Axe Yaoundé-Douala : Une porte ouverte au COVID-19
CAMEROUN :: SANTE

CAMEROUN :: Axe Yaoundé-Douala : Une porte ouverte au COVID-19 :: CAMEROON

Le respect des mesures barrières n’est pas la chose la mieux partagée par de nombreux usagers de la route.

Il y a certainement quelque part dans le monde des curieux qui, comme nous, se demandent pourquoi les scientifiques ont baptisé le nouveau coronavirus «COVID-19». Dans notre entendement (même si ce n’est qu’un souhait), cela sousentend qu’on n’a pas encore tout vu et qu’il y a (logiquement) des COVID-20, 21, 25, 50, etc., qui pourraient se développer et faire des ravages à leur tour comme l’actuel virus. Pourtant, nombreux sont ces Camerounais qui minimisent le danger. Or selon les scientifiques beaucoup de malades s’ignorent et pourraient contaminer les autres.

De partance de Yaoundé pour Douala le 06 juin dernier, le constat fait au cours des quelques 245 km qui séparent les deux capitales du Cameroun est que l’inconscience est la chose la mieux partagée en ce temps de pandémie. Et la compagnie de voyage qui nous accueille à la gare routière du quartier Mvan ne brille pas spécialement par le respect des mesures barrières. En dehors des affiches qui sensibilisent sur la lutte, les responsables ici n’ont visiblement pas songé à passer à la pratique. Aucun dispositif de lavage des mains visible, pas de gels hydro-alcooliques à la disposition des usagers, les cache-nez servent plus à couvrir les mentons du personnel et même des passagers. Pourtant, même si on évite de se serrer la main, on s’échange néanmoins des objets qui peuvent être souillés.

C’est le cas notamment à la caisse où il faut donner à la fois son argent et sa pièce d’identité, laquelle est par la suite restituée avec le ticket de bus et éventuellement un reliquat. À l’embarquement, ledit ticket est présenté à une dame pour vérification. Cette dernière est en même temps censée prendre les températures des voyageurs, puisqu’elle tient entre ses mains nues un thermo-flash. Mais non, elle ne le fera pas et surtout pas sous ce soleil accablant. D’ailleurs «il fait même chaud», se lamente une passagère. Voici donc comment les (chanceux) passagers de ce grand bus bleu sont épargnés de la «fusillade» qu’on voit dans d’autres structures.

Distanciation physique

Toujours sous cette même chaleur, notre gros porteur fait son plein d’oeuf sans tenir compte de la «distanciation physique d’au moins 1 m» édictée par le chef de l’État lors de son discours à la nation le 19 mai dernier. Assis côte à côte par groupes de trois sur la rangée de gauche et de deux sur celle de droite, nous sommes 70 personnes à bord. On peut enfin lever les voiles, après plus d’une heure d’attente. Mais les choses ne sont pas de tout repos. Des pleurs aigus commencent à se faire entendre, juste derrière le chauffeur. C’est un chiot qui se lamente sous les pieds de son maître. «Mettez ce chiot dans la soute. Il nous perturbe », s’écrie un passager au fond. « Est-ce que les animaux doivent même rester au milieu des passagers alors qu’il y a une maladie dehors?», reprend une autre dame toujours au fond. Mais rien y fait. Le propriétaire du jeune chien est imperturbable.

À peine quelques mètres parcourus, c’est-à-dire avant même d’avoir traversé le lieudit « Échangeur-Mvan », pour ceux qui connaissent Yaoundé, un homme, le masque sur le menton, prend soudainement la parole pour rappeler les gestes barrières, à savoir « se laver les mains, éternuer dans le coude, tousser dans un mouchoir jetable, le port du masque ». Mais le plus important selon lui « c’est la prière ». D’où la vente de ses « cantiques de victoire ». Il s’agit de petits livres de couvertures rouges dans lesquels on retrouve des chants religieux. C’est ainsi qu’il entonne un chant populaire pour rallier les croyants à bord.

