Jean-Maurice KAMTO ou la résurgence de la question bamiléké au Cameroun !
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Jean-Maurice KAMTO ou la résurgence de la question bamiléké au Cameroun ! :: CAMEROON

Gueule de bois, déchirement profond, voire honte ; tels sont les sentiments qui nous hantent au sortir de la joute électorale clôturée par l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Après avoir éprouvé le tribalisme de nos frères et sœurs, de nos beaux frères, de nos collègues, de nos amis les plus estimés, il nous semble désormais urgent d’affirmer qu’il y a bien une résurgence de la question « bamiléké » au #Cameroun.

Perpétuer le tabou ou l’hypocrisie c’est prendre le risque qu’elle nous éclate au visage de la même sorte que la crise anglophone dans laquelle notre pays est désormais englué. Jusque-là, les propos prêtés dans Wikileaks à un ex ministre de la justice originaire du septentrion ; prétendant garantir le soutien de son fief à BIYA autant que de besoin en contrepartie d’un futur retour d’ascenseur afin que jamais un « bamiléké » n’accède à la magistrature suprême passaient pour la bassesse d’un prébendier antédiluvien ; mais le déchainement sous fond de tribalisme à peine refoulé d’universitaires de cour, de journalistes et organes de presse contre la personne du candidat Jean-Maurice KAMTO met au grand jour une véritable conspiration ethno fasciste débordant largement les habituels excès de langage de quelques citoyens abrutis.

Des idées reçues à la peau dure :

Que l’on s’entende bien ; il ne s’agit point de s’offusquer de la critique des idées ou du programme d’un candidat dont nous n’avons pas jugé le maintien en course pertinent. Une publication antérieure le démontre aisément.

Simplement, des attaques groupées sur une personne et toujours par les mêmes sous fond d’insinuations tribalistes ne relèvent pas du combat politique.

N’entend-on pas dire : les « bamilékés » ne vendent pas le terrain aux nkoua à l’ouest ! Les « baham ne vendent pas la mère poule ! En échos, il parait à certains très intelligents de demander au candidat KAMTO d’aller d’abord se faire élire par ses frères de l’ouest et plus précisément « baham ». Le comble est que les mêmes qui moquent un KAMTO non plébiscité par ses « frères » de l’ouest jurent du tribalisme atavique de l’homme « bamiléké ». Allez donc y comprendre quelque chose.

« Ils ont l’argent, la politique n’est pas pour eux. Ils sont envahisseurs, s’ils ont le pouvoir il n’y aura plus de place pour les autres ». C’est le sous-jacent psychologique tribaliste qui nourrit de ci de là les diatribes sur la personne du candidat KAMTO. De fait, sciemment ou non, il s’entretient au #Cameroun une méfiance anti bamiléké refoulée qui symétriquement nourrit chez de plus en plus de compatriotes de ce groupe ethnique une sorte de délire obsidional c’est-à-dire un sentiment d’assiégé ; et une forme d’hybris autrement dit une démesure générateurs des sur réactions à la moindre écorchure. Autant de symptômes qui ont précédé les débordements radicaux aux quels nous assistons dans la partie anglophone de notre pays.

Le « bamiléké » n’est guère plus tribaliste que tout autre camerounais. Si la géographie et l’histoire le portent à s’éparpiller partout sur le territoire, il n’est guère plus envahisseur que tout autre camerounais dans les mêmes conditions. Tenez combien de camerounais savent-ils que le département du Mbam est plus vaste que la région de l’ouest ? Les ressortissants de la Lekié en crise foncière débordent de plus en plus dans le Mbam. Il ne s’agit point de « bamilékés » !

L’urgence de crever l’abcès :

Dès l’aube de l’indépendance, le régime autoritaire s’est efforcé de fabriquer une élite « bamiléké » légalistes pour couper l’herbe sous les pieds du maquis de l’Union des populations du Cameroun. L’ »équilibre régional » aidant, cette politique n’est point un échec ; si tant est que avec les « bamilékés » représentés dans tous les corps de métier, il ne serait pas honnête de parler d’une discrimination d’Etat contre le « bamiléké ». Néanmoins, la raréfaction des places du fait de la crise de l’emploi, génère des tensions indéniables. Les « bamilékés » trouvent qu’il n’y en a jamais assez pour eux tandis que les autres trouvent qu’il y an a toujours trop pour les « bamilékés ». La crispation identitaire d’un autocrate perpétuel n’est pas pour arranger quoique cela soit. Les plus farouches de ses soutiens n’hésitent pas donc à invoquer l’invasion pour mobiliser. Affronter cette réalité avant le pire des dérapages implique tout d’abord d’indiquer que les frontières ethniques ne sont pas éternelles. Outre que nul ne saurait reprocher à une ethnie d’avoir une démographie généreuse et donc un « avantage statistique » dans tous les domaines de la vie (richesse, pauvreté, mérite, médiocrité, vice, vertu) il est tout simplement insensé de penser qu’un président originaire d’une ethnie fût-elle « bamiléké » se passerait des autres concitoyens. Autant dire que si des « bamilékés » le pensent, ce serait la meilleure façon de réduire la part du « bamiléké » dans la répartition du gâteau national.

En revanche on pourrait opposer par exemple aux ressortissants du septentrion propagandistes de l’alliance nord/sud que la résorption des fléaux de ces trois régions n’incombe pas exclusivement à la contribution aux charges publiques des ressortissants du sud et du nord mais bien à tous les camerounais. Tandis que leurs notabilités profitent allégrement des prébendes de monsieur BIYA elles les condamnent à une marginalisation si les autres camerounais interdits d’accès à la fonction suprême refusent désormais de participer à la lutte contre l’analphabétisme, l’éradication des traditions médiévales, l’aridité du sol et du climat l’islamo fascisme rampant ; autant de fléaux qui minent les populations de ces trois régions ; alors que les enfants de ceux qui les instrumentalisent trustent les places dans les grandes écoles moules à prébendiers du pays.

Il faut en suite souligner que malgré les obsessions particularistes célébrées dans nos jeunes nations, l’ethnie n’est pas une identité inaltérable ou une réalité éternelle. Elle évolue se transforme voire se dilue. Jusqu’à la veille de l’ordonnance de Villers-cotterêts en 1539, le français n’est en aucune façon la langue nationale sur le territoire du royaume. Mieux il a fallu plus de cinq siècles après l’ordonnance pour que le français s’impose véritablement comme langue partagée par tous les français. Les multiples idiomes caractéristiques des micro nationalités ne sont plus que des exotismes préservés en guise de protection du patrimoine culturel. Que cela nous plaise ou pas, au Cameroun aussi et plus largement en Afrique les populations migrent, se mélangent. Ce brassage conduira inéluctablement à l’émergence d’une culture de masse cimentée par une langue quelconque. Les frontières ethniques actuelles ne seront alors que de lointains souvenirs.

Un mode de régulation transitoire

En convenant de l’absurdité de la surcélébration des particularismes ethniques condamnés à s’effriter, il n’en demeure pas moins que pour longtemps encore ces réflexes grégaires détermineront largement le comportement des camerounais. Plutôt que de le nier, il semble désormais plus raisonnable de réfléchir à des modalités d’organisation du partage du pouvoir et de la ressource pendant une phase transitoire précédant l’horizon syncrétique inévitable. Certains à l’instar du professeur OWONA Joseph dans un récent opuscule avancent au #Cameroun l’idée d’une présidence tournante sur une base ethnico régionale. Une telle perception est de toute évidence trop primaire et se heurte rapidement à son applicabilité. Dans la multiplicité ethnique du Cameroun, chaque ethnie devra patienter combien de siècles pour qu’enfin arrive son tour ? La régulation actuelle bien qu’hypocrite consiste à partager les places au gré d’un équilibre régional. Pourquoi pas ? Le problème est que de fait ou de droit, rien ne contraint le prince distributeur de prébendes à respecter le principe de l’équilibre. Un progrès consisterait donc à créer les conditions de cette contrainte par un mécanisme de sanction de la violation manifeste. Point la peine de se livrer à un big bang institutionnel pour prétendre inventer la boussole. Un emprunt dans la démocratie américaine permet de comprendre que l’élection du président de la république peut se faire par le biais d’un suffrage indirect.

Les grands électeurs dans chaque unité territoriale considérée (arrondissement, département, région) seraient répartis au gré du poids ethnique relatif de chaque entité admise au jeu des équilibres. Afin d’éviter l’hégémonie tant redoutée de certains groupes ethniques, un système d’écrêtement pondérerait le nombre de grands électeurs à leur affecter tandis qu’une surcote améliorerait le poids relatif des minorités. Gagner l’élection impliquerait pour chaque candidat de courtiser non seulement les électeurs des grandes ethnies tels les « bamilékés » les « islamo peules » mais aussi les minorités sans les quelles la majorité qualifiée de grands électeurs représentant en tout état de cause au moins la majorité absolue du corps électoral ne serait pas possible. A partir d’une telle matrice, toutes sortes de combinaisons plus ou moins affinées sont possibles pour se conformer aux réalités camerounaises.

La résurgence de la question « bamiléké » à l’occasion de la récente élection implique de la part de l’inteligencia camerounais un véritable sursaut d’imagination. Plutôt que d’alimenter des craintes, des hantises puériles, il s’agit de concevoir une régulation sociale suffisamment juste afin que chaque citoyen trouve sa place au sein de la république. Une meilleure gouvernance aidant, l’accroissement de la ressource à partager réduirait les frictions et rivalités inter spécifiques. Tout augure contraire condamne notre nation à une inéluctable conflagration. Quelque soit la subtilité du mécano institutionnel, la survie de notre nation passe par une élévation de l’esprit public de ses élites. Aucun #Cameroun ne se construira sans un droit réel du « Bamiléké » à accéder à la fonction suprême au même titre que tout autre camerounais.

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