Grands projets : Le flop des partenariats publics-privés
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Pour allier le développement des infrastructures socioéconomiques aux contraintes budgétaires, le gouvernement du Cameroun a mis en place un outil qui fait ses preuves sous d’autres cieux: les partenariats publics-privés (PPP). En fonction des besoins du pays, le gouvernement conçoit des projets d’envergure, les fait réaliser par des privés qui apportent leurs fonds. Ceux-ci, au terme de la construction (et avec délégation de service public), assurent l’exploitation et la maintenance de l’infrastructure. Qui sera par la suite rétrocédée à l’État, après retour sur investissements.

La mayonnaise tarde à prendre, malgré un arsenal réglementaire qui existe depuis plus de 10 ans. Les «six grands projets d’avenir», annoncés en juin 2013 pour être réalisés avec ce mécanisme, n’ont jamais vu le jour. Impréparation, cadre juridique inadapté, logiques mercantilistes, lourdeurs administratives et appropriation insuffisante du concept sont indexés. Le journal Intégration explique pourquoi les PPP plombent des projets qu’ils sont censés réaliser.

Tramway à Douala et à Yaoundé, lignes de chemin de fer Edea-Kribi et Douala-Limbe, port cimentier de Limbe… Près de six ans après, ces infrastructures, annoncées en grande pompe pour être réalisées en PPP, n’ont toujours pas vu le jour.

«On a besoin d’avoir des projets d’une plus grande dimension». La sortie de Dieudonné Bodoma Yokono dans les colonnes de Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental, édition du mardi 5 mars 2019, sonne comme un appel à l’aide. En effet, de l’inventaire des projets réalisés en partenariat public-privé (PPP) fait par le président du Conseil d’appui à la réalisation des contrats de partenariats (Carpa), il se dégage qu’on est bien loin de l’esprit et de la lettre de l’article 2 de la loi n° 2006/012 du 29 décembre 2006 portant «régime général des contrats de partenariat». Cet article recommande de faire recours au PPP «dans le cadre des projets d’une très grande envergure technique et financière».

Mort-nés

C’est d’ailleurs fort de cette disposition qu’en juin 2013, le gouvernement annonce, en grande pompe, la réalisation, sous ce modèle de financement, de «six grands projets d’avenir» dans le domaine des transports : un tramway à Douala et à Yaoundé, des lignes de chemin de fer Edea-Kribi et Douala-Limbe, un port cimentier à Limbe et un terminal polyvalent au port de Kribi. Cette liste est même accompagnée d’entreprises adjudicataires. Mais près de six ans plus tard, à l’exception du terminal polyvalent réalisé grâce à un endettement, aucun de ces projets n’a vu le jour. De même, la quinzaine de projets à réaliser en PPP rendus publics en février 2014 par le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), cherchent toujours preneurs.

Pour comprendre cet échec, il faut savoir que le succès d’un projet réalisé en PPP repose sur sa rentabilité. En effet, selon ce modèle, l’investisseur privé qui finance une infrastructure se rémunère par son exploitation avant de la rétrocéder à l’État. Il s’agit donc d’une prise de risque pour le partenaire privé. Pour se lancer, il a de ce fait besoin d’être convaincu de la viabilité financière du projet. Pour cela, des études fiables et détaillées sont indispensables.

Déficit de maturité

Or de l’avis des organisations patronales, «les projets proposés par le gouvernement pour être réalisés en PPP sont pour l’essentiel au stade d’idées de projets». «Il y a globalement un problème d’identification du type de projet à réaliser en PPP dans notre pays», explique une source au sein d’une multinationale pressentie dans la réalisation d’une des six infrastructures annoncées en 2013. Et d’ajouter : «il y avait dans cette liste, des projets qui ne pouvaient pas se faire en PPP. Mais comme c’était à la mode, tout le monde disait : “il faut qu’on réalise un PPP”».

Logiques mercantilistes

Le Carpa reconnait lui-même l’existence d’un tel problème. Dieudonné Bodoma Yokono cite en effet «l’insuffisante préparation des projets» parmi les difficultés techniques et opérationnelles rencontrées dans l’implémentation des PPP. Au sein de cette instance, placée sous la tutelle du Premier ministre, l’on avait même manifesté de la gêne en 2014, lorsque le Minepat avait inscrit dans la liste des projets à réaliser en PPP, ceux qui n’avaient fait l’objet d’aucune étude préalable.
Selon un membre du Comité d’orientation, qui a requis l’anonymat, certaines administrations le feraient en toute connaissance de cause, dans le but de saboter les PPP.

«En réalité, elles préfèrent la réalisation des projets par l’endettement ou le budget d’investissement public, qui leur donnent plus de marge de manœuvre en matière de rétrocommissions», soutient notre source. À l’en croire, c’est également ce qui explique la petite envergure de la plupart des projets matures envoyés pour réalisation au Carpa. La modernisation du système informatique de la douane est le PPP le plus coûteux conclu sous l’égide de cette structure. Montant de l’investissement : 34 milliards de francs CFA.

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