Cameroun,Livre: Indépendance immédiate : quand Mbida s’opposait à Um Nyobè
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Cameroun,Livre: Indépendance Immédiate : Quand Mbida S’opposait À Um Nyobè :: Cameroon

Un débat a divisé les Camerounais pendant les dernières années de la colonisation, celui d’une indépendance « immédiate », ou alors « par étapes », c’est-à-dire, à long terme. A la faveur de celui-ci, Mbida s’est vivement opposé à Ruben Um Nyobè. Quels ont été les thèses des deux protagonistes ?

EXTRAITS

En clair, les traités de Versailles ont, purement et simplement, entériné l’invasion du Kamerun par la France et la Grande-Bretagne. Ils ont totalement refusé d’entendre la voix du Kamerun qui revendiquait sa liberté, qui demandait à recouvrer celle-ci.

La question que de nombreuses personnes se posent aujourd’hui face à cette revendication est celle-ci : le Kamerun, en 1919, était-il en mesure de se gouverner ? La réponse est toute évidente, oui.

L’Allemagne avait déjà mis en place une administration publique qui fonctionnait depuis trente ans. De nombreux Kamerunais étaient des agents administratifs allemands, donc connaissaient parfaitement les procédures administratives. L’Allemagne avait instauré l’enseignement public au Kamerun, et avait décerné de très nombreux diplômes aux Kamerunais. Parallèlement, les missionnaires catholiques comme protestants avaient également scolarisé de très nombreux Kamerunais, en avaient fait des infirmiers, des instituteurs, des menuisiers, des techniciens de génie civil, etc. Et, en face de cette instruction d’origine étrangère, ou en complément à celle-ci, les Kamerunais, comme tous les êtres humains, savaient parfaitement ce qu’était le pouvoir, le commandement, le bien, le mal, la proprié-té privée, etc., puisqu’ils étaient régis par des chefferies traditionnelles. Pour tout dire, ils avaient, en 1919, parfaitement les capacités de s’autogouverner. Martin Paul Samba, Rudolph Duala Manga Bell, Charles Atangana Ntsama, le Sultan Njoya, tous des lettrés en allemand, et bien d’autres personnes, avaient la capacité de diriger le Kamerun.

Quoi qu’il en soit, le refus, par la population, de la soumission à la France et à la Grande-Bretagne, au lendemain de la partition du Kamerun le 4 mars 1916, et le fait, par les traités de Versailles d’avoir entériné cette invasion étrangère, est quelque chose d’essentiel dans l’histoire du Cameroun. En effet, il constitue, en grande partie, le point de départ de la contestation de la présence française dans notre pays par les patriotes. Les lettrés camerounais, ne cesseront, en aucun jour, de traiter les Français et les Britanniques, dès leur arrivée dans notre pays, en envahisseurs, en peuple non désiré parce que n’ayant été, en aucun jour, invités. Ceci explique le refus systématique, au début, des Camerounais d’abandonner l’allemand pour se mettre à apprendre le français et l’anglais.

Le rejet de l’invasion franco-britannique du Cameroun, au-delà du rejet que tout peuple manifeste envers un autre qui l’envahit, s’est encore plus accentué par le fait que les Camerounais avaient vu aussi l’appellation de leur pays menacée de modification. Les Français se proposaient en effet de le faire, c’est pourquoi ils ont, jusqu’en 1923, utilisé l’appellation « territoires occupés de l’ancien Cameroun ». En insistant sur l’adjectif « ancien », ils démontraient qu’ils étaient à la recherche d’une nouvelle appellation à attribuer à notre terre. Déjà, ils avaient changé l’orthographe du nom de notre pays. Ils sont passés de « Kamerun » à « Cameroun ». Même chose pour les Britanniques. Ceux-ci, pour leur part, sont passés de « Kamerun » à « Cameroon ».

Ces modifications, les Camerounais d’aujourd’hui ne le savent plus, n’avaient jamais été acceptées par les Camerounais de l’époque. Ce rejet de la nouvelle orthographe du nom de notre pays, perdurera jusqu’à pratiquement 1966. Du côté francophone, les patriotes n’ont eu de cesse d’écrire « Kamerun », toutes les fois où ils désignaient notre pays ; même chose du côté territoire sous administration britannique, où des partis politiques avaient même maintenu cette orthographe jusqu’au moment de l’instauration de la dictature au Cameroun avec la création du parti unique le 1er septembre 1966. C’était le cas du KNDP, Kamerun National Democratic Party, de John Ngu Foncha.

