Les deux mécanismes de neutralisation de l’opposition
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L’opposition camerounaise, et en particulier le MRC, évolue dans un environnement politique profondément asymétrique, où les règles du jeu sont définies et manipulées par un pouvoir en place depuis plusieurs décennies. Deux stratégies de neutralisation méritent d’être analysées en profondeur : le chantage à la paix et le chantage au tribalisme.
 
Le chantage à la paix
Ces dernières années, toute velléité de mobilisation citoyenne (aussi légitime soit-elle), est systématiquement disqualifiée au nom de la « paix ». Elle est qualifiée d’appel à la violence. Ce discours, largement relayé par le régime, certains médias et même des segments de l’opposition politique, associe toute contestation à une menace de déstabilisation, à la guerre. L’appel à la revendication de droits fondamentaux (liberté de réunion, de manifestation, le droit à la transparence électorale, la justice sociale) est ainsi criminalisé.
 
Ce piège est d’autant plus redoutable qu’il paralyse l’opposition de l’intérieur : pour ne pas être accusés de semer le chaos, certains partis se résignent à l’inaction. Or, une opposition qui s’autocensure cesse progressivement d’être une force de proposition et devient une simple variable d’ajustement du système. La paix, dans ce contexte, ne désigne plus un équilibre juste entre citoyens, mais un ordre imposé, au service du statu quo.
 
Le chantage au tribalisme
Le deuxième piège, tout aussi toxique, est celui du chantage au tribalisme. Le MRC est fréquemment présenté (à tort ou à dessein) comme un « parti bamiléké ». Cette réduction identitaire, reprise par le pouvoir et certains partis rivaux,
a) vise à délégitimer son discours politique en le ramenant à une prétendue logique communautaire,
b) oublie la vérité de la configuration sociologique des partis politiques depuis notre indépendance : l’Undp est nordiste, l’Udc est Bamun, le Mdr est Kirdi, l’Upc (légalisée) est Bassa, etc.
 
Mais cette accusation a un double effet pervers. D’une part, elle pousse les militants du MRC à vouloir constamment démontrer leur « neutralité ethnique », à nier même ce qui relève de la sociologie électorale de base. D’autre part, elle occulte le fait que le système politique camerounais a été structuré sur des bases communautaires depuis l’époque coloniale, avec des zones considérées de facto comme les bastions du parti au pouvoir.
 
Faut-il rappeler que des responsables du RDPC revendiquent ouvertement les régions du Centre, Sud et Est, reconnues comme « pays beti » et alliés, comme leur fief, « socle granitique », ou « le glacis électoral »? Cela ne suscite aucune remise en question, car cette logique de territorialisation du pouvoir y est normalisée.
 
Face à cette situation, il devient urgent que le MRC (le parti politique le plus actif contre le RDPC) et les autres forces d’opposition sortent du réflexe défensif. Il ne s’agit pas de revendiquer une ethnicisation du combat politique, mais d’assumer politiquement la réalité des ancrages sociopolitiques tels qu’ils sont, pour mieux les transformer. Le seul parti qui ne cède pas à cette manipulation du régime est l’Udc. Elle assume son encrage au pays Bamun et même au sein des communautés bamun installées ailleurs, comme à Kyossi au sud, par exemple.
 
Le MRC n’a pas à s’excuser d’avoir une forte base bamiléké. Et les Bamiléké qui militent au MRC n'ont pas à avoir honte de suivre un leader bamiléké, dans un pays où les dirigeants ne se cachent pas pour instrumentaliser leur base ethnique.
 
Au contraire, cela peut constituer un levier stratégique pour le MRC : consolider cette base, y structurer une force politique capable de rayonner et de proposer un modèle de gouvernance alternatif, pourrait marquer un tournant décisif dans l’érosion du pouvoir actuel.
 
Ce qui est reproché au MRC (sa vraie ou fausse concentration communautaire) est en réalité une conséquence logique d’un système inégalitaire. C’est à partir de cette prise de conscience que l’opposition peut enfin se reconstruire, non pas sur des illusions de pureté nationale abstraite, mais sur un projet inclusif, enraciné, structuré, et assumé.
Pour la paix

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