« Le chef de l'Etat a peur de la mort, c'est pour ça qu'il s'accroche »
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Dans une tribune, l’écrivain Michel Tagne Foko réagit à la décision de Paul Biya, 85 ans, de se représenter à l’élection présidentielle en octobre.

On parlait du Cameroun. De la décision du chef de l’Etat de se représenter à la magistrature suprême. La situation était tellement invraisemblable que personne n’osait s’en moquer. L’air était pesant. Nous étions gênés. Nous avions pitié. S’émaillait un sentiment de tristesse, de honte.

On se demandait ce que pouvait bien penser ce monsieur. A son âge, 85 ans. Privé de retraite. L’âge où l’on devrait avoir le droit de se reposer. Profiter des quelques années qu’il nous reste à vivre… Mais non, on lui a dit qu’il est bon. Qu’il est fort. Indispensable. Le plus sage de son pays…

Qui lui a conseillé de se représenter ? Qui vote pour cet homme ? La pitié n’existe donc pas dans les cœurs ? Comment peut-on accepter de voir quelqu’un se flageller devant nos yeux ? N’est-il pas temps, pour le Cameroun, d’adopter une loi sur la non-assistance à personne en danger, pour sauver ce monsieur ?

Il se prend pour un roi…

Il est là. Debout. Dans son costume. Il vacille fréquemment sur ses jambes. Assis. Souvent. Il bombe son torse ridé. Il a du mal à respirer. Il semble grand. Il semble fort. Il se sent puissant. Il se prend pour un roi, et pourtant, nous sommes en république. Ça plaît à son entourage. Ça titille. Ça rend heureux. Après trente-cinq ans comme président de la République, ils en veulent encore…

Il a placé sa famille et ses amis à tous les postes les plus juteux de la république. Il ne connaît pas tous ses ministres. Il préside rarement le conseil des ministres. Il passe son temps à Genève, en Suisse. Il est celui qui dépense environ 65 millions de dollars en déplacements alors que 50 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté…

Il traite les habitants d’« apprentis sorciers », de « terroristes ». Il opprime ses opposants politiques, jette les homosexuels en prison, s’immisce dans le traditionnel. Il a réussi à massacrer les cultures animistes, qui avaient pourtant résisté à la colonisation. Il a commencé par remplacer « roi » par « chef «. « Royaume » par « village ». Ensuite, il s’est mis à choisir quel « village » était de « premier degré », de « deuxième degré », de « troisième degré »… Pour clôturer, il alloue une allocation aux chefs qui chantent ses louanges au quotidien…

… voire pour un dieu

Il s’exécute rarement. Il est attendu partout. Il n’y va pas souvent. Le jour où il décide d’honorer de sa présence, sa nonchalance et son air de supériorité crèvent l’écran, tel le messie venu sauver son peuple. Il résiste et persiste. Il se sent irremplaçable. Comment peut-on imaginer le remplacer ? Il se prend pour Dieu. Il est Dieu. Oui, le dieu des Camerounais. À force, ça se voit, quand il parle. Il se croit beau. On lui a dit qu’il était encore jeune, et il l’a cru. Il a même ri. Il aime rire. C’est la seule et vraie chose qu’il lui reste réellement...

Il ne donne jamais de meetings. Il n’aime pas ça. De plus, il n’a plus la force pour ce genre de truc. C’est un fait. Il préfère que l’on se prosterne à ses pieds. Ça lui donne un semblant de réconfort. Il aime voir l’autre souffrir. Ça lui permet de relativiser son propre sort. Parce que, en vrai, il se bat contre lui-même. C’est quelque chose d’horrible. Il a peur du noir. Il a peur de la lumière. Il a peur de la mort. C’est pour cela qu’il s’accroche à cette fonction.

Un Togolais a dit : « Par pitié, et seulement par pitié, si j’étais Camerounais, je voterais pour ce grand-père. » Un Camerounais a dit : « L’Etat du Cameroun est devenu un Etat colon. Le colon n’est plus blanc, il ressemble aujourd’hui à l’ébène, bien noir, noir ciré. » Un Béninois a dit : « Il a réussi à me faire le détester. Moi qui pourtant aime les vieux. » Un Sénégalais a dit : « C’est marrant… J’ai grandi en entendant parler de lui, il fait partie de mon imaginaire de gamin. » Il y a quelqu’un qui a répliqué en disant : « Dans la zone du bassin du Congo, ils sont habitués aux rois, et au Cameroun, ils ont le roi fainéant. »

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