Le 20 juillet 1923, les « territoires occupés de l’ancien Cameroun » devenaient un territoire sous mandat « B » de la SDN, autrement dit, un territoire qui était appelé à accéder à l’indépendance, mais ne pouvait le faire dans l’immédiat. Une fois de plus, les plénipotentiaires réunis à Versailles, avaient totalement nié la capacité du Kamerun à s’autogouverner. Pourtant, ils avaient un exemple de pays africain qui se gouvernait tout seul, sans domination étrangère, l’Ethiopie. Il faudrait le rappeler, ce pays n’a jamais été colonisé. Il y avait également le Libéria, qui était constitué d’anciens esclaves négro-américains.

En 1822, le Libéria avait été fondé par une société américaine dénommée The National Colonization Society of America, pour y installer des esclaves noirs libérés.
Le 26 juillet 1847, le Libéria était devenu une République indépendante. Bien mieux, le 14 août 1917, le Libéria avait même déclaré la guerre à l'Allemagne.
Si le Libéria était devenu une République indépendante depuis 1847, le Kamerun pouvait bel et bien le devenir au mois de juillet 1884, c’est-à-dire, 37 ans plus tard.
Hors d’Afrique, un pays noir, Haïti, était déjà indépendant depuis. Cette ancienne colonie française était devenue, le dimanche 1er janvier 1804, le premier État noir des Temps modernes et le deuxième État indépendant des Amériques (après les États-Unis).

Si Haïti était devenu indépendant un siècle plus tôt, le Cameroun aurait dû l’être le 12 juillet 1914.
Le mandat de la SDN sur le Cameroun, prendra fin avec la disparition de cette organisation et son remplacement par l’Organisation des Nations Unies.

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Chapitre II : Um Nyobè parle en premier de l’indépendance.

Lorsque l’on évoque le nom de Ruben Um Nyobè, aussitôt, on pense à deux choses : « indépendance immédiate, et réunification ». En fait, on se trompe totalement en procédant, de cette manière, à cette énumération. Cette confusion, ou, plus précisément, cette erreur, provient purement et simplement des adversaires de Ruben Um Nyobè qui, après avoir procédé à son élimination physique, ont entrepris de déformer, à dessin, sa pensée politique, dans le but de démontrer à la population qu’ils ont réalisé son programme, sans recourir, comme lui, à des meurtres, des assassinats, du brigandage, en un mot, au « terrorisme ». Nul besoin de « fendre le ventre des femmes dans les maternités, d’en extraire les bébés qui s’y trouvaient, et de les égorger, ainsi que le faisait Ruben Um Nyobè, sous le prétexte de la lutte pour l’indépendance ». Telle était le message diffusé, au lendemain de la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960, par le régime d’Ahmadou Ahidjo. La génération d’hommes de l’auteur de ces lignes l’a avalé, des années durant, sans être en mesure de vérifier la véracité des faits énoncés.

La réalité est malheureusement tout autre. D’une part, Ruben Um Nyobè plaçait la réunification en dehors de l’indépendance, bien mieux, estimait que celle-ci était même un préalable à l’indépendance, donc elle devait se produire bien avant l’indépendance, d’autre part, la réunification du Cameroun, telle qu’il l’avait préconisée, n’a pas du tout été réalisée par Ahmadou Ahidjo. Enfin, l’indépendance, dans l’esprit de Ruben Um Nyobè, ne pouvait, en aucune manière, signifier hypothéquer le sous-sol camerounais avant sa proclamation, ainsi que l’avait fait Ahmadou Ahidjo le 31 décembre 1958, à travers les accords de coopération franco-camerounais signés entre le gouvernement camerounais, non encore indépendant, et la France, autrement dit, entre un vassal et son suzerain.

Mais avant tout, l’histoire du Cameroun a retenu que le tout premier Camerounais ayant évoqué la question de l’indépendance du Cameroun devant les Nations Unis, est Ruben Um Nyobè.

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Chapitre III : André-Marie Mbida et l’indépendance après 1968.