« C’est Jésus qui sauve », lance-t-il tout en confiance sans se demander s’il y a d’autres obédiences ou des athées parmi les passagers. Qu’importe, les uns et les autres chantent en choeur avec lui. Puis, le célébrant spontané ordonne : « silence s’il vous plaît ! Nous allons faire une petite prière. » Il déroule le Psaume 23 pour [nous] prémunir contre le virus. «L’Éternel est mon berger, je ne manquerai de rien», réciteil en communion avec certains passagers. En ce moment, il règne alors dans le bus comme une ambiance de veillée mortuaire, avec le sentiment que le coronavirus est parmi nous et qu’il peut précipiter notre mise en bière à tout moment. Pendant cet intermède, le chiot était drôlement silencieux. Après, le célébrant s’est mis à vendre, les mains nues, ses livres dans «la paix du Christ».

Médecin de route

Sans répit, un autre homme se présente une dizaine de minutes plus tard. Ce dernier commence par indiquer les différents points d’arrêt au cours du voyage afin que « les passagers avec bagages » puissent se signaler en temps opportun. «Edea, Yassa, Borne 10, Elf et Mboppi (à l’agence de Douala, Ndlr)». Tels sont les cinq points de débarquement. Mais pour ce faire, «vous allez remettre le ticket du bagage au chauffeur à la descente du bus», déclare dans un français approximatif celui qu’on prenait pour le convoyeur. En fait, c’était un de ces médecins de route comme on en voit habituellement, qui vendait des médicaments qui soignent tout, enfin presque, puisque le vendeur n’a pas mentionné le coronavirus sur sa liste exhaustive de maladies. Cache-nez sur le menton lui aussi, il a pu écouler quelques produits avant de descendre juste avant le contrôle routier de Mbankomo. Argent contre médicaments s’échangeaient une fois encore à mains nues.

« N’est-ce pas on a interdit les ‘‘docta’’ dans le bus ? », demande à voix basse Émilie, une jeune dame assise à côté de nous. En effet, les affiches collées à toutes les fenêtres du gros engin interdisent formellement ce type de pratiques. Par SMS, appels ou Whatsapp, la direction de la compagnie de transports donne la possibilité aux passagers de signaler l’immatriculation du bus « en cas d’excès de vitesse ; surcharge ; mauvaise conduite ; présence de vendeurs ambulants (docta) ». La stupéfaction d’Émilie restera sans réponse, elle qui pensait pouvoir voyager comme une «princesse» par cette compagnie qui offre d’ailleurs un «wifi gratuit» à ses passagers, même si le code d’accès n’est inscrit nulle part. Entretemps, le chiot s’est encore mis à pleurer.

Contrôle

À Mbankomo, rien de spécial. Les officiers de la gendarmerie, eux aussi masques sur le menton, vérifient juste les pièces d’identité. Puis, on peut à nouveau embarquer quelques mètres plus loin. L’assaut de la «Nationale N°3 est alors véritablement engagé, bien sûr au rythme des cris séditieux du meilleur ami de l’homme, le jeune chien. Visiblement agacé, le chauffeur décide mettre de la musique qui étouffe les cris de l’animal derrière lui. Sur une dizaine de kilomètres, les voyageurs sont bercés par l’ancien Makossa et une petite pluie qui s’invite. Quoi de mieux pour un « bon voyage » comme souhaité. Géo Masso, Henri Dikongue, Hoigen Ekwala, les Black Styl, se succèdent.

Au niveau de Boumnyebel (département du Nyong-et-Ekelle), les uns et les autres en ont profité pour s’acheter de l’eau ou des boissons gazeuses et de quoi manger. Seulement, les transactions se font toujours à mains nues ici comme ailleurs le long du trajet. Certains parents laissaient leurs enfants s’amuser avec les bouteilles d’eau ou de jus (peut-être contaminées) achetées en cours de route. À Edea, le chauffeur a mis une pause à sa musique pour permettre à certains passagers de descendre. Lorsqu’il démarre, à moins d’heure, les passagers arrivent à bon port à Douala manifestant leur joie marquant ainsi la fin d’un calvaire.

Lire aussi dans la rubrique SANTE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo