"Il faut prendre des dispositions légales et constitutionnelles qui interdisent le tribalisme"
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Le sociopolitiste analyse les origines de la montée de discours haineux dans les réseaux sociaux.

L’on assiste depuis l’élection présidentielle à la montée de discours haineux et du tribalisme dans les réseaux sociaux. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
La première chose qu’il faut savoir est qu’on peut convoquer trois à quatre facteurs pour le démontrer. La temporalité globale aujourd’hui nous indique que l’extrémisme et le populisme ont le vent en poupe et glosé sur des lieux communs tels que les réseaux sociaux. Le repli identitaire pour faire de la politique apparait comme l’une des figures de la facilité qui s’est emparée de notre société ; et le Cameroun justement subit cette dynamique globale qui l’expose à des discours extrémistes, et populistes. Lorsque nous parlons de discours populiste, c’est le deuxième facteur. Il ne faut pas oublier qu’un certain nombre d’acteurs politiques au Cameroun manquent d’offre politique pertinente en tant que tel pour la simple raison qu’il y a un déficit de professionnalisation de métier d’homme politique dans le contexte qui est le nôtre et par paresse, beaucoup d’entre eux ont préféré glosé sur leurs identités primaires.

Un autre élément est que l’élection présidentielle actuelle a mis le Cameroun en face d’un vote plus que jamais ethnotribal. Ce vote ethnotribal, il y a fort à parier que les réseaux sociaux étant un espace où il y a comme une sorte d’impunité parce que c’est un espace virtuel. De nombreux individus peuvent sous le couvert d’un certain nombre d’identités qui ne sont pas les leurs s’engager dans la propagation et la diffusion de ces discours haineux, bien évidemment en sachant qu’il ne peut rien leur arriver et s’attaquer aux uns et aux autres. Et on se rend également compte que très souvent dans ces réseaux sociaux, l’un des drames c’est que l’on est en présence des individus au niveau d’étude très différencié. Et ceux qui ont des arguments peuvent effectivement arriver à discuter et à échanger sur la base de leur cohérence, de leur pertinence pendant que ceux qui sont à court d’arguments retombent très souvent à regarder les origines des uns et des autres et à distiller cette haine ethnotribale.

Comment cela se manifeste-t-elle ?
Il y a cette guéguerre qui se joue pour ne pas les citer entre les Bamilékés et les Betis pour une raison fort simple : le pouvoir en place est présenté comme un pouvoir de beti ; ce qui encore une fois est tout simplement un discours populiste parce que quand vous regardez dans les faits, cela n’est pas la réalité. Vous trouvez bien un peu tout le monde dans les arcanes du pouvoir. Mais il se trouve quand-même qu’il y a eu cette connexion. C’est le troisième élément à prendre en compte ici entre ces discours extrémistes et populistes et le champ politique. Faute d’une offre politique qui soit également avantageuse.

Y a–t-il péril en la demeure ?
De mon point de vue, l’on ne pourrait pas véritablement dire qu’il y a péril en la demeure. Parce que s’il y avait effectivement péril aujourd’hui dans la vie réelle, c’est sûr qu’on n’aurait plus au Cameroun des villes cosmopolites où l’on voit des gens appartenant à divers horizons qui cohabitent au quotidien au regard du niveau de puanteur des échanges entre les uns et les autres dans les réseaux sociaux, le niveau de barbarisation, le niveau de décivilisation et de violence qui habitent les échanges entre les uns et les autres.

Mais il faut justement faire quelque chose pour que cette virtualité ne rejoigne la réalité parce qu’il est certain que si vous et moi on se connaît dans l’univers virtuel et que l’on se connaît également dans l’univers réel et vous avez fini de m’insulter et de m’invectiver sur mon appartenance primaire dans les réseaux sociaux, il va de soi que nos rapports ne peuvent plus exactement être les mêmes. Il faut donc aujourd’hui faire un travail pour lutter contre ce factionnalisme communautariste qui est en train de faire son lit dans le contexte du Cameroun. L'information claire et nette. Si vous voyez un pays tel que le Rwanda qui a pris un certain nombre de dispositions sur le plan légal, constitutionnel qui interdisent le recours au tribalisme dans l’espace public. Et il me semble qu’arriver à prendre de telles mesures dans le contexte qui est le nôtre permettra qu’on en arrive forcément à cette situation. Il faut travailler à la culture politique des Camerounais, parce que face à un déficit de culture politique, les uns et les autres deviennent vulnérables en face des discours haineux qui peuvent donc se traduire dans la réalité ; et il faut l’éviter en essayant de travailler à l’émergence d’une culture politique démocratique où il y a une acceptation de la différence entre les uns et les autres.

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