André-Marie Mbida aura été le premier Premier ministre du Cameroun, que ce soit sous domination britannique comme sous domination française, et, en même temps, le premier chef du gouvernement. A l’époque, le Cameroun était régi par un régime parlementaire. C’était par conséquent le Premier ministre qui conduisait la politique de la nation, comme cela se passe, par exemple, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne, etc. André-Marie Mbida était ainsi, en quelque sorte, le chef de l’Etat du Cameroun, étant donné que le Haut-commissaire était un Français, et représentait le gouvernement de son pays au Cameroun.

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Au cours de sa tournée dans la région du Nyong & Sanaga, peu de temps avant sa démission, André-Marie Mbida avait renchéri, à Esse, sur son refus de la réunification : «… Avant de demander la réunification des deux Cameroun, il faut d’abord montrer que nous pouvons être unis dans nos villages… »

Il avait, ensuite, repris sa rengaine contre l’UPC :

« … Je veux dire à ces démagogues qu’ils ont tort de nier l’évidence : nous avons maintenant un drapeau camerounais, lors de nos récents séjours à Paris, j’ai été reçu par le Président de la République en tant que chef d’Etat (… ) Ne croyez donc pas que c’est par des meurtres que vous parviendrez à vos fins, c’est-à-dire à faire croire qu’il n’y a rien de changé au Cameroun. Ce n’est pas en allant à Moscou ou à l’ONU que vous obtiendrez l’indépendance (…) si les Français quittaient le Cameroun, si la France cessait de nous apporter son aide, il ne serait plus question d’une Assemblée camerounaise et de toutes les institutions actuellement en place. Le Cameroun retomberait dans l’anarchie et dans la misère (…) Les démagogues upécistes ont tort de ne pas s’incliner devant la volonté du peuple. En agissant ainsi, ils ne font pas preuve d’esprit démocratique… (…)

……………………. Le 24 octobre 1952, André-Marie Mbida s’était joint à l’ensemble des élus de l’Assemblée Territoriale du Cameroun, ATCAM, pour protester contre l’invitation adressée à Ruben Um Nyobè par le Secrétaire Général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, de venir exposer la question de l’indépendance du Cameroun devant la 4ème Commission du Conseil de Tutelle. Voici le texte de la protestation signé par Mbida :

« …Suivant deux nouvelles diffusées de New York par l’Agence France Presse, le secrétariat des Nations Unies a rendu publique une requête de Monsieur Um Nyobè Ruben, secrétaire général du parti politique Union des Populations du Cameroun, UPC, en vue de l’envoie d’un représentant de l’UPC à l’Assemblée Générale des Nations Unies, et la commission compétente aurait pris la décision d’inviter ce chef de parti à venir, personnellement, à New York, lui exposer les revendications du Cameroun sous tutelle française.

Les membres de l’Assemblée Territoriale du Cameroun français réunis en session à Yaoundé, sont obligés de souligner, avec fermeté, que le parti susnommé et son secrétaire général n’ont aucune qualité pour représenter les intérêts et les aspirations des masses camerounaises. Ils rappellent qu’ils sont, eux-mêmes, les représentants de ces masses, ayant été élus le 30 mars dernier, et qu’à ces élections générales, sur cinquante sièges à pourvoir, l’UPC, malgré une activité intense de propagande, n’en a obtenu aucun. Que notamment, M. Um Nyobè, candidat dans la Sanaga-Maritime, son pays d’origine, où l’UPC a éployé depuis ses débuts une particulière activité, n’a obtenu que 2.736 voix sur 31.317 inscrits ;

Sommaire

Avant-propos

Chapitre I :

La question de l’indépendance du Cameroun dès le départ et les Nations Unies par la suite.

A – L’accord de tutelle du 13 décembre 1946.

B – Le Cameroun sous tutelle : une colonie française purement et simplement.

Chapitre II :

Um Nyobè parle en premier de l’indépendance

A – Um Nyobè à l’ONU le 17 décembre 1952.

B – Um Nyobè et l’indépendance le 1er janvier 1956.

Chapitre III :

Mbida et l’indépendance après 1968.

A – Mbida et l’indépendance par étapes.

B – Le revirement d’André-Marie Mbida.

Conclusion internationale du débat Um Nyobè-Mbida :
Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux Résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1960.
Accord de tutelle du 13 décembre 1946. www.amazon.com, taper le titre du livre ou Enoh Meyomesse

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