’aurore lever sur notre terre et répandre généreusement ses rayons lumineux sur le Berceau de nos ancêtres, pour vivifier le cœur et l’âme de tous ses enfants. Il est vital que notre Nation se réveille. Que tous ses enfants arrivent à se donner à nouveau la main non seulement pour réparer les immenses dégâts du présent Amala, mais, davantage, pour se préparer à conjurer cet autre “Amala “ qu’on nous annonce pour bientôt. Il pourrait ‘avérer plus cruel que celui que nous vivons, il pourrait définitivement obscurcir notre horizon commun. Je parle du retour annoncé d’un nouvel esclavagisme en Afrique, et envisagé sans états d’âme par les puissances étrangères, anciens comme nouveaux impérialistes Ils aimeraient bien reprendre nos terres, si vitales pour leurs industries. Même l’extermination nos populations, parfois jugées trop nombreuses et inutiles pour l’humanité serait envisagée dans la foulée. L’actualité internationale nous montre bien que ce n’est pas une simple vue de l’esprit. Plaise à Dieu qu’il n’en soit rien, mais si ces sinistre prédictions se réalisent dans ce que nous ne pourrons plus appeler “notre pays”, il n’y aura ni grands ni petits, ni riches ni pauvres, ni dirigeants ni dirigés, ni généraux ni fantassins. Il n’y aura plus que des esclaves des temps modernes (les nationaux) et des maîtres (les impérialistes). Et dans le contexte international actuel où on voit la justice et le droit perdre de leur suc, sur qui d’autres que nous-mêmes pourrons- nous compter ? Que pourrons-nous faire si nous ne sommes pas ressoudés ?

L’Afrique du Sud noire avait su conjurer son sort de peuple paria et déshumanisé, en recourant à cette valeur ancestrale, que les Zulu et d’autres peuples de la région exaltent, l’Ubuntu. Nelson Mandela, Desmond Tutu et d’autres s’en sont inspirés et ont pu mettre en œuvre l’historique et exemplaire commission “Vérité et Réconciliation”. L’’Ubuntu   exhorte en effet les hommes en responsabilité à la recherche permanente de la réconciliation, et l’ambition constante de forger une communauté forte et rassurée.

Selon le chercheur Mbini, l’Ubuntu s’appuie sur cinq piliers essentiels :

-privilégier la survie de la communauté,

-entretenir la solidarité en son sein,

– être animé de compassion pour chacun,

-respecter son prochain,

-et ne jamais brader sa dignité.

Aucun Camerounais de bonne foi et digne de ce nom ne se plaindrait de voir son pays se conformer à de tels préceptes.

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