Après Grand dialogue national: La géopolitique du tribalisme en effervescence
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L’arrêt des poursuites devant les tribunaux militaires contre le Mrc et ses alliés, à la sortie de ce grand palabre national, plonge une catégorie de Camerounais dans une sorte de frénésie inqualifiable. Maurice Kamto de phénomène à noumène ?

« La prison a bonifié Maurice Kamto (Maurika). Avant, il était juste un candidat comme tous les autres, mais après huit à neuf mois de prison, le temps de l’incubation d’une vie au sein maternel, il a pris de l’envergure. Ce n’est plus le candidat penseur seulement, mais le bagne s’est saisi de lui pour l’émonder, pour lui donner une certaine stature », lance un militant convaincu du leader du Mrc. A côté, un autre, moins euphorique, observe la foule compacte devant la prison de Kondengui et lâche comme à lui-même. « Ce pays me fait peur. Nous avons passé tout ce temps en prison sans avoir commis une seule faute ! Mais vous avez bien observé que depuis l’arrêt des poursuites par Paul Biya jusqu’à maintenant, il y a certains Camerounais qui en souffrent, comme si notre misère, notre incarcération faisait leur bonheur !

Allez-y comprendre quelque chose ! » Cette confession traduit tout le malaise suscité par la libération des militants du Mrc. Mais pourquoi Maurice Kamto fait-il si peur à certains de ses compatriotes ?

On se souvient qu’avant la tenue de l’élection présidentielle, tous ses adversaires, à défaut de l’attaquer sur son programme politique, se sont jetés sans vergogne sur ses origines ethniques, « éructant toutes les vomissures » dont il est honteux de faire mention ici. Cette infamie est allée tant et si bien qu’au cours du contentieux post-électoral, Maurika a demandé aux augustes conseillers du Conseil constitutionnel de lui dire s’il y avait un concours qu’on devait passer pour être de telle ethnie ou telle autre ethnie. Dans la foulée, il proclamait qu’il ne renierait pas ses origines ethniques. Dans sa posture de contester les résultats de l’élection présidentielle du 7 octobre dernier, il avait lancé le programme national de résistance pacifique autour du « Non au hold-up électoral ». C’est précisément dans cette activité de contestation qu’il sera incarcéré pendant huit mois, lui avec ses partisans et alliés. A sa sortie de la prison, c’est un homme visiblement pondéré, conscient de la fragilité ou de la précarité de la paix sociale, qui a lancé à ceux qui croient en sa vision du Cameroun. « Je ne vous trahirai jamais ».  C’est leur avouer qu’il est resté égal à lui-même, qu’il est conscient des défis qui se profilent à l’horizon.

Kamto, acteur et enjeux politiques

Les adversaires les plus farouches de Maurika se recrutent directement au sein des collaborateurs du chef de l’Etat qui ne se sont pas encore remis de la surprise de sa libération. Parmi ceux-ci, beaucoup pensaient que Paul Biya le tenait pour de bon et devait le condamner à une lourde peine. C’était déjà connu que la peine que lui et ses camarades politiques encour- raient était la peine capitale, au regard de la virulence et du poids des huit charges qui pesaient contre eux. Les stratèges, dans leur calcul pour la prochaine dévolu- tion du pouvoir, le voyaient désormais hors-jeu ou non partant et ce pour tou- jours. Autour du « N’nom Ngui », les uns et les autres y allaient de leur pronostics, conscients que Paul Biya avait sorti tout son jeu en jetant Maurika en prison. « Il a voulu se mesurer au président de la République, eh bien, il va assumer cela dans toute la misère et la solitude de sa méditation », proclamaient à visage découvert certains caciques du pouvoir sur les plateaux de télévision. Paul Biya n’en était donc pas dupe, conscient et avisé qu’il est, « que tous ceux qui veulent à tous les prix la perte de Maurice Kamto sont effectivement ceux qui en veulent à son pouvoir ! Ceux qui veulent l’écarter de la course vers la quête du fauteuil à Etoudi sont précisé- ment ceux qui veulent succéder à Paul Biya le plus tôt possible. » Libérer Maurika, avait donc un double intérêt politique. Paul Biya a voulu d’abord calmer toute la tension politique orchestrée par les militants inconsolables du leader du Mrc, ce depuis les résultats contestés de l’élection présidentielle et surtout de son incarcération en janvier dernier.

Les appels à la libération ont été des plus violents au sein de la Diaspora camerounaise avec la fameuse Bas. Les scènes indicibles dans les rues de Genève sont encore poignantes, des blessures à peine cautérisées en surface, encore saignantes. Stratégie pour la quête du pouvoir.

Ensuite Paul Biya a libéré Maurice Kamto pour semble-t-il couper l’herbe sous le pied de ses adversaires politiques les plus proches dans les sphères de l’Etat ou au sein de son parti politique, le Rdpc.

En le libérant, c’est comme s’il renvoyait dos à dos Maurice Kamto et les prétendants dans ses rangs à la succession au trône à Etoudi. Corrélativement, il envoie par cet acte les siens dans les cordes, les obligeant à revoir leur copie dans la stratégie pour la quête du pouvoir. « La succession de gré à gré au sommet de l’Etat camerounais », longuement évoquée par l’opposition semble se compromettre au jour le jour, vendangée par Paul Biya en personne. Il ne se passe pas un seul jour sans que l’opinion voit en tel ou tel autre collaborateur, le successeur putatif du numéro un camerounais. En vieux lion, pétri de toute « la force de l’expérience », il n’en a cure et surveille son périmètre en attendant le téméraire qui s’y aventurera le premier.

Certainement que d’un coup de pâte, il lui ouvrira le crâne. L’étau des convoitises politiques s’est donc quelque peu desserré autour de « Popaul » au point où depuis la « honte de Genève », il a quitté le pays hier à destination de Lyon en France.

Pour comprendre la résurgence du tribalisme lancé contre le natif de Bafoussam, il faut sans coup férir examiner la géopolitique de la conquête du pouvoir au Cameroun.

Dans le septentrion du pays, il va sans dire Mamadou Yacouba Mota, proche de Maurika, aujourd’hui encore incarcéré, a abattu un travail extraordinaire dans l’Extrême-Nord du pays. Dans le Nord, un journal a convoqué lundi dernier la figure de deux personnalités de la région aujourd’hui en prison, Marafa Hamidou Yaya et Iya Mohammed. Ce journal, suite à la libération de Maurice Kamto et des siens, demandait tout juste que ces deux personnalités de premier rang soient élargies, certainement pour s’engager dans la lutte politique, notamment et à tout le moins en ce qui concerne les élections locales et législatives. L’autre pôle de vivacité opposante à la libération de Maurice Kamto, mais plus abrupt et tranché, sont les régions du Centre et du Sud.

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