Trois ans de violences dans les régions anglophones
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Une action concrète est nécessaire pour rendre la réponse humanitaire à la crise dans les régions anglophones du Cameroun plus inclusive pour les personnes en situation de handicap, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme.

La crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a commencé à la fin de l’année 2016, lorsque des enseignants, des avocats, des étudiants et des activistes, qui se plaignaient depuis longtemps de la marginalisation perçue de leurs régions par le gouvernement central, sont descendus dans les rues pour exiger plus de reconnaissance de leurs droits politiques, sociaux et culturels. La réponse brutale des forces du gouvernement – qui ont tué des manifestants pacifiques, arrêté des leaders, interdit des groupes de la société civile et bloqué Internet – a exacerbé la crise.

Depuis lors, de nombreux groupes séparatistes sont apparus, appelant à l’indépendance des régions anglophones et utilisant la force pour soutenir leur cause. Les forces gouvernementales et les séparatistes armés sont responsables de graves violations des droits humains

En septembre 2019, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations Unies a pris l’engagement de mettre en œuvre une réponse humanitaire plus inclusive, mais la promesse doit être traduite en actions sur le terrain.

130 civils tués depuis l’été

Les violences se sont intensifiées depuis juillet 2019 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, avec une recrudescence en août après qu’un tribunal militaire de Yaoundé a prononcé des peines à perpétuité à l’encontre de 10 leaders du Gouvernement par intérim de l’Ambazonie à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités. Les recherches de Human Rights Watch et les reportages des médias indiquent qu’au moins 130 civils ont été tués au cours de plus de 100 incidents depuis juillet et que des milliers de personnes ont été contraintes de fuir. Étant donné les violences continues et la difficulté de recueillir des informations provenant des zones reculées, le nombre de victimes civiles – incluant les personnes en situation de handicap – est très certainement plus élevé.

« Alors que la crise dans les régions anglophones ne montre aucun signe de ralentissement, les personnes handicapées luttent pour se mettre en sécurité et font face à des risques accrus d’attaques, de déplacement et d’abandon », a déclaré Shantha Rau Barriga, directrice de la division Droits des personnes handicapées à Human Rights Watch. « Les autorités camerounaises et les séparatistes armées devraient cesser les abus à l’encontre des civils, tandis que les organisations internationales devraient respecter leurs promesses faites aux personnes les plus touchées par la crise, dont les personnes en situation de handicap. »

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a rapporté en novembre que la situation humanitaire s’est dégradée, avec plus de 656 000 personnes déplacées internes dans les régions anglophones. L’accès humanitaire aux personnes dans le besoin est difficile, alors que les travailleurs humanitaires sont exposés à des risques accrus. Durant le seul mois d’octobre, les séparatistes armés ont enlevé 10 travailleurs humanitaires, qui ont tous été relâchés. Un autre travailleur humanitaire a été tué en novembre.

Le 10 septembre, le président Paul Biya a appelé à un « dialogue national » pour tenter de résoudre la crise dans les régions anglophones. Le dialogue a pris fin le 4 octobre avec la libération de centaines de personnes arrêtées en lien avec les troubles dans les régions, ainsi que d’opposants politiques. Cependant, les violences se sont poursuivies à un rythme soutenu.

Les personnes handicapées ciblées

Depuis le début de la crise dans les régions anglophone trois ans auparavant, Human Rights Watch a documenté les expériences de personnes handicapées qui n’ont pas pu fuir vers un lieu sûr ou qui ont été tuées, agressées et torturées par des soldats ou des séparatistes armés. De nouveaux cas ont été documentés depuis août 2019.

Le 19 septembre, les forces de sécurité camerounaises à la recherche de séparatistes armés ont attaqué une localité appelée « Number One Water » près de la ville de Muyenge, dans la région du Sud-Ouest, tuant quatre hommes civils, dont un homme avec un handicap mental. Un témoin de l’attaque a raconté que les personnes ont fui lorsque les soldats sont arrivés et ont commencé à tirer : « Je me suis caché dans la brousse voisine et je suis revenu lorsque les choses se sont calmées, le même jour. J’ai trouvé quatre corps sur le sol et j’ai aidé à les enterrer. Parmi les personnes tuées, il y avait un homme appelé « Jasper », qui avait un handicap mental, ce qui explique pourquoi il était resté sur place. Les soldats l’ont tué devant sa hutte. Son corps était en partie brûlé parce que les soldats avaient aussi mis le feu à sa hutte. »

En novembre, les Nations Unies ont publié les Directives sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire. Ces directives, rédigées par le Comité permanent inter organisations (IASC) des Nations Unies, visent à guider les organismes d’aide pour qu’ils s’assurent que les personnes handicapées sont incluses dans toutes les phases de l’action humanitaire, depuis la planification jusqu’à la coordination en passant par la surveillance. Elles ont été diffusées au Cameroun auprès des organismes des Nations Unies et des organisations non gouvernementales pour renforcer la sensibilisation et pour être mises en œuvre.

« Lentement mais sûrement, des progrès sont réalisés et les expériences des personnes handicapées touchées par la crise au Cameroun sont reconnues et prises en compte », a conclu Shantha Rau Barriga. « Les organismes des Nations Unies et les organisations humanitaires intervenant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest devraient maintenant tenir leurs engagements et s’assurer que leur réponse est aussi inclusive et accessible que possible. »

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